22 février, 2011

Libye: après une semaine de chaos, Kadhafi en personne dément son départ

TRIPOLI (AFP)

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Capture d'écran de Kadhafi apparaissant le 22 février 2011 à la télévision officielle libyenne

Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a fait une brève apparition à la télévision libyenne pour prouver qu'il était toujours présent mardi dans le pays où règne le chaos après une semaine d'insurrection pour réclamer le départ du "Guide", au pouvoir depuis bientôt 42 ans.

Lundi soir, des témoins contactés par l'AFP ont fait état de violents affrontements dans les quartiers de Fachloum et Tajoura, dans la banlieue Est de Tripoli, parlant de "massacres" de manifestants anti-régime et de mercenaires africains déposés par hélicoptères qui ont tiré sur les passants.

Auparavant, la télévision d'Etat avait évoqué une opération ayant fait des morts et menée par les forces de sécurité contre les "saboteurs et (ceux qui sèment) la terreur".Mardi elle a démenti tout "massacre," estimant qu'il s'agissait de "mensonges qui font partie de la guerre psychologique".

La situation était calme mardi matin dans plusieurs quartiers de la capitale, dont Tajoura, selon des témoins joints par l'AFP.

Toutefois, selon des témoignages recueillis par la présidente de la Fédération internationale des Ligues de droits de l'Homme (FIDH) Souhayr Belhassen, les violences se poursuivaient dans la matinée à Tripoli. "Les milices, les forces de sécurité fidèles à Kadhafi sévissent de façon terrible, cassent les portes, pillent", a-t-elle indiqué à l'AFP, citant des informations communiquées par la Ligue libyenne des droits de l'Homme. "Il est impossible de retirer les corps dans les rues, on se fait tirer dessus", a-t-elle rapporté.

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Une scène de rue sur la place Verte à Tripoli, retransmise par la télévision libyenne le 21 février 2011

Dans la nuit, la télévision a montré le colonel Kadhafi, montant dans une voiture, un parapluie à la main, devant sa maison dans la résidence-caserne de Bab Al-Aziziya. "S'il n'avait pas plu, je me serais adressé aux jeunes sur la place verte (lieu de rassemblement de ses partisans, NDLR) et j'aurais passé la nuit avec eux pour leur prouver que je suis toujours à Tripoli, et non au Venezuela et (leur demander) de ne pas croire les télévisions de ces chiens errants", a-t-il affirmé selon l'agence officielle Jana, le citant mardi.

Le chef de la diplomatie britannique William Hague avait déclaré lundi que le colonel Kadhafi pourrait être en route vers le Venezuela.

A Tripoli, touché par les violences depuis dimanche, beaucoup d'étrangers restaient confinés chez eux. "Je suis enfermé à la maison depuis cet après-midi. (...) C'est trop dangereux", a expliqué un employé sud-américain d'une société européenne vivant à Tripoli contacté par l'AFP lundi soir.

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Carte de localisation des villes tombées aux mains des manifestants

Ceux qui peuvent partir affluent à l'aéroport de Tripoli. "L'aéroport est plein à craquer. C'est la pagaille", a indiqué mardi à l'AFP un ingénieur tunisien qui compte rentrer avec sa famille.

L'armée égyptienne a renforcé sa présence à la frontière avec la Libye pour assurer notamment le passage des ressortissants égyptiens fuyant le pays, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire.

Le bilan des violences s'élevait lundi à au moins 233 morts, selon Human Rights Watch, à "300 à 400" morts, selon la FIDH.

Plusieurs dirigeants libyens ont fait défection à l'instar du ministre de la Justice Moustapha Abdel Jalil qui a démissionné "pour protester contre l'usage excessif de la force" contre les manifestants. C'est également le cas de diplomates en poste à l'étranger, comme l'ambassadeur en Inde, mais aussi des pilotes de deux Mirage F1, qui ont atterri à Malte lundi, affirmant avoir fui après avoir reçu l'ordre de tirer sur les manifestants à Benghazi.

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Atterrissage le 21 février 2011 à Malte de deux Mirage F1 libyens

La haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay a exigé l'ouverture d'une "enquête internationale indépendante" sur les violences, évoquant la possibilité de "crimes contre l'humanité". Le conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir mardi sur la Libye, à la demande de l'ambassadeur adjoint du pays.

La Ligue arabe doit également tenir mardi une réunion d'urgence sur la Libye.

La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a elle réclamé "l'arrêt du bain de sang inacceptable". L'Union européenne a "condamné" la répression, tout comme le secrétaire général de l'Otan.

Dans la région, l'Organisation de la conférence islamique, l'Iran, le Hamas et le Qatar ont fermement condamné les violences. Le très influent théologien musulman cheikh Youssef Al-Qardaoui a émis lundi une fatwa appelant l'armée libyenne à assassiner Mouammar Kadhafi.

Le mouvement islamiste Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza a condamné "les massacres" tout comme l'Iran qui a demandé à la communauté internationale d'intervenir. Le Qatar a condamné le recours "à l'aviation et aux armes à feu contre les civils".

Les troubles en Libye, l'un des principaux pays exportateurs de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), faisaient s'envoler les prix de l'or noir. Les cours du brut ont bondi mardi à Londres au-dessus de 106 dollars, tandis que le prix du panier de référence de l'Opep franchissait les 100 dollars pour la première fois en deux ans et demi. L'Opep s'est dit prête à réagir "si cela s'avérait nécessaire".

Des Etats -comme l'Italie, premier partenaire commercial de la Libye- organisaient l'évacuation de leurs ressortissants, tout comme de nombreuses entreprises dont les compagnies pétrolières.

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