15 juin, 2013

Iran : le modéré Hassan Rohani remporte la présidentielle dès le premier tour

Le modéré Hassan Rohani a remporté l’élection présidentielle iranienne. Paris se dit prêt à travailler avec lui. Les Etats-Unis indiquent qu’ils restent disponibles pour « collaborer directement » avec Téhéran sur la question du nucléaire.

Hassan Rohani, nouveau président iranien. AFP PHOTO/ATTA KENARE - AFP
Hassan Rohani, nouveau président iranien. AFP PHOTO/ATTA KENARE - AFP
Hassan Rohani, soutenu par les camps modéré et réformateur, a obtenu 50,68% des voix au premier tour du scrutin disputé vendredi face à cinq candidats conservateurs, a précisé Mostapha Mohammad Najjar, le ministre de l’intérieur iranien, citant des résultats définitifs. Il devance très largement le maire conservateur de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf (6,07 millions de voix) et le chef des négociateurs nucléaires Saïd Jalili (3,17 millions), qui était soutenu par l’aile dure du régime. Le taux de participation est de 72,7%, a ajouté Mostapha Mohammad Najjar.
Après une campagne atone, ce proche de l’ex-président modéré Akbar Hachémi-Rafsandjani, a bénéficié du désistement du candidat réformateur Mohammad Reza Aref et de l’appui mardi du chef des réformateurs Mohammad Khatami, président entre 1997 et 2005. Tout en étant le représentant du guide suprême Ali Khamenei au Conseil suprême de la sécurité nationale, M. Rohani, 64 ans, prône plus de souplesse dans le dialogue avec l’Occident, un dialogue qu’il avait dirigé entre 2003 et 2005 sous la présidence Khatami. Durant la campagne, il a évoqué de possibles discussions directes avec les Etats-Unis, ennemi historique de l’Iran.

« Cette victoire est celle de l’intelligence »

Hassan Rohani a salué « la victoire de la modération sur l’extrémisme », tout en demandant à la communauté internationale la « reconnaissance des droits » de l’Iran en matière nucléaire. « Cette victoire est celle de l’intelligence, de la modération, du progrès (...) sur l’extrémisme », a affirmé M. Rohani, candidat unique des réformateurs et des modérés, dans un message lu à la télévision d’Etat. « Sur la scène internationale, avec l’occasion créée par cette grande épopée populaire, que ceux (les pays occidentaux, ndlr) qui vantent la démocratie, l’entente, le dialogue libre, parlent avec respect au peuple iranien et reconnaissent les droits de la République islamique, pour obtenir une réponse appropriée », a-t-il déclaré, en référence aux négociations nucléaires avec les grandes puissances actuellement dans l’impasse.
Alors que le pays est secoué par une grave crise économique du fait des sanctions occidentales imposées à l’Iran en raison de son programme nucléaire controversé, M. Rohani a assuré que « la présence puissante » du peuple « apportera calme, stabilité et espoir dans le domaine économique ». Enfin, il a exprimé « sa gratitude à l’égard du Guide suprême » iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, dont il s’est dit « le petit-fils » et salué « le rôle d’Akbar Hachemi Rafsandjani et de Mohammad Khatami », les deux ex-présidents modéré et réformateur, dans sa victoire.

Réaction américaine

Les pays occidentaux ont formulé l’espoir, samedi, que le nouveau président iranien Hassan Rohani réponde aux attentes de la communauté internationale concernant le dossier nucléaire et la Syrie, tandis qu’Israël a remis en cause sa réputation de modéré. Les Etats-Unis ont déclaré qu’ils « restaient prêts à collaborer directement » avec Téhéran sur la question du programme nucléaire iranien après la victoire de Hassan Rohani, considéré comme un modéré. La Maison Blanche a affirmé qu’un tel engagement aurait « pour but de trouver une solution diplomatique qui apaiserait les inquiétudes de la communauté internationale sur le programme nucléaire iranien ».
Israël a toutefois minimisé le rôle du nouveau président, considéré comme un modéré, soulignant que c’est le Guide suprême Ali Khameini qui décide de la politique nucléaire iranienne. « Le programme nucléaire de l’Iran a jusqu’à présent été décidé par Khameini, pas par le président iranien », a déclaré le ministère israélien des Affaires étrangères dans un communiqué.

« Mettre l’Iran sur un nouveau chemin »

La Grande-Bretagne a appelé Hassan Rohani « à mettre l’Iran sur un nouveau chemin », notamment en « s’attelant aux inquiétudes de la communauté internationale sur le programme nucléaire iranien, en faisant avancer une relation constructive avec la communauté internationale et en améliorant la situation politique et des droits de l’homme », dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
La France est prête à travailler avec M. Rohani, notamment sur le dossier nucléaire iranien et sur « l’engagement de l’Iran en Syrie », selon le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. « Les attentes de la communauté internationale à l’égard de l’Iran sont fortes, notamment sur son programme nucléaire et son engagement en Syrie. Nous sommes prêts à y travailler avec le nouveau président », a souligné le chef de la diplomatie française.
L’Italie « espère qu’il sera possible, avec le nouveau gouvernement du président iranien Rohani, de travailler au développement des relations bilatérales et d’entamer sans délai une période de compréhension renouvelée et un dialogue constructif entre l’Iran et la communauté internationale », a dit la chef de la diplomatie italienne Emma Bonino.

Hassan Rohani, l’espoir des réformateurs

Hassan Rohani, le seul candidat issu du clergé, a en quelques jours réussi à fédérer derrière lui le camp dit modéré et celui des «réformateurs». Deux termes qui sonnent agréablement en Occident, d’autant plus que Hassan Rohani a suivi une partie de sa formation à l’université de Glasgow, mais qui ne signifient pas pour autant que ces deux camps, unis pour cette élection, remettent en question le dogme central de la république islamique, le «velayat-e faqih» (suprématie du religieux sur le politique), ni le programme nucléaire.
Depuis l’appel à voter pour lui lancé en début de semaine par Mohammed Khatami (président entre 1997 et 2005, à une période de relative détente avec les occidentaux) et Hachemi Rafsandjani, chef de file des réformateurs qui a été interdit de candidature, Hassan Rohani incarne les espoirs de revanche des réformateurs après le fiasco de la présidentielle de 2009.
On se souvient que Mir Hussein Moussavi avait alors incarné en Iran, mais aussi dans le monde entier, un espoir de changement (malgré un parcours de serviteur loyal du régime des mollahs, impliqué dans moulte répression et le développement du programme nucléaire), avant que la révolte des jeunes et des classes moyennes ne soit durement réprimée. Mir Hussein Moussavi est depuis lors en résidence surveillée et toutes les candidatures de réformateurs à la présidentielle d’aujourd’hui ont été invalidées.

Rohani, trop modéré aux yeux du Guide suprême iranien

Pour autant, Hassan Rohani n’est pas un adversaire du Guide Suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, dont il fut le représentant au Conseil national de sécurité. Il a aussi été négociateur du programme nucléaire iranien en 2003-2005 quand il avait accepté une offre européenne de technologie en échange d’une suspension de l’enrichissement. Ce que lui a vivement reproché son concurrent, Saïd Jalili : «Vous avez cédé sur tout et rien obtenu.» Hassan Rohani n’est clairement pas le favori du Guide. Il a fait campagne pour des postures moins conflictuelles avec l’Occident, une libéralisation du contrôle des médias et un allègement du contrôle social, un discours qui plaît à des jeunes partagés entre le vote en sa faveur et l’abstention.

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