03 novembre, 2011

"Beaucoup d'écolos ne roulent pas sur l'or!"

Par LEXPRESS.fr,

"Beaucoup d'écolos ne roulent pas sur l'or!"

"L'écologie commence d'abord à l'intérieur de soi et après cela se prolonge par des changements de style de vie (mais pas à pas) et des démarches très pragmatiques et parfois créatives."

REUTERS/Sergei Karpukhin

Christophe Chenebault, auteur d'Impliquez-vous!, recueil de 101 actions solidaires et écolos, a répondu aux questions des internautes de LEXPRESS.fr.

Etre écolo au quotidien

K6 de Dijon : Avant de réclamer de moins consommer, ne pensez-vous pas qu'il faudrait demander de consommer utilement, "responsablement"? Lorsque je vois dans les poubelles des particuliers tout ce qui est jeté et qui aurait pu être consommé, utilisé ou recyclé, je suis horrifié. C'est la chasse au gaspillage qu'il faut organiser...

Christophe CHENEBAULT : Vous avez entièrement raison... le livre Impliquez-vous! rassemble 101 actions, 600 organismes et services, et 350 événements. Et parmi ces actions vous retrouverez notamment le fait de réduire et recycler ses déchets, de donner ses objets inutilisés, de troquer ou louer ses objets, d'acheter écologique, éthique ou solidaire, de fabriquer vous-même vos objets, d'économiser l'eau, d'échanger sa maison pour partir en vacances, de pratiquer le covoiturage... mais aussi de tendre vers la sobriété dans sa consommation. Car comme vous le savez, le meilleur des déchets (pour rappel 590kg en moyenne par Français et par an...) est celui que l'on n'a pas produit!

Laurita : Que conseillez-vous à une personne qui veut s'investir dans le combat pour la justice, la dignité?

Je crois d'abord qu'il ne faut pas prendre cela comme un combat, de mon point de vue on ne combat rien, on apporte sa pierre positive à un édifice, qui est celui d'une vie meilleure demain pour tous, et qui passe par le fait de faire sa part. Je cite cette belle phrase d'Einstein dans le livre "c'est le devoir de chaque homme de rendre au monde au moins autant qu'il en a reçu". Il me semble que la justice et la dignité sont d'abord des valeurs intérieures qu'il faut incarner dans ses attitudes quotidiennes envers les autres. Et les actions viendront naturellement... Le livre rassemble des portes très différentes à ouvrir en ce sens.

THL92 : Que préconisez-vous pour remplacer viande et poisson? Si vous me dites des lentilles... Je n'ai pas envie d'en manger tous les jours... Si c'est pour remplacer les protéines animales par des végétales, merci de me dire quelles sont-elles.

La consommation de viande est un phénomène planétaire, dès que le niveau de vie augmente, la consommation d'aliments issus de l'élevage progresse. Par exemple, un Chinois mange aujourd'hui en moyenne 59,5 kg de viande par an, contre 13,7 kg en 1980! Et il faut 100 litres d'eau pour produire 1kg de pommes contre 13 000 litres pour 1kg de boeuf... C'est un risque majeur pour l'environnement. Et saviez-vous que 15% de la population mondiale lutte contre la faim (1 milliard de personnes quand même) lorsque l'OMS annonce que 17% lutte contre l'obésité. Le résultat est simple: nous mangeons trop, trop riche, et trop gras! Donc à la fois pour la planète, pour notre santé et pour la souffrance animale, nous mangeons trop de viande et de poissons (d'ailleurs d'après certains spécialistes nous n'auront plus de poissons dans les océans d'ici 40 ans...). De mon côté j'ai drastiquement diminué ces consommations et j'ai découvert des aliments succulents parmi les céréales et protéines végétales que mangeaient nos grands-mères en quantité... à chacun de retrouver son équilibre alimentaire.

Christophe Chenebault, auteur d'Impliquez-vous! et chroniqueur pour LEXPRESS.fr.

Christophe Chenebault, auteur d'Impliquez-vous! et chroniqueur pour LEXPRESS.fr.

crédits photo : Céline Bansart

Alains : Que pensez-vous de l'élevage à la maison? Chèvre, poules? Est ce que ça permet vraiment de diminuer son empreinte carbone ou bien est-ce utopiste?

