24 novembre, 2012

Nicolas Sarkozy, témoin assisté dans l'affaire Bettencourt : l'illustration des défauts d'un statut juridique ambigu


A l'issue d'une audition de douze heures jeudi par le Juge d'instruction de Bordeaux, Jean-Michel Gentil, Nicolas Sarkozy a été placé sous le statut de témoin assisté, alors qu'il était au départ question d'une mise en examen.
Nicolas Sarkozy a été placé sous le statut de témoin assisté dans l'affaire Bettencourt.
Nicolas Sarkozy a été placé sous le statut de témoin assisté dans l'affaire Bettencourt. Crédit Reuters
Jusqu'en 1993, la procédure pénale française appelait officiellement le suspect « inculpé » quand un juge d'instruction dirigeait l'enquête. On s'est avisé, au bout de presque deux siècles, que ce mot avait la même racine que « coupable » et plus encore « culpabilité » et, pour renforcer la présomption d'innocence, on l'a remplacé par « mis en examen ». Sans d'ailleurs cesser de présenter les suspects comme des « auteurs présumés » plutôt que « prétendus ». Les mis en examen, selon l'article 80-1 du Code de procédure pénale, sont « les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions » dont le Juge d'instruction est saisi.
Mais la réforme sémantique n'ayant pas eu l'effet escompté, les mis en examen apparaissant trop souvent encore comme des « présumés coupables », celle de 2000 a renforcé le statut de témoin assisté, défini par le Code de procédure pénale (articles 113-1 et suivants) comme, entre autres critères, toute personne nommément désignée par le procureur ou la victime ou bien désormais « toute personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi »
Le Code (article 113-8) prévoit que le témoin assisté bénéficie durant l'instruction d'un peu moins de droits que le mis en examen, mais en contrepartie ne souffre pas de l'opprobre qui le frappe, et surtout ne peut faire l'objet ni d'un contrôle judiciaire, ni a fortiori d'une détention provisoire. A la fin de l'enquête, il ne peut en tant que tel être renvoyé devant le Tribunal correctionnel ou la Cour d'assises (article 115), mais en cours d'instruction il peut faire l'objet d'une mise en examen si se révèlent alors les fameux « indices graves ou concordants » permettant au final un tel renvoi pour être jugé, puisqu'il n'est alors plus seulement témoin assisté. Le témoin assisté, dans une situation ambiguë (pas tout à fait lavé de tout soupçon, mais pas complètement suspect quand même), se voit donc appliquer un statut hybride, susceptible d'être remis en cause à tout moment de l'enquête, parfois pour des nuances infimes.
On sait que l'affaire Bettencourt est instruite à Bordeaux bien que la victime habite dans les Hauts-de-Seine, à la suite de la décision de dessaisir les juridictions de Nanterre prise par la Cour de cassation en novembre 2010. Ainsi, jeudi dernier, le 22 novembre 2012, il aura fallu 12 heures au juge d'instruction de Bordeaux en charge de l'enquête pour estimer qu'à l'encontre de Nicolas Sarkozy, il existait des indices « rendant vraisemblable » sa participation aux faits, mais pas d'indices « graves ou concordants », qui auraient pu entraîner sa mise en examen.

atlantico.fr/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire