24 mars, 2011

À quand les robots chirurgiens ?

Le Point.fr
À quand les robots chirurgiens  ?

Jusqu'à quel point la robotique peut-elle venir au chevet de la science ? Le Professeur Luc Soler, directeur du service d'imagerie et robotique médicale de l'Ircad (Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif), revient sur les travaux de son service qui a mis au point un outil permettant au chirurgien de s'entraîner sur un clone virtuel du patient.

Le Point.fr : Quel est le but de vos recherches ?

Professeur Luc Soler : Nous n'avons pas vocation à remplacer le chirurgien, simplement lui fournir des outils pertinents et précis d'aide à la décision. Nos recherches portent sur la chirurgie assistée par ordinateur, le guidage du chirurgien. Nous travaillons à développer les outils qui permettent de dresser une cartographie du patient. À partir de la carte, nous pourrons créer un simulateur d'opérations sur lequel le chirurgien pourra s'entraîner. Il utilisera une copie virtuelle du patient à partir des images obtenues par le scanner. Le chirurgien pourra alors tester sa stratégie opératoire, s'entraîner sur ce clone virtuel du patient avant de l'opérer réellement.

Les robots chirurgiens capables d'opérer seuls sont-ils pour demain ?

Non et nous en sommes encore loin. La distance qui nous sépare du robot chirurgien est la même que celle qui sépare le GPS de voiture d'un système de pilotage automatique.

Comment créer un clone virtuel du patient ?

Nous avons développé un logiciel qui va interpréter les images obtenues par un scanner classique. Cet outil permet de dresser la cartographie 3D du corps de chaque patient. Il sera possible de localiser les tumeurs par exemple et de donner des indications de volume et de forme des organes. C'est un changement majeur, car le chirurgien se base sur la cartographie réelle du terrain et non sur une anatomie moyenne pour établir sa stratégie d'opération.

En quoi le diagnostic peut-il être amélioré avec cet outil ?

C'est le début de la chirurgie personnalisée. Cette technologie d'imagerie peut, dans le cas d'un cancer du foie par exemple, rendre certains patients opérables, alors qu'ils étaient considérés comme inopérables avec les images d'un scanner classique. On ne peut pas retirer plus de 30 % du foie sans mettre en danger la survie du patient. Avec le scanner simple, les images peuvent être trompeuses et l'on peut facilement orienter un patient vers des traitements moins efficaces.

Votre technologie est-elle coûteuse ?

Non. À titre d'exemple, une reconstruction 3D était déjà possible, réalisée par une société allemande. Elle était facturée 690 euros. Notre solution coûtera 100 euros, dont 40 remboursés par la sécurité sociale. Par ailleurs, l'outil devrait permettre d'orienter plus de patients vers des opérations du cancer du foie, beaucoup moins onéreuses qu'une lourde et exorbitante chimiothérapie de trois ans à l'issue moins certaine. Enfin, il est possible dans le cas d'une chimiothérapie de suivre beaucoup plus précisément les effets du traitement et d'adapter les doses. C'est un bénéfice majeur pour l'ensemble de la société.

Quand la phase de développement robotique à proprement parler pourra-t-elle commencer ?

Nous avons commencé, notamment pour prévenir des risques encourus par les radiologues dans le cas de thermo-ablation. Cette technique consiste à introduire une aiguille sur la tumeur et à la chauffer. L'introduction de l'aiguille se fait sous scanner, les radiologues sont donc exposés à des doses à répétition pour réaliser cette opération, certains se sacrifient pour leurs patients, on ne peut pas l'accepter. Notre robot est capable d'introduire lui-même l'aiguille, en visant précisément la tumeur, quel que soit le mouvement respiratoire du patient. L'introduction de l'aiguille se fait avec une plus grande précision, la thérapie est plus efficace, tout le monde sera gagnant.

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