22 septembre, 2010

Importation du riz au Burkina Qualité sanitaire…quantité commerciale


28 205 tonnes de riz ont été importées en 2009 au Burkina Faso à partir des ports de Tema et Takoradi au Ghana, selon les statistiques de la représentation du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) à Tema. L’éclatement de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire en 2002 a considérablement rendu les ports ghanéens très compétitifs. Ces destinations côtières sont aujourd’hui les plus prisées par les commerçants et « businessmen » burkinabè.

En 2009, le port de Tema a reçu pour le Burkina Faso, 15 105 tonnes de riz. Celui de Takoradi, 13 000 tonnes, soit un total de 28 205 tonnes de riz entré au Burkina Faso par les ports ghanéens. Entre 2006 et 2010, 6 540 importateurs burkinabè ont été enregistrés dans les fiches de la représentation du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) à Tema. Chargé d’accompagner et conseiller les importateurs burkinabè dans la commande de tout produit et de toute marchandise, le CBC tire avantageusement profit de l’intérêt manifeste des "businessmen" burkinabè qui ont tourné le pied aux ports ivoiriens aux lendemains de la crise politico-militaire.

Depuis 9 ans, et pour faire face à demande de services, le Conseil burkinabè des chargeurs au Ghana travaille 6 jours sur 7 jusqu’à des heures tardives. Avec, en sus, la barrière linguistique, le CBC fait visiblement office « d’ambassade commerciale » du Burkina à Tema au regard de la forte demande en assistance par les Burkinabè. En fait, la structure a surtout en charge la gestion du fret. Sa représentation administrée par est Yaya Yédan, le représentant du CBC/Ghana, Adolphe Bado, en charge des activités maritimes et portuaires, Hubert Somé, le responsable des activités terrestres et de facilitation, Ousmane Sawadogo, le comptable, Yvonne Kibora, la secrétaire de direction, Joachim Zongo et Martin Poda en charge des dispenses de caution pour les véhicules en transit au Ghana et David Kyélem, le chef de bureau CBC/Takoradi. C’est cette administration assez réduite qui a en charge la gestion du fret burkinabè.

Au Ghana, la « Food and Drug Board » fait systématiquement aux ports, des prélèvements de toutes les denrées alimentaires et marchandises diverses destinées à la consommation de masse pour s’assurer de leur qualité sanitaire avant la commercialisation. La « Food and Drug Board » est une structure technique de l’Etat ghanéen qui s’intéresse notamment aux « vivres secs » comme le riz et « vivres frais » contenus dans les conteneurs frigorifiques tel que le poisson.

Ces contrôles de normes de qualité opérés, prend en compte les produits destinés à la consommation nationale au Ghana et à l’étranger. Le fret burkinabé est donc contrôlé, sous la surveillance du CBC, qui le réceptionne et l’entrepose dans les magasins de la Chambre de Commerce dont l’extension des bureaux à Tema a été fraîchement inaugurée par les autorités ghanéenne et burkinabé.

Les commerçants burkinabé ont un délai de 21 jours pour le retrait de leurs commandes, ceux du Ghana, 7 jours. Selon Hubert Somé, responsable des activités terrestres et de facilitation, le riz, la farine, l’huile, le sucre sont les produits de grande consommation qui « passent » régulièrement par le port de Tema. Quant au port de Takoradi, le riz et surtout le blé sont régulièrement entreposés. En 2010, ce sont au total 2000 tonnes de blé qui sont passées par ce port à destination du Burkina, a indiqué David Kyelem, chef de bureau du CBC de Takoradi.

Le CBC sert de courroie de transmission entre les importateurs burkinabé et les autorités portuaires et douanières, les agences maritimes, les forces de sécurité depuis le territoire ghanéen jusqu’à Dakola, première ville frontalière du Burkina avec le Ghana. Muni de sa « lettre de voiture » (document comportant des informations détaillées sur le camion et sa charge depuis le Ghana et livré par le CBC à Tema), Alphonse Sié Somé, le représentant du CBC à Dakola compare, dès l’arrivée des marchandises, l’existant aux données techniques reçues. La douane burkinabé et les services phytosanitaires transfrontaliers reçoivent aussi une copie des fiches de renseignements sur les camions et leurs cargaisons.

