24 novembre, 2012

Les Egyptiens ont-il trouvé avec Mohamed Morsi un dictateur pire que Moubarak ?


Le pharaon" : c'est le nouveau surnom qu'ont attribué les critiques égyptiens pour railler la dernière initiative de leur président, Mohammed Morsi. Longtemps perçu comme un politicien ouvert et moderne, ce dernier vient en effet de s'accorder les pleins pouvoirs. Une initiative qui a précipité les Egyptiens dans la rue, à peine 5 mois après l'élection du leader des Frères musulmans.
Les Egyptiens sont descendus dans la rue après que Mohamed Morsi se soit accordé les pleins pouvoirs.
Les Egyptiens sont descendus dans la rue après que Mohamed Morsi se soit accordé les pleins pouvoirs. Crédit Reuters

Atlantico : En limogeant le procureur général Abdel Meguid Mahmoud, Mohamed Morsi s'est assuré les pleins pouvoirs. En quoi consistent exactement ces pleins pouvoirs et en quoi cela peut-il être inquiétant quant à la situation en Egypte ?

Sophie Pommier : Depuis le mois d'août, sur trois pouvoirs, il en avait déjà deux : l'exécutif et le législatif, puisque l'Assemblée du peuple a été suspendue suite à une décision de justice. En attendant les prochaines législatives, il avait donc déjà la double casquette. La déclaration de jeudi s'attaque au pouvoir judiciaire. La destitution du procureur de la République est une étape. Elle n'a rien de nouveau : Hosni Moubarak faisait pareil en nommant lui même ce haut responsable de la Justice. De plus, Mohamed Morsi se met au-dessus des lois en s'assurant la possibilité de légiférer par décret et en annulant des décisions déjà en cours.
Plus grave, il a invalidé le comité chargé de rédiger la prochaine Constitution. Cela va avoir un impact direct sur l'adoption de ce texte, dont les premiers jets semblent particulièrement inquiétant. Les libéraux espéraient jusque jeudi hier pouvoir réduire à néant ces projets en invalidant grâce à un recours en justice. A présent, il devrait être finalisé tel quel et présenté au peuple, sous forme de référendum, sans que le judiciaire puisse assurer son rôle de contre-pouvoir.
Mohamed Morsi réalise enfin un tour de passe passe en se drapant dans une moralité révolutionnaire. Il insiste ainsi pour relancer les procès de ceux qui ont assassiner des manifestants pendant la révolution. Un moyen de discréditer son opposition, qu'il accuse ainsi d'être dans une idéologie de contre-révolution.

Ne peut-on pas y voir un moyen de faire avancer les dossiers sur lesquels les Egyptiens peinent à avancer ? Mohamed Morsi se justifie notamment en expliquant que les instances ainsi libérées étaient toujours occupées par des personnalités héritées de l'ère Moubarak. Est-ce invraisemblable ?

Effectivement, je me suis toujours opposé aux postures qui consistaient à dénoncer coute que coute les positions des Frères musulmans. De fait, les hauts responsables de nombreuses institutions étaient nommés par le président ... et étaient donc des survivants de l'ancien régime. C'est notamment le cas du procureur de la République.
Cependant, il me semble difficile de ne pas constater une instrumentalisation de ce discours et de cette prétendue épuration révolutionnaire. A la clef, derrière ces évictions, il y a surtout un projet constitutionnel particulièrement inquiétant vis à vis des droits des minorités ou des femmes. La connotation islamiste est très marquée avec une application stricte de la charia. Sur d'autres points, le texte s'applique à être dans le vague. Il assure ainsi la protection des coutumes égyptiennes, sans détailler. L'excision est-t-elle une coutume ? Il n'y a aucun garde-fou !
L'interprétation de la charia sera, si ce projet de Constitution est adopté, le fait de l'université Al Azhar. C'est octroyer des pouvoirs exorbitants à une institution religieuse qui n'est pas élue. L'ensemble de ce document est à l'heure actuelle dangereusement liberticide pour tout ce qui touche les notions d'égalités ou de droits de manifester.

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