06 juin, 2011

Casamance: réfugiés et déplacés voudraient rentrer mais ont toujours peur

SOUNGOUTOTO (© 2011 AFP) - Les mines antipersonnel et antichars ont officiellement fait 776 victimes depuis le début de la rébellion casamançaise en 1982, dont 168 morts.
Casamance: réfugiés et déplacés voudraient rentrer mais ont toujours peur

© AFP Seyllou Diallo. Un réfugié sénégalais se tient devant sa maison dans le village de Soungoutoto, en Guinée Bissau, le 27 mai 2011

Au bout d'une épaisse forêt d'anacardiers, surgit Soungoutoto, village bissau-guinéen accueillant des réfugiés sénégalais qui ont fui les violences en Casamance (sud du Sénégal). Ils voudraient rentrer, mais ont peur des mines et de l'insécurité.

Après une dernière gorgée de vin de cajou, Boniface Manga s'assoit sur une natte usée dans ce village du nord de la Guinée-Bissau, près de la frontière sénégalaise.

"J'ai quitté le village de Badème en 1993 à cause des violences. Les habitants ici m'ont donné cet espace pour construire cette maison", dit cet homme de 61 ans, veste élimée, pipe fumante au coin des lèvres, barbe et cheveux poivre-sel. Il désigne une bâtisse en torchis recouverte de chaume.

"Trouver de la nourriture est une tracasserie. Nous n'avons pas de rizières ici. Nous voulons rentrer, mais nous avons peur des mines et de l'insécurité", affirme-t-il.

Les mines antipersonnel et antichars ont officiellement fait 776 victimes - 560 civils et 216 militaires - depuis le début de la rébellion casamançaise en 1982, dont 168 morts.

Les mines empêchent les agriculteurs d'aller dans les rizières et vergers de cette région dotée de fortes potentialités agricoles.

"Sans la paix, nous ne rentrerons pas. Nous n'accepterons pas d'être comme des animaux courant dans la brousse pour fuir les violences", assure Adama Diatta, solide gaillard habillé d'une salopette bleue.

Un kilomètre plus loin, l'école communautaire du village, "construite en 2003 par une Française pour les enfants qui y apprennent en français, manque de tout", affirme son directeur, Brisily Manga. "90% de nos élèves sont des enfants de réfugiés", dit-il.

Pour la présidente des réfugiés de Guinée-Bissau, Marie-Joséphine Lopy, "la vie est très dure ici. Nous avons des problèmes pour manger et chaque année, il faut refaire la toiture en paille".

"Les réfugiés veulent rentrer mais il y a les mines et l'insécurité", dit cette femme originaire de Labicente, un village de la région de Ziguinchor.

A Kassou, village voisin de Soungoutoto, Bintou Diatta affirme également "avoir peur des mines antipersonnel et des exactions des maquisards et des militaires".

Plus de 7.400 réfugiés sénégalais ayant fui les violences en Casamance ont été recensés par le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) en Guinée-Bissau, près de 8.000 en Gambie.

Les déplacés à Ziguinchor, ville principale de Casamance, sont, eux, estimés à entre 20.000 et 30.000, contre 40.000 en 2010, selon une source administrative sénégalaise qui ne précise pas leur nombre total.

"A la faveur de l'accalmie, beaucoup sont rentrés grâce au soutien de l'Etat et d'autres partenaires", mais "il n'y pas assez de moyens pour les prendre en charge", ajoute-t-elle.

Réfugiés et déplacés ne sont pas installés dans des camps, mais accueillis par des populations locales, selon un haut responsable administratif à Ziguinchor.

Le président des déplacés, Seyni Sané, vit à Ziguinchor chez son beau-fils. Il dit être du village proche de Toubacouta où, selon lui, "les violences ont beaucoup baissé depuis deux ans, même si nos parents (les maquisards) sont toujours dans la brousse. Mais la zone n'est pas déminée et les villages ont été envahis par la forêt".

"Un travail de déminage a commencé en février 2008, mais il reste beaucoup à faire", reconnaît Ibrahima Seck, un responsable du Centre national d'action antimines au Sénégal (CNAMS), qui dépend du ministère des Affaires étrangères.

Ce travail a toutefois déjà permis à des populations de retourner dans leurs villages déminés par Handicap International, l'ONG choisie par le CNAMS.

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