20 janvier, 2011

Côte d’Ivoire : chaque jour plus de déplacés et de réfugiés

unicef.fr À l’issue de l’élection présidentielle du mois de novembre, deux gouvernements ont été proclamés simultanément. Une situation aux conséquences très lourdes pour les Ivoiriens. Pour fuir l’insécurité, la population se déplace en masse à l’intérieur du pays et vers les pays frontaliers : Libéria, Burkina Faso, Mali, Guinée et Ghana. Sur le terrain, l’Unicef renforce les programmes déjà existants et apporte une aide d’urgence aux populations fragilisées par le contexte actuel. Louis Vigneault, responsable de la communication de l’Unicef en Côte d’Ivoire, répond à nos questions.Côte d’Ivoire : chaque jour plus de déplacés et de réfugiés

Dans le secteur de Duékoué, 15 000 personnes déplacées se sont regroupées à la mission catholique.

1) Quel est l’impact de la crise politique à l’intérieur du pays ?

Le premier secteur durement touché par la crise, c’est l’éducation. Depuis le début de l’année scolaire, 800 000 enfants inscrits à l’école n’ont pas pu aller en classe. La rentrée aurait dû avoir lieu en octobre, mais ça n’a pas été le cas, à cause des tensions liées à l’élection présidentielle. Dans la région centre-ouest, par exemple, les écoles sont assez éloignées des habitations, car c’est une zone rurale. Du coup, les parents n’ont pas osé envoyer leurs enfants à l’école, par peur du climat politique. Certains leaders politiques ont même appelé la population à la désobéissance civile [ndlr : ce qui passe par la fermeture des écoles notamment]. Et aujourd’hui, 9 régions sur 17 ont fermé leurs écoles !

Ce que nous craignons, c’est que les écoliers prennent un retard important. Il n’est pas encore trop tard pour rattraper ce retard, à condition que les communautés se mobilisent rapidement. C’est l’avenir de chaque communauté qui est en jeu, si les enfants ne sont plus scolarisés. D’après nous, la meilleure place pour les enfants, ce sont les bancs de l’école. L' école doit être synonyme d’environnement protecteur pour les enfants et leurs parents. Mais si cette interruption se prolonge, on va arriver à une « année blanche ». Pour l’Unicef, c’est un gros problème, car même s’il y a un retour à l’école l’an prochain, il y a un risque important de déperdition scolaire. Et en conséquence, cela peut donner lieu à des enrôlements dans des groupes armés.

Ensuite, cette crise actuelle peut avoir des conséquences négatives sur la santé. Aujourd’hui, la moitié du personnel de santé a quitté ses fonctions, par crainte de représailles. On a aussi affaire à des ruptures de stock de médicaments ou à des problèmes d’acheminement. Certains vaccins tels que (rougeole, fièvre jaune) ou de matériel de thérapie antirétrovirale (sida) n'ont pas pu être acheminés car les routes étaient coupées. Pour faire face à cette situation , nous avons vite agi et approvisionné les centres de santé de l’ouest du pays [ndlr : région très fragilisée depuis le début de la crise]. Car il faut tout faire pour éviter des épidémies.

Enfin, on est face à une vraie crise en ce qui concerne les déplacements de la population. Aujourd’hui, il y a 18 000 déplacés en Côte d’Ivoire. Ils sont majoritairement regroupés dans la ville de Duékoué, à l’ouest du pays. 30 000 Ivoiriens se sont réfugiés au Liberia, et quelques centaines en Guinée et au Mali.

2)Quelle est la réponse de l’Unicef face à ces flots de population qui arrivent en nombre et au même endroit ?

L’Unicef a été en mesure d’apporter une aide d’urgence. Très vite, 20 tonnes de matériel [vivres et équipements de secours] ont été acheminés : jerricans, Aquatabs®, latrines, etc. On craint aussi les violences sexuelles, généralement entraînées par ce genre de contexte. Nous faisons donc un gros travail de sensibilisation auprès des déplacés.

Avant la crise politique qui a éclaté fin novembre, on a été confronté à une recrudescence des cas de fièvre jaune : 25 à 30 décès ont été enregistrés en quelques mois. Aujourd’hui, nous devons renforcer notre dispositif médical pour prévenir une épidémie, à cause des mouvements de population. Coûte que coûte, on doit mettre sur pied une campagne de vaccination contre la fièvre jaune, dans le but de protéger les enfants. On espère que cette campagne sera mise en place dans les prochains jours.

Aujourd’hui, l’Unicef fournit de l’eau potable et des installations sanitaires aux populations déplacées. En ce qui concerne la nourriture, le PAM (Programme alimentaire mondial) est intervenu. Nous travaillons aussi sur le suivi nutritionnel des enfants, avec nos partenaires. L’Unicef avait déjà un programme nutritionnel régulier avant la crise, ce qui nous a permis d’être très réactifs. Dans les jours et les semaines à venir, il va donc falloir renforcer ce programme.

3)Peut-on prévoir un retour à court terme des déplacés chez eux?

C’est très difficile de se prononcer là-dessus. La sécurité est trop instable à l’heure actuelle pour prévoir quoi que ce soit. Nous n’avons aucune visibilité sur la durée de la crise.

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