17 janvier, 2011

Tunisie : multiples affrontements entre forces armées et partisans de Ben Ali

TUNIS (AFP

AFP

Des soldats avenue Habib Bourguiba le 16 janvier 2011 à Tunis

De violents affrontements ont opposé dimanche à Tunis forces de sécurité et éléments fidèles au chef de l'Etat déchu Ben Ali, qui ont été attaqués par l'armée dans le palais présidentiel de Carthage.

Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui devrait annoncer lundi la composition du nouveau gouvernement, a averti dimanche soir que les autorités de transition ne feraient preuve d'"aucune tolérance" envers ceux qui sèment le chaos dans le pays, dans une déclaration téléphonique à la télévision publique.

Des tirs, d'abord sporadiques, puis de plus en plus nourris, ont été échangés pendant deux heures dans l'après-midi à Tunis entre des francs-tireurs cachés dans des immeubles et des policiers et des militaires, près de l'avenue Bourguiba, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Deux francs-tireurs ont été abattus dans ces affrontements, a annoncé à la télévision publique un officier de l'armée. Quelques heures plus tard, lorsque le couvre-feu était en vigueur, l'armée a donné l'assaut au palais présidentiel de Carthage dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Zine el Abidine Ben Ali, selon une source sécuritaire tunisienne. Des habitants de Carthage ont également fait état de tirs dans ce secteur.

AFP

Contrôles effectués par les habitants eux-même le 16 janvier 2011 dans une rue de Tunis

Alors que la nuit de vendredi à samedi avait été émaillée d'actes de vandalisme et de pillages, la capitale s'était pourtant réveillée dans le calme dimanche matin. Des comités de vigilance avaient organisé des rondes dans les quartiers. "On n'a pas peur : les hommes protègent nos quartiers des miliciens armés qui sont là pour terroriser. Je me sens en sécurité", a témoigné Mouna Ouerghi, 29 ans, professeur d'université.

La situation s'est brusquement tendue en début d'après-midi : les policiers sont devenus de plus en plus nerveux, contrôlant systématiquement les véhicules.

Douze Suédois venus chasser le sanglier ont été pris à partie par une foule déchaînée, qui les a accusés d'être des "terroristes étrangers" en découvrant leurs armes.

AFP/Archives

Le chef de la sécurité de Ben Ali, Ali Sériati, le 13 décembre 2010

La justice a annoncé dimanche l'arrestation de l'ex-chef de la sécurité du président tunisien déchu, le général Ali Sériati, qui a été officiellement accusé d'être le responsable des pillages et des exactions de ces derniers jours contre la population.

Plusieurs témoignages avaient attribué ces récentes violences à des membres de l'appareil sécuritaire liés à Ben Ali et cherchant à créer le chaos pour tenter de favoriser son retour. L'ex-président, cédant à la pression de la rue, a fui vendredi en Arabie saoudite.

L'ambassadeur démissionnaire de la Tunisie à l'Unesco Mezri Haddad a accusé dimanche M. Ben Ali d'avoir "prémédité l'anarchie avant son départ" du pouvoir vendredi et de "téléguider les opérations", dans un communiqué reçu par l'AFP. "Je l'accuse d'avoir choisi la politique de la terre brûlée", a-t-il ajouté.

"Il n'y aura aucune tolérance, avec ceux, quels qu'ils soient, qui portent atteinte à la sécurité du pays", a déclaré dimanche soir le Premier ministre Mohammed Ghannouchi.

AFP

Des policiers tunisiens prennent position sur un toit de Tunis, le 16 janvier 2011

Un de ses neveux, Kaïs Ben Ali, a été interpellé à Msaken (centre), dans la nuit de samedi à dimanche avec dix personnes qui "tiraient en tous sens" à bord de véhicules de police, ont raconté des témoins.

L'ex-chef d'état-major français et ex-ambassadeur en Tunisie, l'amiral Jacques Lanxade, estime dimanche que "c'est l'armée qui a lâché" Ben Ali et qu'elle peut être un "élément stabilisateur" pour sortir du chaos.

"C'est l'armée qui a lâché Ben Ali quand elle s'est refusée - à l'inverse de la police du régime - à faire tirer sur la foule" pendant les manifestations de la semaine passée, affirme-t-il au quotidien Le Parisien.

Au Palais du gouvernement, le Premier ministre a consulté dimanche des représentants des partis politiques pour amorcer le processus de transition.

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Mohamed Ghannouchi le 15 janvier 2011

"La composition du nouveau gouvernement sera annoncée demain matin", a déclaré à l'AFP Maya Jribi, secrétaire générale du PDP, l'opposition légale la plus radicale en Tunisie, à l'issue de cette réunion.

"Il a été décidé de manière consensuelle d'écarter les partis pro-gouvernementaux", a-t-elle ajouté.

Tout en faisant état d'"importants progrès" dans ces consultations, le Premier ministre tunisien s'est toutefois montré plus prudent, se bornant à déclarer que le nouveau gouvernement serait "peut-être" annoncé lundi.

Le photographe franco-allemand de l'agence EPA Lucas Mebrouk Dolega, 32 ans, grièvement blessé vendredi à Tunis par un tir de grenade lacrymogène, était dimanche dans un état "extrêmement critique" selon sa famille, mais pas mort comme cela avait été annoncé dans la journée par plusieurs sources.

Imed Trabelsi, neveu de l'épouse de l'ex président, Leïla Trabelsi, a succombé à une blessure à l'arme blanche à l'hôpital militaire de Tunis, dans des circonstances non éclaircies, a appris l'AFP auprès de l'établissement. C'est la première victime confirmée dans l'entourage immédiat du président déchu.

Imed Trabelsi avait été poursuivi sans succès en France pour s'être approprié le prestigieux yacht de Bruno Roger, l'un des dirigeants de la Banque Lazard et proche de l'ex-président français Jacques Chirac et de l'actuel chef de l'Etat Nicolas Sarkozy.

Le département d'Etat américain a donné son feu vert au départ des familles des membres de son ambassade à Tunis et recommandé à l'ensemble des Américains de quitter la Tunisie en raison des troubles actuels.

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