04 décembre, 2013

Défense aérienne : un défi lancé à Washington

La zone d’identification de la défense aérienne récemment définie unilatéralement par la Chine irrite Tokyo. Mais c'est surtout le président américain, Barack Obama, que Pékin cherche à atteindre.

Dessin de Ruben. Dessin de Ruben. Droits réservés
Après que la Chine a annoncé, le 23 novembre, avoir délimité une "zone d’identification de la défense aérienne" induisant des règles très strictes pour les avions qui la traversent, les grandes puissances voisines, et le Japon en particulier, ont vivement réagi. Dans la presse nippone, on dénonce unanimement le tracé de ce périmètre, considéré comme "injustifié". L’Asahi Shimbun comme le Yomiuri Shimbun, deux des principaux titres de l’archipel, y voient une "provocation de plus" de la part de Pékin.

Rappelons que la zone définie par Pékin englobe les îles Senkaku (Diaoyu en chinois), qui font l’objet d’un conflit territorial depuis plusieurs années entre les deux géants asiatiques. "Depuis les Jeux olympiques de 2008, Pékin a adopté une attitude plus agressive [vis-à-vis de ces îles sous autorité japonaise depuis le XIXe siècle], faisant de régulières incursions navales et aériennes dans ce territoire disputé", rappelle le Financial Times. Après l’annonce de l’instauration de cette zone, les tensions sont montées d’un cran en Asie de l’Est.

Le site d’information japonais Foresight rappelle toutefois que "les Etats-Unis sont les premiers à avoir instauré unilatéralement une zone de défense aérienne dans cette région après 1945. Mais, comme sa délimitation est floue, elle engendre des tensions". La presse chinoise adopte exactement le même type d’arguments : "La notion de zone d’identification de la défense aérienne a été inventée par les Etats-Unis; elle concernait dans un premier temps l’espace aérien entourant l’Amérique du Nord et visait notamment l’Union soviétique", précise l’hebdomadaire indépendant Yazhou Zhoukan, édité à Hong Kong. "Depuis les années 1950, Les Etats-Unis sont en position dominante dans les régions du Pacifique Ouest, de la Corée du Sud, du Japon et de Taïwan, qui ont chacun créé leur zone aérienne sous contrôle des Etats-Unis." Dès lors que ce contexte est connu, "on ne s’étonnera pas de la décision du ministère chinois de la Défense", poursuit l’hebdomadaire.

Le conflit lié aux îles Senkaku


Le quotidien de l’Armée populaire de libération va encore plus loin dans son argumentaire pour justifier la décision de Pékin : "En 1969, le Japon a inclus dans sa zone d’identification de défense aérienne les trois quarts de la zone aérienne de la mer de Chine orientale, dont une partie est à seulement 130 kilomètres de la Chine continentale. C’est ainsi depuis des dizaines d’années, et certains pays ne s’en sont jamais souciés. Or, dès que la Chine encadre sa zone, le Japon manifeste aussitôt son inquiétude. Bien évidemment, Pékin ne peut accepter ce double critère et cette logique hégémonique", conclut l’éditorial de l’organe de l’armée chinoise.

Pour le Financial Times, ce n’est pas tant Tokyo que Washington qui est visé par l’initiative chinoise. Dans une analyse intitulée "La Chine lance un défi à l’Amérique", par ailleurs traduite dans les colonnes du Nihon Keizai Shimbun, le quotidien britannique avance une "interprétation inquiétante mais plausible : Pékin a décidé de régler son compte à Washington dans le Pacifique Ouest". Dans le conflit lié aux îles Senkaku, les Etats-Unis ont soutenu leur allié nippon, rappelant à qui voulait l’entendre que ces territoires relèvent du traité de coopération mutuelle et de sécurité signé entre les deux pays.

La Chine, estime le Financial Times, "est en train de tester l’engagement américain. Elle cherche à savoir jusqu’où Obama est prêt à aller. […] Cette provocation de Pékin intervient de surcroît dans une période où les Etats-Unis sont épuisés par leurs guerres [en Irak et en Afghanistan] et où le président connaît l’une des périodes les plus troublées de sa présidence". Conclusion du quotidien économique : "La création de cette zone de défense aérienne par la Chine constitue un tournant important pour l’équilibre des forces de cette région."

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