Par exemple, dans la seule journée du 22 juin 2010, 28 camions chargés de produits de première nécessité et de marchandises diverses ont été convoyés du Ghana au Burkina Faso. En réalité, le CBC n’est pas investi de la mission de contrôle de la qualité sanitaire et commerciale des marchandises et produits de grande consommation à l’échelle nationale.

Il contrôle la nature et le type de produit parvenu aux ports du Ghana et destiné au Burkina, en informe les structures techniques au Burkina qui sont habilitées à régir la qualité d’un produit ou d’un service. Ainsi, tout produit destiné à la consommation publique au Burkina et pris en charge par les services de la douane, est automatiquement soumis au contrôle du Laboratoire national de Santé publique (LNSP).

Mais alors qu’est-ce que le « bon riz ? »

Selon la « Food and Drug Board », les riz qui arrivent généralement d’horizons divers et lointains (les pays asiatiques notamment) sont sanitairement des denrées alimentaires de qualité. « Comme le riz fait un long voyage à destination des côtes africaines, il est généralement bien traité depuis sa mise en sacs…A l’arrivée, s’il est bien conservé dans les conditions de température exigées, nous autorisons sa mise à la consommation chez nous au Ghana », ont laissé entendre les services de la "Food and Drug Board".

Selon, ces sources, les riz venant de contrées lointaines sont toujours traités, dès le départ, au phosphure d’aluminium pour protéger les céréales et certains produits de consommation de masse. Ces précautions en amont permettent d’éviter les bestioles nuisibles et la moisissure des denrées au contact du sol. Cependant, il y a quelques critères de qualité exigés pour le riz. Ce sont les caractéristiques physiques supposés répondre, en principe, aux « normes Codex alimentarius » sur le plan international.

Le « riz V.I.P. », selon les inspecteurs ghanéens, doit être pur et blanc et supposé avoir gardé l’intégralité de son grain ou à tout le moins, avoir un grain brisé dans l’ordre de 3%. Au delà de 3%, le riz brisure, fut-il parfumé, ne rentre pas dans la classe du riz V.I.P. La leçon de cette explication technique, c’est que la majorité des Burkinabé ne « mangent » pas le riz censé être du premier choix sur le plan commercial.

Erosion du pouvoir d’achat oblige ou ignorance peut-être, les Burkinabé mangent le riz qui est financièrement à la portée de leurs bourses. Mais ces riz résiduels ne font pas d’eux des « gens malades », à la seule différence évidemment qu’ils mangent du « bourratif ».

Dans quelques boutiques où nous nous sommes rendu nous-mêmes, nous avons été perdus dans une forêt de sacs de riz de toute nature : riz brisure, riz long grain, riz Uncle Sam, riz parfumé, riz super, riz fourmi rouge, riz bonbon… A vrai dire, les tenants de boutiques dont la plupart ont leurs céréales entreposées sous les auvents, nous ont pris pour un inspecteur des impôts. Certains ont refusé les prises de vue, d’autres ont purement et simplement refusé de s’entretenir avec nous. La vérité, c’est que les commerçants et les consommateurs du riz se souviennent toujours de "cette affaire de riz dit contaminé" qui a défrayé la chronique au Burkina Faso aux mois de janvier et février 2010.

En définitive, quel type de riz consomment alors les Burkinabé ? A cette question, quelques personnes interrogées à Ouagadougou sont restées évasives dans leurs réponses. Les nombreuses variétés de riz actuellement sur le marché et provenant d’horizons divers (et parfois lointains), font que le consommateur se trouve confus quant au « bon riz » à acheter.

Madame Mireille Salembéré, commerçante de fruits et légumes au marché de Pag-Layiri dit qu’elle achète le riz non pas en fonction de la qualité mais en fonction de « son argent de condiment » car, relève-t-elle, « Il y a trop de types de riz sur le marché et on ne sait plus quelle riz acheter…Quand mon argent couvre le prix du sac de 50 kg à l’achat, je prends. Ce sont mes enfants qui me disent souvent que mon riz est insipide au goûter… ».

