28 novembre, 2010

Une "fuite" géante de Wikileaks sur la diplomatie américaine

Reuters

PARIS/WASHINGTON (Reuters) - Cinq grands journaux mondiaux ont commencé à divulguer dimanche des documents du département d'Etat américain que leur a communiqués le site WikiLeaks, qui s'est spécialisé dans la mise au jour de documents confidentiels.

Malgré les mises en garde de l'administration américaine, et de l'Italie, qui a parlé dans la journée d'un "11 septembre diplomatique", Le Monde en France, le New York Times, le Guardian en Angleterre, El Pais en Espagne et Der Spiegel en Allemagne ont fait de premières révélations embarrassantes pour la diplomatie américaine.

Wikileaks a déclaré dans la journée que son site était victime d'une attaque informatique. Le Monde précise qu'il a pu étudier avec les autres journaux 251.287 documents diplomatiques, portant à 90% sur la période 2004-2010, dont 16.652 classés secret et 101.748 classés confidentiel.

Selon le journal français, certaines directives adressées aux ambassades montrent qu'il est demandé aux diplomates américains de se procurer les données personnelles et même l'ADN de divers diplomates et dignitaires étrangers, dirigeants de l'Onu, militants d'ONG, à des fins de renseignement.

Un mémo adressé à l'ambassade des Etats-Unis à l'Onu à New York demande que soient fournis "listes d'emails, mot de passe internet et intranet, numéros de cartes de crédit, numéros de cartes de fidélité de compagnies aériennes, horaires de travail".

Il est également demandé aux diplomates américains dans tous les mémos, selon le Monde, de fournir "toute information biographique ou biométrique" sur les collègues des pays du Conseil de sécurité, c'est-à-dire "empreintes digitales, photographies faciales, ADN et scanners de l'iris".

UN CHANGEMENT DE RÉGIME FOMENTÉ EN IRAN ?

D'autres documents montrent que des donateurs saoudiens restent les principaux financiers d'organisations radicales comme Al Qaïda, ou encore que des agents du gouvernement chinois ont mené une opération coordonnée d'attaques informatiques visant les Etats-Unis et leurs alliés.

On y lit également que le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, lors d'une rencontre avec le ministre de la Défense français Hervé Morin en février 2010, a dit penser que des frappes militaires à l'encontre de l'Iran ne feraient que retarder d'un à trois ans sa quête de l'arme atomique.

Concernant l'Iran, les télégrammes diplomatiques publiés par Monde révèlent qu'Israël fait pression sur Washington pour durcir la politique vis-à-vis de Téhéran.

"Le gouvernement décrit l'année 2010 comme une année critique. Si les Iraniens continuent de protéger et consolider leurs sites nucléaires, il sera plus difficile de les viser et les endommager", dit un document américain du 18 novembre 2009.

Des armes américaines sophistiquées capables de percer des bunkers ont donc été livrées à Israël en mai 2010, apprend-on.

Les services secrets israéliens et le chef du Mossad, Meir Dagan, exposent selon un document plusieurs options en 2007, notamment celle de fomenter un changement de régime à Téhéran "si possible avec le soutien de mouvements étudiants démocrates et de groupes ethniques, Azéris, Kurdes, Baloutches, opposés au régime en place".

La Maison blanche a aussitôt vu dans la publication de câbles diplomatiques américains classés secrets un "acte irréfléchi et dangereux" qui, selon elle, met en danger des vies et risque de porter atteinte à des pays amis.

Le Pentagone a lui aussi condamné ces publications "irréfléchies". "Le département (de la Défense) a pris une série de mesures pour empêcher que de tels incidents se reproduisent à l'avenir", a déclaré Bryan Whitman, porte-parole du Pentagone.

Le Monde a justifié la publication. "Ces documents, même illégalement transmis à Wikileaks, risquant à tout moment de tomber dans le domaine public, Le Monde a considéré qu'il relevait de sa mission d'en prendre connaissance, d'en faire une analyse journalistique et de la mettre à la disposition de ses lecteurs", dit un communiqué du journal.

Il précise que des noms ont été occultés pour protéger les personnes. D'autres publications, notamment concernant la France, sont annoncées ces prochains jours par Le Monde.

Ross Colvin et Doina Chiacu, Eric Faye et Thierry Lévêque pour le service français

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