Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’
ONU
se sont brièvement rencontrés jeudi sans rapprocher leurs points de vue
sur une intervention militaire contre la Syrie, Damas promettant de son
côté de se défendre “contre toute agression”.
Dans ce climat de fortes tensions face à la perspective
d’une action militaire qui serait menée par les Etats-Unis — peut-être
même de manière unilatérale — des inspecteurs des Nations unies
enquêtent depuis lundi près de Damas sur l’attaque chimique du 21 août
et ont recueilli “quantité” d‘éléments.
Au Conseil de sécurité, une réunion jeudi a duré à peine
45 minutes entre les cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine,
Royaume-Uni et France disposant tous d’un droit de veto) sans progrès
apparents. Elle s’est tenue à la demande de la Russie, alliée de la
Syrie et donc farouchement opposée à toute action militaire.
Après une première réunion mercredi qui avait fait long
feu, il s’agissait d’examiner un projet de résolution de Londres pour
justifier d’une opération contre la Syrie. Ce texte autorise “toutes les
mesures nécessaires en vertu du chapitre
VII de la Charte de l’
ONU pour protéger les civils contre les armes chimiques” en Syrie.
Ce chapitre prévoit des mesures coercitives pouvant aller jusqu‘à une opération militaire.
Face à cette poussée de fièvre et malgré le scepticisme
qui s’est fait jour depuis mercredi sur l’opportunité d’une
intervention, le président syrien Bachar al-Assad s’est engagé à
“défendre” son pays “contre toute agression” des Occidentaux.
Fort de l’appui de la Russie, M. Assad, qui avait déjà
démenti les accusations “insensées” de recours aux armes chimiques, a
martelé que la Syrie était “déterminée à éradiquer le terrorisme soutenu
par Israël et les pays occidentaux”, assimilant une nouvelle fois la
rébellion à du “terrorisme”.
“Coup de semonce”
Le président américain Barack Obama, qui avait dit
mercredi soir ne pas avoir pris de décision sur la Syrie — tout en
parlant d’un nécessaire “coup de semonce” — se réserve le droit d’agir
unilatéralement sans attendre l’
ONU ou le Royaume-Uni, ont laissé entendre la Maison Blanche et le département d’Etat.
“Le président doit avant tout rendre des comptes aux
Américains qui l’ont élu pour qu’il les protège. Et le président est
fermement convaincu que les enjeux concernent des mesures nécessaires
afin de protéger nos intérêts cruciaux de sécurité nationale”, a
expliqué le porte-parole adjoint de la présidence, Josh Earnest.
Pour son homologue du département d’Etat, Marie Harf, les
consultations sur la Syrie avec les “alliés” de Washington, comme
Londres, sont certes “extrêmement importantes”, mais “nous prenons nos
décisions en suivant notre propre calendrier”.
Elle a répété que son pays “répondrait” à la Syrie, mais sans être plus explicite.
“L’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien
contre son propre peuple constitue une situation dans laquelle les
intérêts de sécurité nationale américains sont menacés. Il est de notre
intérêt (...) que cet usage ne reste pas sans réponse”, a insisté Mme
Harf.
A Londres, le Premier ministre britannique David Cameron a
tenté justement de convaincre des députés sceptiques de la nécessité
d’intervenir en Syrie. Ces parlementaires britanniques devaient se
prononcer jeudi soir sur une motion du gouvernement, mais l’opposition
travailliste a décidé de voter contre.
Le gouvernement a néanmoins affirmé qu’il “serait
toujours autorisé” à mener “une intervention ciblée” en Syrie, même en
cas de blocage au Conseil de sécurité, “en vertu de la doctrine
d’intervention humanitaire”.
Le Royaume-Uni souhaite toutefois, avant d’agir, prendre connaissance du rapport des inspecteurs de l’
ONU.
Ces derniers, qui ont récolté quantité d’“éléments” dans
la région de l’attaque chimique, près de Damas, doivent faire un
compte-rendu oral au secrétaire général Ban Ki-moon après leur départ de
Syrie prévu samedi. Les échantillons recueillis seront transmis à des
laboratoires en Europe, conformément à la Convention sur l’interdiction
des armes chimiques, et ces analyses pourraient prendre des semaines,
selon un porte-parole de l’
ONU, Farhan Haq.
Quoi qu’il en soit, un feu vert du Conseil de sécurité
pour l’usage de la force en Syrie est hautement improbable compte tenu
de l’opposition de la Russie et de la Chine.
La France, l’autre alliée de Washington au Conseil de
sécurité, a reconnu qu’une riposte militaire était “compliquée à
construire”. Le président François Hollande et la chancelière allemande
Angela Merkel ont dit attendre les résultats de l’enquête de l’
ONU.
Le chef de l’Etat français a cependant insisté sur la nécessité de
“marquer un coup d’arrêt par rapport à l’escalade de la violence”.
En revanche, le Canada a annoncé ne pas envisager de participer à d‘éventuelles frappes.
De leur côté, les Etats-Unis ont rassemblé depuis une
semaine des renseignements et informations sur l’attaque chimique du 21
août et la Maison Blanche va communiquer jeudi au Congrès les éléments
en sa possession. Alors que l’invasion de l’Irak en 2003 , construite
sur de faux renseignements, est dans toutes les têtes à Washington, la
Maison Blanche a annoncé une conférence téléphonique entre l’exécutif et
des parlementaires à 22H00
GMT. Il y aura
aussi la publication “avant la fin de la semaine”, peut-être dès jeudi,
d’une “version déclassifiée” d’un rapport des services de renseignement
américains.
“Défendre la Syrie contre toute agression”
Le Pentagone a déployé un destroyer supplémentaire face
aux côtes syriennes, portant temporairement à cinq le nombre de navires
équipés de missiles de croisière en Méditerranée orientale. Le
Royaume-Uni a déployé six avions de chasse Typhoon sur l’une de ses
bases à Chypre, à une centaine de kilomètres seulement des côtes
syriennes.
A Damas, les forces armées syriennes ont été
repositionnées hors de leurs postes de commandement, et les habitants se
préparaient au pire, certains pliant bagages, d’autres subissant des
contrôles renforcés à des barrages routiers.
S’exprimant depuis la Turquie, qui prône une opération
musclée contre le voisin syrien, l’opposition syrienne a affirmé que les
défections s‘étaient multipliées dans l’armée syrienne ces derniers
jours.
Dans le camp des alliés de Damas, Moscou a annoncé
l’envoi en Méditerranée d’un bateau de lutte anti-sous-marine et d’un
navire lance-missiles. L’Iran, par la voix de son chef d‘état-major
Hassan Firouzabadi, a prévenu qu’une action militaire contre la Syrie
aurait des conséquences sur toute la région et mènerait Israël “au bord
des flammes”. Celui-ci a rétorqué qu’il répliquerait “avec toute sa
force” et fait état du déploiement de systèmes d’interception
antimissiles.
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