15 décembre, 2010

Côte d’Ivoire : « tout le monde veut être Président »

terra-economica.info
(Photo : pagne à l'effigie de Félix Houphouët-Boigny, ancien Président de la Côte d'Ivoire. Crédit : Tomathon/Flickr

L’avenir de la Côte-d’Ivoire va-t-il basculer dans les jours à venir ? Le camp Ouattara vient d’appeler ses partisans à descendre dans la rue pour la prise pacifique des médias nationaux et autres bâtiments administratifs. Le jeudi 16 décembre sera-t-il le jour de tous les dangers au pays de Didier Drogba ? C’est en tout cas la date qui a été retenue par Guillaume Soro, Premier Ministre d’Alassane Ouattara pour investir la Primature ainsi que la très stratégique Radio et Télévision Ivoirienne (RTI) pour y installer un nouveau Directeur. Inutile de rappeler que dans le bras de fer qui oppose les deux présidents auto-proclamés, ces lieux de pouvoir sont contrôlés par le camp de Laurent Gbagbo. Et c’est bien le principal problème d’Alassane Ouattara. Malgré le soutien de la communauté internationale, de la France, de l’Union Africaine et des organisations sous-régionales, il reste pour l’instant un Président « virtuel » n’ayant aucune emprise sur le pays à l’exception du nord acquis à sa cause.

La tension est montée d’un cran lundi près de l’Hôtel du Golf où il s’est réfugié avec son gouvernement. L’accès a d’ailleurs été momentanément interrompu par l’armée régulière ivoirienne. Il y a eu des échanges de tirs entre les belligérants sans faire de victime. La star ivoirienne Soum Bill, dans la chanson prémonitoire « République de Président, tout le monde veut être président » n’imaginait pas que quelques années après, son pays serait dans une situation aussi inédite que confuse. En plus d’être divisée en deux, la Côte d’Ivoire possède désormais deux Présidents, deux Premiers Ministres et deux gouvernements. Face à la détermination de chaque partie qui est prête à en découdre, comment imaginer une sortie de crise pacifique sans effusion de sang ? A force de vivre dans la crainte, les conflits et l’instabilité politique les ivoiriens sont « fatigués » comme on dit à Abidjan. Alors par où la sortie…

Simple sur le papier, la situation est très complexe sur le terrain et suscite plusieurs interrogations. Si on s’en tient aux interventions des Présidents Obama et SAarkozy ainsi qu’aux déclarations de l’ONU, des organisations africaines, Ouattara est le vainqueur des élections ivoiriennes. Laurent Gbagbo devrait donc laisser la place à son adversaire. Comme toujours ce sont les situations d’une simplicité relative qui sont les plus complexes. Après la déclaration par la Commission Électorale Indépendante des résultats provisoires, sans attendre la validation par la Cour Constitutionnelle, la machine de soutien en faveur d’Alassane Ouattara s’est mise en route. Paradoxalement, ces soutiens prématurés sans respect pour le processus électoral ivoirien ont conforté l’angle d’attaque de Laurent Gbagbo. Ce dernier se présente désormais comme le « garant » des intérêts des ivoiriens face à un adversaire soutenu par les « étrangers ». Ce qui trouve un certain écho dans l’opinion publique.

Réduire l’analyse de la crise ivoirienne à un coup de force de Gbagbo serait une erreur stratégique car plusieurs questions essentielles sont en suspend : Guillaume Soro qui a récemment retourné sa veste n’est il pas un chef rebelle à l’origine de la division du pays qui a été imposé au Chef de l’Etat pour assurer un désarmement de ces partisans. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les forces de l’ONUCI et de la LICORNE sont-elles neutres (l’ont-elles été ?) ou ont-elles choisi leur camp ? Que s’est-il passé dans le Nord du pays lors du deuxième tour ? Malgré la pression internationale, Laurent Gbagbo maîtrise encore les arcanes du pouvoir à Abidjan. Quelles sont les puissances qui le soutiennent et pourquoi ? Finalement, derrière le bras fer qui oppose les deux Présidents auto-déclarés, se joue peut-être une partition géopolitique et économique qui dépasse les frontières ivoiriennes. Et c’est peut-être la véritable raison du malheur de ce pays. Après la diffusion sur France 2, d’un reportage sur la Françafrique et des notes confidentielles de WikiLeaks, on comprend mieux que la partie émergée de l’iceberg n’est probablement pas la plus intéressante pour la compréhension des troubles qui se passent en Afrique.

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