30 mai, 2011

La rébellion libyenne forme ses recrues de 18 ans, et souvent bien plus

BENGHAZI (Libye) (© 2011 AFP) - "Les volontaires doivent être âgés de plus de 18 ans" prévient un grand panneau flambant neuf à l'entrée de la base militaire du 17 février.
La rébellion libyenne forme ses recrues de 18 ans, et souvent bien plus

© AFP Saeed Khan. Les recrues de la rébellion libyenne en formation le 29 mai 2011 à Benghazime"

Dans la vaste cour écrasée de soleil, plusieurs centaines de rebelles libyens alternent pas de gymnastique et éclats de rire.

Les recrues les plus fraîches apprennent avec application mais aussi une certaine nonchalance le garde-à-vous d'un instructeur au visage brûlé de soleil, à la barbe déjà blanche. Peu d'uniformes, la plupart portent leurs jeans et tee- shirts de civils.

Ils sont effectivement encore des civils, peut-être demain de futurs combattants de la rébellion qui, sous-armée et peu entraînée, n'arrive pas à avancer contre les forces du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

"Il sont environ 600 aujourd'hui", explique Imed el-Obaidi, 21 ans, ingénieur en électricité et rentré des Emirats arabes unis au début de la révolution du 17-Février, qui a donné son nom à cette ancienne base des forces de Kadhafi dans Benghazi, fief des rebelles dans l'est libyen.

"Ils viennent le matin, font une pause pour le petit déjeuner, reprennent jusqu'à 13 heures environ", explique Imed, qui a intégré les Forces spéciales de la rébellion à son arrivée à Benghazi. Blessé à la main droite, il travaille momentanément avec le Media center de la rébellion.

Dans ce camp, à l'image d'une révolution qui tient l'est du pays sans pouvoir forcer le passage vers l'ouest, tout semble effectivement momentané, en gestation.

Mohamed Faraj est l'un des instructeurs, visage creusé, cheveux blancs, ancien capitaine de l'armée de Kadhafi. 61 ans, à la retraite depuis 11 ans, en tenue de camouflage et... mocassins noirs de ville. "Je me suis tout de suite mobilisé, j'ai compris que ces jeunes ne connaissaient pas le maniement des armes. Je leur apprends les RPG, et les missiles américains".

Soudain, un soldat à l'écart lâche en l'air trois rafales de fusil automatique, les recrues sursautent, et puis rient de leur peur.

"Certains intègreront l'armée, iront au front. D'autres quitteront la formation, qui dure un mois, ils sont libres de choisir", explique Imed.

Lui-même, s'il veut repartir au front, ne restera pas ensuite dans l'armée: "J'ai un master, et un doctorat à terminer, je l'ai promis à mon père". Un tiers des recrues vivaient à l'étranger avant de rallier la révolution, explique-t-il. Walid Zemit est venu il y a deux semaines de Grande-Bretagne, de Coventry, où il était étudiant.

"Je veux me battre pour la Libye, défendre mon pays, mon coeur". Pas de famille à Benghazi, mais à Tripoli, alors il vit dans un camp militaire. A ses côtés, un homme au regard grave, silencieux, couvert d'un capuchon de laine en pleine chaleur. Il vient de Brega, sur la ligne de front, à l'ouest de Benghazi.

A 47 ans, Ahmed Zidane côtoie les recrues de 20 ans.

"Je suis ingénieur dans le pétrole, je travaillais pour la Syrte Oil company", dit-il d'un ton sobre. "Il y avait trop de corruption sous Kadhafi, nous devons le stopper. C'est comme une obligation, une lutte entre le bien et le mal".

A l'écart, des recrues déjà mieux formées s'entraînent au combat de rue, maison par maison. Avec des fusils automatiques qui tirent à blanc, mieux vaut éviter les accidents quand on ne sait pas encore manier une arme. Dans un autre groupe, une recrue porte carrément une cagoule en laine blanche. "Peut-être vient-il de Tripoli, il ne veut pas être reconnu", explique Imed.

S'ils rient parfois, ces hommes comprennent la gravité de leur engagement.

Sont-ils de bons éléments? "Oui, ils apprennent vite, la moitié d'entre eux sont des ingénieurs, des intellectuels", explique l'ancien capitaine Nuri Mohamed, 20 ans d'armée, l'instructeur du combat de rue. "Il faut bien s'organiser pour attaquer une maison, des hommes devant, d'autres à l'arrière. Chacun sa position. C'est comme un match de foot", estime Imed, qui sait bien que les balles ne sont pas les mêmes.

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