06 décembre, 2010

Côte d’Ivoire : Stopper la logique du chaos

Contrairement à ce que l’on croit, le ridicule tue. Sous nos yeux, le riducule est en train de tuer la Côte d’Ivoire. Le processus d’autodestruction de ce magnifique pays, naguère phare de la sous-région ouest-africaine, commencé dans les années quatre-vingt dix avec l’héritage mal négocié du long règne d’Houphouët-Boigny, a atteint son achèvement la semaine dernière avec la prestation de serment de deux présidents à la tête d’un même pays : Alassane Dramane Ouattara, président élu avec 54,10% des suffrages selon la Commission électorale indépendante (CEI), un résultat invalidé par le Conseil constitutionel et qui a proclamé Laurent Gbagbo vainqueur avec 51,45% contre 48,55% à son concurrent.

Il faut croire que, en Eburnie, la légalité institutionnelle est qualitativement supérieure à la légitimité démocratique issue du suffrage universel. L’argument selon lequel, la CEI n’était plus qualifiée pour proclamer les résultats au-delà du délai qui lui était fixé est pour le moins spécieux. Dans le quotidien Soir/Info du 4 décembre, le président de la CEI, Youssouf Bakayoko, rappelle que les résultats du premier tour, plaçant Laurent Gbagbo en tête, avaient été rendus publics une heure après le délai légal, mais avaient bien été validés par le Conseil constitutionnel. Faut-il aussi le rappeler, ce sont les partisans du candidat de la majorité sortante qui sont responsables du retard pris par la CEI, lorsque, le mardi 30 novembre, devant les caméras des télévisions, ils ont arraché des mains du porte-parole de la CEI, les résultats qu’il s’apprêtait à lire.

On peut sérieusement douter que le président du conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré et ses collègues se seraient montrés aussi sourcilleux de la légalité si leur candidat avait été déclaré vainqueur par la CEI. On peut aussi s’interroger sur le sérieux avec lequel, le conseil constitutionnel a épluché et examiné les milliers de procès verbaux des bureaux de vote litigieux et rendre son verdict en moins de 24 heures ! Et puis, le juridisme dont font preuve les memebres du conseil constitutionnel, tactique bien éprouvé des mauvais perdants, ne manque pas de piquant quand on sait que le mandat de leur champion a expiré depuis cinq ans !

Lorsqu’il s’agit de jouer devant le monde entier, une comédie politique de mauvais goût, il faut reconnaitre que notre continent n’a pas son pareil, et nos dirogeants sont d’une incroyable inventivité, d’une fertile et diabolique immagination qui, hélas apportent du crédit aux thèses des négrologues et autres réactionnaires sur l’incapacité des sociétés africaines à épouser les valeurs démocratiques. Le deuxième tour de l’élection présidentielle du 28 novembre, qui devait parachever le processus de sortie de crise, se retrouve très paradoxalement, être la cause d’une nouvelle crise dont on ne voit pas comment elle peut se dénouer par la voie démocratique. La médiation entreprise hier par l’ancien président sud africain Tabo Mbéki est un échec avant même d’avoir commencé. Que peut-il obtenir de deux présidents qui campent sur leur légimité ?

Ce qui est quelque peu rassurant dans cette affaire, c’est que l’Union africaine ne semble pas prête a entériner le fait accompli, contrairement aux forfaitures commises au Zimbabwé et au Kenya et face auxquelles elle était restée passive. Reste que, sans une réelle détermination des membres du conseil de sécurité de l’ONU et des principaux responsables de la CEDEAO, on ne voit pas très bien comment la volonté des Ivoiriens librement exprimée dans les urnes va être restaurée, si on se contente de simple condamnation de principe. Il faut stopper, au plus vite, cette logique du chaos qui est entrain de s’installer en Côte d’Ivoire

Joachim Vokouma

Lefaso.net

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