30 janvier, 2011

Pour résoudre le conflit afghan, il faut travailler avec les Talibans"

metrofrance.comPervez Musharraf lors du forum économique de Davos (Suisse), en 2008.

Pervez Musharraf lors du forum économique de Davos (Suisse), en 2008.

Photo : World Economic Forum/Flickr.com

"Pour résoudre le conflit afghan, il faut travailler avec les Talibans"

Pervez Musharraf a démissionné de la présidence du Pakistan il y a trois ans. Et même s'il vit en exil à Londres, il reste une figure incontournable du pays. L'ex-général, qui a pris le pouvoir en 1999, a apporté une prospérité et une stabilité relative au Pakistan. Un exploit comparé à l'évolution de l'Afghanistan voisin. Surtout, il est un des rares dirigeants du Pakistan a avoir réussi à rester en vie. Aujour'hui, Pervez Musharraf s'est converti à la démocratie et a lancé un nouveau parti : la "All Pakistan Muslim League (APML, la Ligue musulmane pakistanaise), qui participera aux élections de 2013.

Pourquoi avoir créé un nouveau parti ?
Le Pakistan est en phase de régression. L'économie pique du nez. En 2006, elle était forte, et maintenant nous sommes vus comme le malade du continent asiatique. Vous pouvez ajoutez à cela un gouvernement défaillant, le terrorisme et l'extrémisme politique. Aucun parti politique, à l'heure actuelle, n'est capable de prendre ces problèmes à bras le corps. C'est pour cela qu'il était nécessaire de créer un nouveau parti qui aurait une crédibilité tant au Pakistan qu'à l'international.

Vous sentez-vous en sécurité pour retourner au Pakistan ?
Il y a sans aucun doute des problèmes de sécurité, mais ils ne vont pas me dissuader. Il y a également le terrorisme et l'extrémisme, qui sont deux tendances dangereuses. J'ai déjà eu affaire avec ces problèmes quand je vivais au Pakistan, et j'y ferai face à nouveau. Il faut savoir prendre des risques pour gagner quelque chose.

Vous avez été un allié des Etats-Unis dans la guerre en Afghanistan. Comment les avez-vous aider ?
Quand, en 1979, commencecla guerre soviétique en Afghanistan, nous nous sommes retrouvés en alliés naturels du pays contre les soviétiques et sommes devenus un partenaire stratégique des Etats-Unis. A la fin de la campagne soviétique, en 1989, les Etats-Unis se sont désintéressés de la région, et le peuple pakistanais s'est senti trahi. Aussi, quand les Etats-Unis ont envahi l'Afghanistan après le 11 septembre, il nous est apparu naturel, au niveau du gouvernement, de nous allier à nouveau avec eux pour combattre notre ennemi commun : les Talibans et Al Quaeda. Mais les Pakistanais, eux, rejettent toujours les Etats-Unis.

Est-ce que George W. Bush vous a demandé votre avis avant d'envahir l'Afghanistan ?
Non. Les Etats-Unis voulaient envahir l'Afghanistan, ce qui était peut-être justifié après ce qu'il s'est passé au World Trade Center. Nous avons rejoint la coalition parce que c'était dans notre intérêt. Mais on ne m'a pas demandé mon avis.

Quelle est la manière la plus rapide d'en finir avec cette guerre ?
Pour parler franchement, il n'y a pas de solution rapide. Nous avons manqué certaines opportunités dans le passé. Ainsi, les alliés ont fait une grosse bévue. Les Talibans ont été battus grâce à l'aide de l'Alliance du Nord juste après le 11 septembre. Cette Alliance était composée de minorités afghanes, tandis que les Talibans étaient majoritairement issus des rangs Pachtouns. Les Talibans sont partis se réfugier dans les montagnes pakistanaises. Il y avait alors un vide en Afghanistan. Il aurait fallu instaurer un gouvernement légitime à Kaboul, mais qui soit dominé par les Pachtouns. Cette ethnie est la plus importante du pays, et l'a toujours dirigé. Ils sont les dirigeants naturels du pays. Les alliés avaient deux ans pour le faire. La résurgence des Talibans n'est survenue que deux ans plus tard, parce que les Pachtouns n'avaient pas été conviés dans la reconstruction. Gardez en tête que tous les Talibans sont Pachtouns, mais que tous les Pachtouns ne sont pas Talibans.
Pour en finir rapidement, il faut installer un gouvernement qui soit légitime. La question est comment intégrer les Pachtouns à ce processus.
Il faut également prêter attention aux malliks, les leader traditionnels des tribus, plutôt qu'aux mollahs. Il faut identifier les malliks qui ne sont pas Talibans et les associer au futur pouvoir. Et rappelez-vous aussi que tout le monde se dit Taliban. Il faut rechercher ceux qui peuvent œuvrer à la paix.

Il faut donc créer des divisions au sein des Talibans ?
Tous les Pachtouns ne sont pas Talibans. Ils ont la même barbe, mais on ne devrait pas les traiter tous comme des Talibans. C'est l'erreur qui a été commise.

Il faut donc changer le gouvernement en incluant les Pachtouns ?
Oui. On est en train d'essayer d'introduire la démocratie dans un pays qui ne connaît même pas le mot. L'Afghanistan a toujours été gouvernée de manière décentralisée. On ne peut imposer d'un seul coup un gouvernement central dirigé par Hamid Karzaï.

Savez-vous où est Oussama Ben Laden ?
Non. On a pensé l'approcher il y a quelques années, en 2004. Mais après ça, on a perdu sa trace.

D'après vous, qui est responsable de la mort des 11 ingénieurs français à Karachi ?
Les mêmes terroristes : les Talibans et Al Quaeda. Il n'y a aucun doute.

Seriez-vous prêt à venir témoigner devant la justice française au sujet de l'attentat et du contrat des sous-marins ?
Jamais. S'il y avait une affaire devant la justice Pakistanaise concernant la France, est-ce que le Général de Gaule serait venu témoigner ? On ne demande pas au chef d'Etat d'un pays étranger de venir devant la justice de votre pays.

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