23 août, 2013

Difficile fidélité conjugale



Opinions .À la lumière d’une luciole.
Eté, temps des mariages. La saison est belle pour les réceptions. La robe blanche de la mariée resplendit sous les rayons du soleil tant espéré. A chaque fois, c’est le pari fou d’un "pour toujours", malgré les démentis statistiques. Que de conjoints finissent cependant par connaître une dérive silencieuse et, déçus l’un de l’autre, se séparent de commun accord ou en claquant la porte. Parfois aussi, l’un des deux s’en va chercher ailleurs, secrètement.
On a beau multiplier les "rencontres", chacune se veut "la dernière". J’ai enfin trouvé ! Car si on peut toujours découvrir chez quelqu’un ce qu’une relation précédente n’a pu donner, on ne pourra jamais y recevoir tout ce qu’elle offrait. A chaque fois, il y aura un goût de trop peu. "Ce qu’aucune femme n’était capable de fournir, pourquoi me l’avoir demandé ?" interroge Prouhèze, un personnage de Claudel dans "Le Soulier de satin". Voilà l’explication.
Personne ne trouvera jamais chez son conjoint tout ce qu’il désire, mais ailleurs non plus. L’être humain est fait pour l’infini et il ne le cueille pas sur les rivages de notre monde. L’infidélité conjugale (connue ou secrète) est le champignon qui fragilise l’arbre, le mettant à la merci d’un coup de vent. En revenant au foyer, en effet, le drame commence : le petit coin de ciel aperçu chez le conjoint est désormais voilé par les nuages de la comparaison facile et trompeuse avec "l’autre". Aimer, ce n’est pas réussir une journée de passion, c’est bâtir ensemble une demeure. Les yeux énamourés filtrent les défauts, mais il s’agit d’aimer l’autre tel qu’il est. La relation amoureuse doit donc se transformer sous peine de mourir.
La désidéalisation va permettre l’entrée dans le réel : "C’est toi que je choisis, et non pas un mirage". Une "aventure" ne permet pas cette expérience de la durée qui seule rend l’amour vrai. Souvent, ce que l’on cherche, c’est de retrouver la passion telle qu’à 20 ans, folle et fougueuse, comme nous la présentent les médias et nous la fait rêver notre imaginaire. Un nouveau coup de foudre, si possible plus violent.
Or, à 40 ou 50 ans, c’est tout autre chose ! Il est facile de s’émerveiller de l’autre quand il est jeune et beau, mais c’est tout aussi possible du père qu’il est devenu, du grand-père qu’il sait être ou de la personne qui affronte les difficultés de l’âge. Chaque étape a ses charmes. A 20-30 ans, l’amour est volontiers fusionnel. Tôt ou tard, la distance s’installe, et c’est heureux. S’aimer, en effet, c’est vivre ensemble cette distance. Tant qu’on n’accepte pas cela, on risque bien d’être happé par un nouveau projet fusionnel et donc de quitter celui avec qui on avait commencé le chemin…
Si ce nouvel "amour" est si séduisant et apparaît "léger" c’est parce qu’il est débarrassé de ce que le précédent avait construit patiemment : la responsabilité pleine de tendresse et de patience de l’autre tel qu’il est. Or, c’était là sa beauté, cachée aux yeux boulimiques. Un autre poison est celui du "win-win". Jamais les plateaux de la balance ne seront en équilibre. Parfois, l’un des deux amants a l’impression de tout donner et de ne rien recevoir. Puis vient le tour de l’autre. Et évidemment, les périodes de déséquilibre en ma défaveur semblent toujours plus longues. "Mais aujourd’hui, tu n’as encore rien fait pour moi", envoyait un jour un conjoint à la tête de l’autre. Et ce dernier de répondre en énumérant les attentions délicates passées inaperçues, tant il est vrai que l’on peut s’habituer à la bonté et la recevoir comme un dû.
Bien sûr, il ne s’agit pas que l’un des deux se fasse éternellement plumer ! Mais ce n’est pas à chaque instant que la balance est en équilibre. Seul un regard qui surplombe le temps peut le comprendre. En attendant, il faut accepter de jouer au jeu du "qui perd gagne", selon les mots de l’Evangile. Sans cela, l’amour n’est qu’un commerce. Or il est croissance à deux, l’un par l’autre. Sans comptabilité journalière !
Une chronique de Charles Delhez

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