02 novembre, 2010

ENTENTE CORDIALE COOPÉRATION - Paris et Londres organisent leur défense

COOPÉRATION - Paris et Londres organisent leur défense

Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron ont signé deux traités de coopération dans le secteur de la défense et la sécurité © Abaca


Le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron ont signé mardi, à Londres, deux traités de coopération dans le secteur de la défense et la sécurité. Le Premier ministre britannique a évoqué l'ouverture d'un "nouveau chapitre" dans les relations entre les deux pays, ajoutant à l'intention de ses concitoyens que la Grande-Bretagne et la France "sont et resteront des nations souveraines". Le président français Nicolas Sarkozy a pour sa part estimé que toutes les conditions étaient "réunies pour une relation absolument exceptionnelle entre la Grande-Bretagne et la France", qui auraient établi "un niveau de confiance jamais égalé dans l'histoire".

Le premier document porte sur la création d'une force militaire conjointe de plusieurs milliers d'hommes - on parle de 5.000 - mobilisable pour des opérations extérieures bilatérales ou sous commandement de l'Otan, de l'ONU ou de l'Union européenne. L'initiative est, certes, intéressante, mais ni Paris ni Londres ne se sont jamais interdits de conduire ce type de mission commune, en cas de besoin. Aux heures graves, et depuis des décennies, les deux armées sont côte à côte. L'exemple le plus spectaculaire, et sans doute le plus significatif, demeure la création d'une force de réaction rapide en juin 1995, créée par Jacques Chirac tout juste élu et par le Premier ministre John Major. Rappelons qu'il s'agissait alors de réagir militairement, enfin, aux exactions commises par les Serbes de Bosnie contre les Casques bleus de la Forpronu. Les uns avaient été obligés de reprendre par la force un pont de Sarajevo, les autres avaient dû se rendre aux Serbes, leur lieutenant agitant un drapeau blanc. Français et anglais avaient rapidement mis les choses en place à coups de canon, contraignant les Serbes à la négociation qui allait conduire aux accords de Dayton, en décembre, puis à la fin de cette guerre.

Accord sur l'armement nucléaire

Alors, la formalisation diplomatique mise en place mercredi changera-t-elle les choses sur le fond ? Sans doute pas... Les deux armées vont davantage s'entraîner ensemble, mais le grand jour sera celui des achats croisés de matériels, voire de la vraie coopération industrielle. À ce jour, des succès réels (MBDA et Thales, par exemple) voisinent avec des échecs retentissants. De ce côté-ci de la Manche, on aime à rappeler que les Britanniques ont renoncé à s'associer au programme de frégates antiaériennes Horizon. Mais, à Londres, on rappelle que les Français se sont désistés pour le porte-avions commun qui devait compléter le Charles-de-Gaulle et que Jacques Chirac a pris personnellement la décision de ne pas équiper les frégates FREMM d'une excellente propulsion proposée par Rolls-Royce, pour lui préférer - pur choix politique - un système General Electric/Avio américano-italien, modèle 1969... À ceci Paris rétorque que lorsqu'il s'est agi pour la British Army d'acheter son nouveau blindé d'infanterie, elle s'est bien gardée de choisir le très bon VBCI, de Nexter.

La conclusion d'un accord sur l'armement nucléaire est, elle, plus originale. En vertu de ce second traité, les deux pays simuleront à partir de 2014 le fonctionnement de leur arsenal nucléaire dans un même laboratoire, implanté près de Dijon. Parallèlement, un centre de recherche sera ouvert aux spécialistes des deux pays, dans le sud-est de l'Angleterre. À ce stade, aucun détail n'est disponible sur cet accord, qui va devoir tenir compte de l'étroite collaboration entre Britanniques et Américains concernant les appareils nucléaires stratégiques. Dernière illustration en date : la possible attribution à l'entreprise AWE (Atomic Weapons Establishment) de la gestion de la base de stockage des têtes nucléaires de la Royal Navy, à Coulport, sur la rivière Clyde en Écosse, jusqu'alors jalousement conservée aux mains des militaires. À ce sujet, le député travailliste de cette circonscription, Jackie Baillie, s'emporte : "Considerer qu'une société privée peut entrer dans notre base stockant les têtes nucléaires et la gérer pour de bon, c'est juste extraordinaire et irresponsable !" AWE est l'équivalent de la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique français. Elle fabrique et maintient en état les armes nucléaires britanniques, mais se trouve être la propriété, pour un tiers, de la société américaine Lockheed-Martin. Son précédent directeur, Donald Cook, a été nommé par le président Barack Obama directeur des programmes militaires de la National Nuclear Security Administration... américaine ! Comme indépendance stratégique, on a vu mieux.

La bombe H comme monnaie d'échange

À l'identique, depuis des années, Français et Américains sont engagés dans un programme majeur de simulation, le laser mégajoule. Les outils sont développés en commun, mais les calculs sont effectués indépendamment par chaque partie. Comment les Britanniques vont-ils s'intégrer dans ce dispositif ? Quels seront leurs apports et quels seront leurs bénéfices ? Impossible de le dire pour l'instant. Ces simples éléments indiquent qu'il serait fort étonnant que la collaboration entre le Commissariat à l'énergie atomique français et ses homologues britanniques aille aussi loin que les annonces fracassantes faites mercredi.

Mais là encore, l'histoire nucléaire commune entre Londres et Paris ne date pas d'aujourd'hui. On l'a oublié partout, sauf au CEA, mais, en 1968, les Britanniques ont fait à la France un cadeau princier : les secrets de la bombe H. Les Britanniques avaient fait exploser dès 1957 cette bombe hyperpuissante, mais les ingénieurs français essuyaient échecs sur échecs. C'est un ingénieur agissant sur ordre, qui, en 1967, proposa gratuitement aux Français les formules permettant de fabriquer la bombe H. Elle explosa effectivement le 8 août 1968 sur l'atoll de Fangataufa, en Polynésie française. Selon toute vraisemblance, Londres avait offert cet exceptionnel cadeau à la France pour lever l'opposition du général de Gaulle à son entrée dans le Marché commun. Peine perdue : cinq mois après l'explosion de Fangataufa, de Gaulle renouvelait son opposition. On n'est pas plus ingrat ! lepoint

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