21 décembre, 2010

Le Point.fr Geeks et moins geeks se sont réunis pour débattre hier, à paris, du phénomène soulevé par le site। Instructif।

WikiLeaks et après ?Par Marie-Sandrine Sgherri

Lundi soir, une petite foule se massait au passage des panoramas dans le 2e arrondissement de Paris, à La Cantine, un "espace de travail collaboratif". L'invitation avait été lancée par Silicon Maniacs, un webzine "défricheur digital" assisté de L'Atelier des médias, une émission bien connue des internautes sur RFI.

Objet des débats : "WikiLeaks et la transparence". La petite salle est comble et les chaises font défaut. Pas de licence IV à la Cantine, et tout ce petit monde carbure à l'eau minérale et au Coca. Peu avant le coup d'envoi des discussions, quelqu'un vient inscrire à la craie le hashtag de la soirée : #wikinight. Pour les profanes, il s'agit du titre du fil de discussion qui ne va pas manquer de s'instaurer sur Twitter pour rendre compte, en temps réel et en 140 signes, des moments marquants à venir. Dans la salle, ils seront d'ailleurs nombreux à ne pas décoller le nez de leur smartphone et à microbloguer en diable. Le béotien, muni d'un simple calepin et d'un stylo à bille, tente de comprendre de quoi il retourne.

"La dictature de la transparence"

Retour, donc, sur l'irruption en fanfare de WikiLeaks sur la scène mondiale. Pour se mettre en bouche, RFI nous offre un petit florilège des propos qui ont accueilli la mise à jour des 250.000 câbles diplomatiques américains. La voix inflexible de Michèle Alliot-Marie retentit, fustigeant "l'irresponsabilité" de l'entreprise, suivie de celle, non moins sévère, de la psychanalyste Élisabeth Roudinesco, dénonçant "la dictature de la transparence" tout en se moquant de ces "secrets révélés (qui) ne sont rien d'autre que ce que l'on sait déjà".

Au-delà de la contradiction manifeste, Rémy Ourdan, journaliste au Monde - partenaire de WikiLeaks -, estime que ceux qui se gaussent des non-révélations du site doivent être vraiment très initiés, car lui qui suit les relations internationales depuis plus de 20 ans a appris "bien des choses". Un exemple ? Nicolas Sarkozy a annoncé aux diplomates américains sa candidature à la présidence de la République 14 mois avant de l'annoncer aux Français, tout en leur laissant entendre que, lui élu, la France pourrait bien entrer en guerre en Irak. Certes, ajoute Rémy Ourdan, il ne s'agit que de câbles diplomatiques, pas de notes de la CIA. Mais, tout de même, les informations retenues par Le Monde lui ont semblé à tout le moins instructives.

C'est sur ce dernier point que vont se concentrer la plupart des discussions de la soirée : les médias "traditionnels", ceux que le journaliste Emmanuel Torregano, fondateur du site Électron libre, appelle les "old fashion media", ont-ils le droit de filtrer ces données et de nous les livrer au compte-gouttes ? Pour mémoire, 250. 000 câbles ont fuité et 1.500 seulement ont été rendus publics. Si le processus n'est pas achevé, Rémy Ourdan reconnaît qu'on arrive au bout et que le reste n'est pas "intéressant", ce qui provoque la suspicion de ce jeune homme, qui n'hésite pas à dénoncer la "censure des journalistes", oxymore monstrueux qui provoque la sainte colère de Rémy Ourdan !

"B.a.ba de la bidouille"

Reste qu'à l'applaudimètre, la star de la soirée, c'est Bluetouff, un géant en effet très chevelu, ex-blogueur - Bluetouff a sabordé son blog pour protester contre l'adoption de l'article 4 de la Loppsi qui autorise le filtrage du Net sans décision de justice préalable -, développeur et visiblement au fait des techniques de piratage. Sa démonstration d'une attaque DDoS - pour "distributed deny of service" - et les quelques révélations qui s'ensuivent sont décoiffantes !

Bluetouff affirme qu'il n'est pas un pirate et rappelle que la paralysie d'un système de données est punie de 3 à 5 ans de prison. Cela n'empêche pas la démo de ladite paralysie d'un site par l'envoi d'un maximum de requêtes au même moment : c'est cela, la fameuse attaque DDoS. Elle est là sous nos yeux, sur le grand écran de la Cantine, et consiste en lignes de code vertes sur fond noir. "B.a.ba de la bidouille", selon Bluetouff, mais néanmoins efficace. Car c'est par une attaque DDoS que les autorités ont paralysé le site de WikiLeaks, lequel a dû trouver refuge chez des hébergeurs francs-tireurs. Et c'est par DDoS que les thuriféraires de la liberté d'expression ont répliqué en s'en prenant notamment à des sites gouvernementaux français (France.fr, "codé avec les pieds" selon Bluetouff) et surtout les sites de paiement PayPal et Visa, qui avaient préalablement coupé les vivres à WikiLeaks. "Les pirates sont parvenus à entrer chez visa et ont récupéré des données. Pour l'instant, elles sont cryptées. Pour l'instant", explique, sans frémir, l'ex-blogueur maquisard.

Sur Twitter, cela donne "Les injectionsSQL pdt le DDOS de Visa annoncées par @bluetouff à #wikinight c'est du lard ou du cochon ?" En clair, info ou intox ? Quoi qu'il en soit, la mobilisation "old fashion" a fait long feu. C'est sur le réseau que les défenseurs de la liberté vont en découdre. Invisible, cette lutte ne fera pas moins de dégâts que les bonnes vieilles manifs de papa.

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