31 juillet, 2011

Un printemps arabe pour Israël ?

MOYEN ORIENT. Comme ce fût le cas en Tunisie, Égypte, Libye et Syrie, Israël fait face à un embryon contestataire qui gagne du terrain au sein de la population.
Sélectionné et édité par Hélène Decommer

Samedi soir a eu lieu en Israël la plus grande manifestation de revendication sociale de l'histoire du pays. Entre 80.000 et 120.000 manifestants (pour une population totale d'un peu plus de 7 millions d'habitants) ont envahis les rues des villes principales de l'état juif pour exprimer leur colère et leur frustration face à un pouvoir d'achat allant en s'amenuisant et afin d'exiger du gouvernement un programme d'urgence permettant de redresser la situation économique.

Plus de 50.000 manifestants selon la police à Tel-Aviv, 15.000 à Jérusalem, plus de 10.000 à Haïfa et partout ailleurs du Nord au Sud.

Manifestation à tel Aviv le 30/07/11 (Ariel Schalit/AP/SIPA)

Manifestation à tel Aviv le 30/07/11 (Ariel Schalit/AP/SIPA)

Pourtant, la politique économique d'Israël lui a permis ces dernières années d'éviter d'être entrainée dans le tourbillon mondial de dette, chômage et effondrement du marché immobilier, ce qui a semble-t-il poussé le gouvernement à s'illusionner sur l'indice de satisfaction de sa population.

Mais ce qui lui a échappé, c'est que cette stabilité économique s'est faite au détriment de la classe moyenne, qui n'arrive plus aujourd'hui à se maintenir à flot et qui coule, inexorablement.

Tout a commencé par un pot de fromage blanc. Et Facebook. Le cottage, un fromage très prisé en Israël et produit de base que l'on trouve sur la table de chaque famille, a vu son prix augmenter vertigineusement en à peine un an. Un groupe de consommateur a donc décidé de réagir et d'organiser un boycott par l'entremise de Facebook. Le résultat ne s'est pas fait attendre: le prix du cottage a été ramené à son prix initial.

Puis une étudiante, incapable de trouver à se loger en raison des prix exorbitants de l'immobilier, a décidé d'aller planter une tente au beau milieu de l'avenue Rothschild, l'une des plus chic de Tel-Aviv. Sur sa page Facebook, elle a appelé tous ceux qui se trouvaient dans la même situation qu'elle à la rejoindre. En quelques jours, le mouvement a pris une ampleur incroyable et s'est étendu à tout le pays.

Les tentes ont poussées comme des champignons à Jérusalem, Haïfa, Ashdod, Beer-Shev'a. Petit à petit, le mouvement, qui au départ ne semblait concerner que les étudiants laïcs, s'est propagé aux familles, aux religieux, aux arabes israéliens, aux mères célibataires, aux travailleurs sociaux...

Dans le centre de tel Aviv, le 21/07/11 (Ariel Schalit/AP/SIPA)

Dans le centre de tel Aviv, le 21/07/11 (Ariel Schalit/AP/SIPA)

La revendication originelle du mouvement concernait le prix des loyers et l'impossibilité de trouver à se loger pour un prix abordable. L'état a en effet totalement abandonné la construction de logements sociaux, les prix des terrains ont plus que doublés en 10 ans et l'acquisition d'un bien immobilier est devenue quasi impossible pour le citoyen lambda.

Parallèlement, les disparités sociales n'ont cessées de s'accroitre. Le premier ministre Benyamin Netanyahou n'a jamais caché son inclination pour le capitalisme à outrance dont il applique consciencieusement les méthodes, flattant outrageusement les industriels et les investisseurs à qui il accorde des passe-droits et autres avantages financiers qui leur permettent d'engranger d'énormes revenus.

L'industrie israélienne est regroupée autour d'une dizaine de familles qui tiennent dans leurs mains l'immobilier, l'agro-alimentaire, et les industries traditionnelles. Cette concentration a débouché sur une cartellisation excessive, rendant impossible le jeu de la concurrence.

Depuis sa création, l'état a habitué ses citoyens à n'être préoccupés que par une seule chose: la sécurité des frontières. Le positionnement à droite ou à gauche n'a jamais été qu'une question d'opinion par rapport à la politique sécuritaire. Peut-être trop préoccupés par les guerres, les attentats, les négociations, les signatures de traités, les israéliens ont toujours fait passer au second plan leurs revendications sociales.

Mais il semblerait que cette époque soit désormais révolue, et las de devoir faire face à la précarité économique, le peuple est descendu hier dans la rue pour faire entendre ses revendications, dénonçant l'alliance du pouvoir et de l'argent, réclamant la justice sociale et obligeant enfin le gouvernement inquiété par ce mouvement qui prend chaque jour un peu plus d'ampleur, à l'écouter.

A tous les laissés pour compte du logement et de l'économie s'ajoutent les médecins, en grève depuis plus de 100 jours, qui organisent aujourd'hui une énorme manifestation à Jérusalem. La réunion hebdomadaire du gouvernement aura ce matin fort à faire pour décider quel programme social d'urgence adopter et proposer aux manifestants en colère que, pour l'instant, rien ne semble pouvoir calmer.

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