Je pense que tout ce que l'on peut faire chez soi - fabriquer ses objets, avoir un jardin potager, des arbres fruitiers, une source d'eau, une source d'électricité (éolienne, photovoltaïque, biomasse...), du bois pour le chauffage, un élevage - est à la fois bon pour soi et pour la collectivité. Bon pour soi, parce que comme le dirait mon préfacier Pierre Rabhi, nous sommes devenus une civilisation "hors sol" et avons perdu ce lien avec le vivant, la nature et les objets, et qu'il nous faut nous réapproprier ce toucher, cette vision et ces savoir-faire. Et pour la collectivité, car il y aura moins besoin de systèmes centralisés (électricité par exemple) et souvent mondialisés (import-export de produits), et donc moins de tension sur les environnemments et moins de bras de fer politico-économiques (d'où sont issues les guerres...). Donc l'autonomie, tout le monde a à y gagner!

efc : Est-ce qu'être écolo est réservé aux riches? (le bio, les vacances solidaires hors de prix, l'énergie propre...)

En réponse à votre question, beaucoup d'écolos que je connais ne roulent pas sur l'or! Je crois que l'écologie commence d'abord à l'intérieur de soi (on appelle cela l'écologie profonde d'ailleurs), et qu'après cela se prolonge par des changements de style de vie (mais pas à pas) et des démarches très pragmatiques et parfois créatives, c'est un peu le royaume des "bons plans" et des "trucs et astuces"... Le bio est intéressant comme exemple. Si vous plaquez l'achat de bio sans rien changer à votre cuisine, cela va vous coûter cher. Mais si vous prenez conscience en chemin qu'il faut diminuer les achats de viande et de poisson, qu'il faut cuisiner plus de produits frais, acheter moins de produits transformés... vous retrouvez un panier de la ménagère tout à fait équilibré.

Les coulisses d'Impliquez-vous!

Crichou : Quels liens voyez-vous entre le domaine culturel dans lequel vous vous êtes longtemps investi et le combat pour préserver la planète qui vous occupe actuellement? Culture et nature: même combat?

Effectivement mon parcours a débuté dans la culture pendant 15 ans et je souhaite maintenant m'investir dans des initiatives qui ont l'humain et la planète au coeur de leurs préoccupations. De mon point de vue la culture en fait partie, il s'agit donc d'un prolongement de ce parcours... Edgar Morin le résume ainsi "L'homme est un être culturel par nature parce qu'il est un être naturel par culture". Bien dit, non? Si on prend la culture dans son sens large (c'est-à-dire lié à la civilisation plutôt que simplement aux arts), la culture et l'environnement sont des biens communs de l'humanité. Et la diversité culturelle n'est-elle pas, pour le genre humain, le gage de son progrès, et aussi nécessaire qu'est la biodiversité pour le vivant?

Impliquez-vous, Christophe Chenebault, Eyrolles, 14,90 euros

Impliquez-vous, Christophe Chenebault, Eyrolles, 14,90 euros

Eyrolles

Questionbête : Pourquoi 101 propositions?...

Disons que cela correspondait à la "voie du milieu" entre trop peu d'actions, et l'idée du livre est que chacun puisse se faire son propre programme suivant son temps, ses moyens... et trop d'actions, et le livre fait déjà 230 pages. Ce qui m'a passionné en tout cas dans l'écriture de celui-ci est que j'ai découvert une diversité d'initiatives en France trop peu connues, et je suis très heureux de pouvoir leur donner une nouvelle visibilité.

Palmares : Quel serait votre "Top 3" des actions solidaires et écolos que vous proposez?

Ca c'est une question difficile, il y a tellement de belles choses que l'on peut faire! Disons que mes coups de coeur du moment seraient de contribuer à sauver les abeilles en France avec "Un toit pour les abeilles", de devenir propriétaire d'un zébu avec "Zebunet" (pour des familles paysannes de Madagascar) et de donner son sang (parce qu'il y a d'énormes besoins). Du coup je ne vous parlerais pas de planter des arbres avec ForestandLife, de nettoyer des plages et des rivières, de donner ses chèques-resto, d'organiser une fête des voisins, d'héberger un coachsurfer, de compenser son carbone, de parrainer un enfant ou de devenir guerilla gardener...

