Le
pharaon" : c'est le nouveau surnom qu'ont attribué les critiques
égyptiens pour railler la dernière initiative de leur président,
Mohammed Morsi. Longtemps perçu comme un politicien ouvert et moderne,
ce dernier vient en effet de s'accorder les pleins pouvoirs. Une
initiative qui a précipité les Egyptiens dans la rue, à peine 5 mois
après l'élection du leader des Frères musulmans.
Les Egyptiens sont descendus dans la rue après que Mohamed Morsi se soit accordé les pleins pouvoirs. Crédit Reuters
Atlantico : En limogeant le procureur général Abdel Meguid Mahmoud, Mohamed Morsi s'est assuré les pleins pouvoirs. En quoi consistent exactement ces pleins pouvoirs et en quoi cela peut-il être inquiétant quant à la situation en Egypte ?
Sophie Pommier : Depuis le mois d'août, sur trois pouvoirs, il
en avait déjà deux : l'exécutif et le législatif, puisque l'Assemblée
du peuple a été suspendue suite à une décision de justice. En
attendant les prochaines législatives, il avait donc déjà la double
casquette. La déclaration de jeudi s'attaque au pouvoir judiciaire. La
destitution du procureur de la République est une étape. Elle n'a rien
de nouveau : Hosni Moubarak faisait pareil en nommant lui même ce haut
responsable de la Justice. De plus, Mohamed Morsi se met au-dessus des
lois en s'assurant la possibilité de légiférer par décret et en annulant
des décisions déjà en cours.
Plus grave, il a
invalidé le comité chargé de rédiger la prochaine Constitution. Cela va
avoir un impact direct sur l'adoption de ce texte, dont les premiers
jets semblent particulièrement inquiétant. Les libéraux espéraient jusque jeudi hier pouvoir réduire à néant ces projets en invalidant grâce à un recours en justice.
A présent, il devrait être finalisé tel quel et présenté au peuple,
sous forme de référendum, sans que le judiciaire puisse assurer son rôle
de contre-pouvoir.
Mohamed Morsi réalise enfin un
tour de passe passe en se drapant dans une moralité révolutionnaire. Il
insiste ainsi pour relancer les procès de ceux qui ont assassiner des
manifestants pendant la révolution. Un moyen de discréditer son opposition, qu'il accuse ainsi d'être dans une idéologie de contre-révolution.
Ne peut-on pas y voir un moyen de faire avancer les dossiers sur lesquels les Egyptiens peinent à avancer ? Mohamed Morsi se justifie notamment en expliquant que les instances ainsi libérées étaient toujours occupées par des personnalités héritées de l'ère Moubarak. Est-ce invraisemblable ?
Effectivement, je me suis toujours opposé aux
postures qui consistaient à dénoncer coute que coute les positions des
Frères musulmans. De fait, les hauts responsables de nombreuses
institutions étaient nommés par le président ... et étaient donc des
survivants de l'ancien régime. C'est notamment le cas du procureur de la
République.
Cependant, il me semble difficile de
ne pas constater une instrumentalisation de ce discours et de cette
prétendue épuration révolutionnaire. A la clef, derrière ces
évictions, il y a surtout un projet constitutionnel particulièrement
inquiétant vis à vis des droits des minorités ou des femmes. La
connotation islamiste est très marquée avec une application stricte de
la charia. Sur d'autres points, le texte s'applique à être dans le
vague. Il assure ainsi la protection des coutumes égyptiennes, sans
détailler. L'excision est-t-elle une coutume ? Il n'y a aucun garde-fou !
L'interprétation de la charia sera, si ce projet de Constitution est adopté, le fait de l'université Al Azhar. C'est octroyer des pouvoirs exorbitants à une institution religieuse qui n'est pas élue.
L'ensemble de ce document est à l'heure actuelle dangereusement
liberticide pour tout ce qui touche les notions d'égalités ou de droits
de manifester.
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