Faire
sécession ? L'idée fait recette aux Etats-Unis depuis la réélection de
Barack Obama. Des milliers d'Américains veulent se séparer
"pacifiquement" de l'Union et militent en ligne pour l'indépendance de
leur Etat.
Trans Amérique Express
Depuis la réélection de Barack Obama, de nombreux Américains militent en ligne pour l'indépendance de leur Etat. Crédit DR
Depuis le 7 novembre
et la réélection de Barack Obama, plusieurs centaines de milliers
d’Américains dans les cinquante Etats ont signé des pétitions pour
prendre leur distance avec les Etats-Unis. En clair, pour faire
"sécession". Comme le firent onze Etats confédérés du Sud en 1861. Une
décision qui avait entrainé quatre ans de guerre civile et 600 000
morts.
Faut-il prendre ces demandes au
sérieux ? Est-il possible que les Etats-Unis se divisent ? La réponse
est "oui", deux fois "oui" !
Non pas que
les demandes actuelles aient une chance d’aboutir. Elles n’en ont
aucune. Non pas que les Etats-Unis soient, aujourd’hui, au bord de
l’éclatement. Ce n’est pas le cas. Loin de là. La carte électorale
dessine bien deux pays distincts, un pays "bleu", où dominent les
Démocrates, et un pays "rouge" acquis aux Républicains. Mais il s’agit
là d’une division politique, rendue visible par un artifice
cartographique. Il ne s’agit pas (encore) d’une ligne de fracture
irrémédiable entre deux cultures, deux économies, deux peuples, bref
deux nations.
Par contre, ces pétitions
traduisent l’irrédentisme et l’exaspération d’une partie importante de
l’électorat. A l’heure où Washington cherche à renouer avec l'art du
compromis politique, un nombre croissant de citoyens préfère manifester
son ras-le-bol et chercher refuge dans une improbable fuite en avant. Voilà pourquoi ces demandes de pétitions sont inquiétantes.
C’est
l'élection de Barack Obama qui a suscité cette vague de séparatisme.
D’abord parce qu’il existe un courant d’opposition qui n’a jamais
accepté la légitimité de son élection, ni en 2008, ni en 2012. Ensuite
parce que dès sa réélection, il a fait ouvrir sur le site de la Maison Blanche
une page de doléances intitulée "We the People" ("Nous le peuple") sur
laquelle les citoyens américains peuvent poser leurs questions. Toute
question qui réunira 21 000 signatures sera examinée et gratifiée d’une
réponse officielle. Il s’agit de savoir ce qui préoccupe les Américains.
Une question a pris le pas sur toutes les autres : comment quitter
l’Union pacifiquement?
Des citoyens de tous les
Etats l’ont posée. Sans exception. Et fait une demande de séparation. A
ce jour, sept ont réuni le nombre de signatures nécessaires à un examen
de leur demande : l’Alabama, la Caroline du Nord, la Floride, la
Géorgie, la Louisiane, le Tennessee et le Texas (plus de 120 000
signatures à lui seul). Tous, des Etats du Sud. Tous, des anciens
membres de la "Confédération".
Mais ce droit de
faire sécession est loin d’être établi. Il a même été violemment
réprimé, la seule fois où il fut invoqué. Qu’en est-il donc vraiment ?
Les Etats peuvent-ils quitter l’Union à leur gré ?
La réponse n’est pas simple.
Pour
certains, le droit des citoyens de rejeter un gouvernement qui n’aurait
plus leur assentiment est inscrit dans les textes fondateurs
américains. Il est à la base de l’existence des Etats-Unis. Constitutif de leur ADN pour ainsi dire.
La
Déclaration d’Indépendance rappelle que "les gouvernements sont établis
parmi les hommes pour garantir leurs droits et que leur juste pouvoir
émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de
gouvernement devient destructive de ces buts le peuple a le droit de la
changer ou de l’abolir". C’est ce que firent les treize colonies
originales en 1776. Les Etats-Unis sont nés lorsque les colonies
d’Amérique ont décidé de se séparer de l’Empire britannique.
Dans
leurs premières années les Etats-Unis furent administrés selon les
articles de la Confédération, un document spécifiant que l’Union des
colonies était "permanente". En 1787 ces articles furent remplacés par
une vraie Constitution, dont le but était de "former une union plus
parfaite" en consolidant les pouvoirs du gouvernement fédéral afin de
garantir la cohésion durable des nouveaux Etats-Unis.
Ce texte ne précise nulle part si l’union des Etats est "permanente" ou "irréversible".
Plusieurs éléments permettent de penser que tous les Etats ne le
voyaient pas ainsi, alors. La Constitution devait être ratifiée par neuf
des treize colonies pour prendre effet. Tous les Etats n’étaient donc
pas liés. Ce qui laissait la porte ouverte à de possibles défections…
Certains Etats comme la Virginie ont d’ailleurs précisé lors de la
ratification que "les pouvoirs établis par cette Constitution dérivant
du peuple des Etats-Unis, celui-ci a le pouvoir de les retirer s’ils
sont pervertis". Le Dixième amendement enfin, réservant aux Etats les
droits non spécifiquement reconnus au gouvernement fédéral, peut se
rapporter au droit de sécession.
En 1815, l’ancien
président Thomas Jefferson écrivait : "si certains Etats estiment
préférable de quitter notre Union, (…) je leur dis sans hésitation :
'séparons nous'".
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