Ancetre : Comment avez vous eu l'idée de ce livre? Combien de temps avez-vous mis pour l'écrire?

L'envie d'écrire ce livre (5 mois de travail éditorial) est née d'une démarche personnelle de changement de vision du monde et de style de vie. Pas à pas, je me suis mis à questionner l'ensemble de mes valeurs, de mes actes, de mes relations, la manière dont j'utilisais mon temps, ma consommation et mon rapport aux objets, mon épargne, mes pensées et discours... Puis je me suis rendu compte qu'autour de moi les gens étaient bien conscients que la planète ne se portait pas bien, mais ils se retrouvaient souvent face au tourbillon de leur vie quotidienne avec la fameuse question "qu'est-ce je peux faire?". Une question souvent prononcée d'ailleurs comme une bouteille que l'on jette à la mer... Il m'est alors apparu important que quelqu'un repêche cette bouteille et réponde à la question de manière très concrète (ce qui j'étais déjà en train de faire dans ma vie personnelle). Car les solutions existent, et elles sont infinies... contrairement aux ressources!

Stéphane Hessel a su montrer que le plus grand fléau de l'humanité était l'indifférence

Aisselles : Indignez-vous, Impliquez-vous... Vous réclamez-vous du mouvement enclenché par Stéphane Hessel?

En effet après l'indignation est venu le temps de l'implication! Stéphane Hessel a su montrer, du haut de son incroyable expérience de vie et de ses 93 ans, que le plus grand fléau de l'humanité était l'indifférence. Et malheureusement l'actualité nous le montre encore à chaque jour qui passe... et là je pense à cette petite fille écrasée par une voiture en Chine dans l'indifférence générale des piétons. De mon point de vue, "Indignez-vous !" pose la question, et "Impliquez-vous !" est une des réponses (et elle nécessite plus de temps...), les deux sont donc complémentaires, d'où le choix volontaire du titre dans son prolongement. Et le message de mon livre est bien que "chacun peut faire la différence" et peut devenir un héros du quotidien!

Couroucoucou : Bonjour, vous proposez 101 actions solidaires dans votre livre. D'autres vous sont peut-être venues depuis la publication. Quelles seraient les 102e et 103e actions?

C'est exact, c'est difficile d'écrire un livre car c'est un objet fini, et la vie continue dès que l'on a mis un point final au manuscrit. Voilà pourquoi aussi j'ai souhaité accompagner cette démarche du site internet, lequel sera un "work in progress" permanent (et qui n'en est qu'à sa première mouture). Pour répondre à votre question, voici quelques nouvelles actions à se mettre sous la dent! Le réseau social "Bienvenue à ma table" lequel permet de mettre en relation des passionnés de cuisine avec des personnes qui seront invités à la partager. Et "Les p'tits fruits solidaires" qui permettent de donner nos fruits avant qu'ils ne pourrissent. Deux belles idées qui s'inscrivent dans la lignée de ce qu'on appelle maintenant "l'économie du partage" et qui comprend le covoiturage, l'échange de maisons, la location de particulier à particulier, le troc...etc

Couroucoucou : Quelles sont les personnalités qui vous inspirent le plus?

Je pense que derrière cette démarche de livre, se cachent trois parrains: le préfacier Pierre Rabhi (une très belle rencontre de mon côté) pour ses actes et paroles autour de la préservation du vivant et de la sobriété heureuse, Stéphane Hessel parce qu'il est devenu le porte-drapeau de mouvements sociétaux importants, et Gandhi parce qu'il a notamment dit avec force "soyez le changement que vous voulez voir dans le monde". Cette question est intéressante, et voilà pourquoi j'ai créé au sein du livre une rubrique "acteurs de changement" qui liste les personnalités (Mohammad Yunus, Wangari Maathai, Coluche...), qui ont voulu être porteurs de solutions pour une société différente.

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