« Moi, mon riz préféré est le riz brisure parfumé petit grain parce qu’il est tout blanc et propre. Le sac de 50 kg coûte cher mais je préfère l’acheter que de prendre une autre variété que je ne connais pas », confie Prisca Laure Ouédraogo, tenante d’un salon de coiffure à Samandin.

Idrissa NOGO

Idrissanogo@yahoo.fr

Quelques difficultés

Pour faire sortir une marchandise quelconque aux ports du Ghana, les Burkinabé sont tenus de fournir toute une pile de papiers administratifs (identité du chauffeur, références du véhicule, registres de commerce, "lettre de voiture", etc. Toute marchandise burkinabé transitant par les ports de Tema et Takoradi est systématiquement exonérée des frais de douane. Les relations diplomatiques entre le Burkina Faso et le Ghana sont excellentes. Cette coopération de "bon voisinage" séduit même bien de commerçants ghanéens.

A ces heureuses dispositions commerciales, viennent s’ajouter la célérité et la disponibilité avec lesquelles le Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) se portent au secours des importateurs burkinabè. Résultat ? Cette conscience professionnelle a rendu les prestations et les offres du CBC assez crédibles au point que quelques brebis galeuses, profitant de cette confiance retrouvée, se font passer pour des Burkinabè.

"Des personnes sans scrupule avec la complicité des Burkinabè utilisent les pièces burkinabè pour commander les marchandises qui se retrouvent sur le marché ghanéen alors que celle-ci est supposée être destinée au Burkina", indique Adolphe Bado, en charge des activités maritimes et portuaires à Tema.

Hubert Somé, le responsable des activités terrestres et de facilitation, a, pour sa part, confirmé que deux véhicules citernes et un camion "dix tonnes" sortis des ports pour le Burkina ont été vidés de leurs chargements sur le territoire ghanéen. Les identités de Burkinabè complices sont usurpées pour "commercer". Sur les corridors burkinabè aussi, de nombreux camions sont souvent arrêtés par les forces de sécurité ghanéenne pour excès de charges.

Cela a pour inconvénient de faire retarder les véhicules en routes, le temps que le conducteur se libère des contraventions dont on s’acquitte auprès des services de la justice et non sur la route. « Il est interdit aux forces de sécurité au Ghana d’encaisser l’argent de la contravention, même avec délivrance de quittance », affirme Adolphe Bado qui précise que les Etats de l’UEMOA sont en train d’instaurer progressivement la "charge à l’essieu" pour sanctionner les surcharges.

La charge à l’essieu est un poids conventionnel, quel que soit le gabarit du camion et son contenu, à ne pas dépasser à la charge. Le Ghana, pays non-membre de l’UEMOA, a été choisi pour servir de phase-pilote au regard de la forte fréquentation de ses ports par les pays de l’interland de l’Afrique de l’Ouest.

Quant à Victor Ouédraogo, transitaire burkinabè installé au Ghana depuis 1993, il trouve que tous ces désagréments sont la faute de transitaires à la petite semaine. "Champions en dégâts et sans consistance technique, ces transitaires d’un jour mènent des activités parallèles de transit et nuisent à la crédibilité des transitaires professionnels burkinabè installés au Ghana. J’en suis écuré car je paie mon agrément commercial, mes impôts et reverse à date fixe les allocations à la sécurité sociale du Ghana", se plaint Victor Ouédraogo qui, très remonté, ajoute : "La plupart de ces démarcheurs sont des repris de justice au Burkina.

Ils se disent transitaires et noyautent nos activités. Un vrai transitaire est un technicien qui crée la sérénité pour le client et donne une certaine assurance au commerçant, et même au pays de destination, quant à la qualité sanitaire et commerciale du produit", explique Ouédraogo.

Notre transitaire dit ne pas comprendre pourquoi les hommes d’affaires burkinabè, et pas des moindres, optent de collaborer avec des "bana-bana" (les transitaires faisant dans l’informel) au détriment des transitaires professionnels. Il en appelle à l’Etat burkinabè pour la révision de son choix quant aux répondants au Ghana qui servent de courroie de transmission entre l’importateur et la marchandise. Mais l’homme se dit conscient que le secteur reste aussi à recadrer et à professionnaliser.

1 commentaire:

  1. Je voulais savoir la quantité de riz importé en 2014 et l'incidence sur le budget national.

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