24 novembre, 2012

Au Congo, le corps de la femme est un champ de bataille


A la veille de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, la situation des femmes au Congo, dont le corps sert de champ de bataille, mérite que l'on s'y attarde. Extraits de "L'homme qui répare les femmes"
 
Les femmes battues sont très nombreuses au Congo.
Les femmes battues sont très nombreuses au Congo. Crédit Reuters

Le propre de la guerre, c’est qu’elle est sale. Celle qui ronge l’Est du Congo est particulièrement odieuse. Si la guerre couvait depuis longtemps, c’est le génocide au Rwanda en 1994 qui va précipiter cette région dans la tourmente. L’ombre de cette tragédie sans précédent y plane toujours mais les causes des conflits d’aujourd’hui sont nombreuses : multiplication des groupes armés, pillage des ressources minières, faiblesse de l’État, impunité, précarité...
Vers la fin des années 1990, la guerre prend un nouveau visage, celui de la barbarie pure, de la cruauté gratuite. Premières visées et principales victimes : les femmes. Elles sont mutilées, des clitoris sont coupés, des seins sectionnés. Les viols auxquels les maris, les voisins, les enfants sont souvent obligés d’assister, se déroulent sans autre motivation que faire souffrir, humilier, terroriser…
Au Congo, le corps de la femme est devenu le champ de bataille d’une guerre de « basse intensité » ! Depuis quinze ans, Denis Mukwege, médecin-chef à l’hôpital de Panzi (Sud-Kivu), fait face à une urgence qui dure : les femmes, toujours aussi nombreuses, viennent à lui, brisées, écartelées par tant de sauvagerie. Vagins détruits et âmes mortes. Le gynécologue coud et répare. Il écoute aussi, prie quand il le peut, se révolte souvent. Quand il en a l’occasion, il témoigne de la souffrance de ces femmes du Kivu. À mains nues, il se bat contre le viol, cette arme de guerre qui mine toute une société.
Ce livre coup de poing doit sa force aux regards croisés de deux témoins de premier plan : Colette Braeckman, grande spécialiste du Congo dont elle sillonne les routes – mais aussi les sentiers tortueux et boueux – depuis plus de trente ans. Passionnée par ce pays et scandalisée par le sort réservé aux plus démunis, elle revient sur les séquences du désastre, nous fait revivre les heures les plus noires de ces vingt dernières années. Un petit « cours d’Histoire » indispensable pour qui veut comprendre le « pourquoi » de cette violence sans précédent. Elle nous invite ensuite à démêler les mobiles des « seigneurs de la guerre » sans foi ni loi, fait écho à la souffrance des femmes, se met à leur écoute, rend hommage à celles qui se remettent debout...
Sa plume « trahit » sa colère, son écœurement, sa compassion. Parfois désenchantée, elle refuse toutefois de tomber dans le fatalisme. L’optimisme volontariste affiché par Denis Mukwege aurait-il déteint sur elle ? Avec ce livre « engagé », Colette Braeckman souhaite dénoncer mais aussi amplifier plus encore le témoignage de ce chirurgien, celui qui répare les femmes et qui, sans cesse, se voit obligé de recommencer son ouvrage… Homme de terrain, présent aux premières loges dès avant 1994, cet observateur hors pair a frôlé la mort plus d’une fois. Il vit toutes ces horreurs de l’intérieur. Avec lui, c’est bien sûr le médecin qui parle, mais très vite l’homme, le citoyen s’exprime. Ses propos sont forts, souvent dérangeants. Avec son regard clairvoyant et ses réflexions personnelles, Denis Mukwege complète à merveille le récit hallucinant de l’auteur. Le résultat : un ouvrage original et extrêmement puissant. Qui ne peut laisser indifférent…

atlantico.fr/

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