23 novembre, 2010

Présidentielle : Jour d’élection au Burkina Faso

Les membres dudit bureau lui refusent le droit d’accomplir son devoir citoyen. Il tente une explication mais peine perdue. Furieux, il déchire sa carte d’électeur sous le regard médusé de l’assistance. Cette scène vécue en ces lieux nous donne un avant-goût des réalités que nous constaterons lors de notre tournée un peu plus tard dans les cinq (5) arrondissements de Ouagadougou.

Secteur 1, école primaire Cathédrale. Il est 8h. Devant les bureaux de vote n° 4 ; 5 et 6, on ne se bouscule pas pour le vote. Aucune file d’attente, seulement un électeur devant chaque bureau. Issa Zongo se présente au poste n°6 et présente la déclaration de perte de sa carte nationale d’identité (CNIB).

Trois heures plus tard, c’est-à-dire à onze 11h, cap sur l’arrondissement de Baskuy, dont la Commission électorale indépendante d’arrondissement est basée à la Maison des jeunes et de la culture Naaba Abga (secteur 10). Dès l’entrée, on est accueillis par deux agents de distribution des CNIB, et des cartes d’électeurs sont sur les lieux afin de permettre aux retardataires qui n’avaient pas encore retiré leur carte de se rattraper le jour J.

Malheureusement, nombreux étaient ceux qui se faisaient toujours attendre à notre passage autour de 12 heures. « Depuis ce matin, seulement 50 personnes sont passées devant ma table pour retirer leur CNIB », nous confie Hamidou Coulibaly qui, lui, en avait distribué plus que son voisin Clément Badolo : « je n’ai distribué que 20 cartes d’électeurs ». Près d’eux, le président du bureau de vote n°1, Noël Nabaloum, nous dresse son constat : 5 heures après l’ouverture des urnes, « les gens viennent au compte-gouttes.

Parmi eux, il y en a dont les cartes comportent des erreurs de noms, de date de naissance et nous en oublions. Quelques fois, les noms inscrits sur les cartes ne sont pas conformes à ceux du fichier électoral. Nous faisons appel aux responsables de la CEIA (NDLR : commission électorale indépendante d’arrondissement de Baskuy), qui arrivent à résoudre certains problèmes ». Au Bureau de vote n°10, les représentants des candidats Blaise Compaoré, Arba Diallo et Bénéwendé veillent au grain.

Le représentant du premier candidat cité, Barthelemy Zongo, n’est pas content de deux faits : le bureau de vote a ouvert avec une vingtaine de minutes de retard, et la lenteur des agents fait, selon lui, que chaque électeur met 5 à 10 minutes entre les vérifications et l’urne. Le président du bureau de vote, Mahamadi Tapsoba, s’en défend en rejetant la responsabilité du retard sur le gardien des locaux. Au sujet du temps mis par électeur, il fait remarquer que certains ne comprennent pas la procédure du vote, d’où la nécessité de la leur expliquer.

Sous le soleil au camp

Dans l’arrondissement de Boulmiougou, les premiers bureaux de vote sis au camp de l’Amitié étaient sous le soleil accablant au bord de la voie, et les agents de vote se sont abrités sous quelques arbres qui n’empêchaient pas les rayons de celui-là de les atteindre. Il n’en fallut pas plus pour mettre en colère le président du bureau de vote n°4 : « Jusqu’à hier, on nous a toujours dit que l’école du camp de l’unité qui a servi pour les élections depuis 1991 nous est accordée, et aujourd’hui on nous met au dehors sous le soleil.

Franchement on ne s’y attendait pas. Vous voyez comment les rayons solaires tapent nos crânes ? » En ces lieux, seul le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) était représenté, en la personne d’Agnès Dédoui. On pouvait constater l’absence des représentants des autres candidats à travers les chaises vides. Le maire de la capitale, émissaire du candidat Blaise Compaoré, Simon Compaoré, de passage sur le lieu, a remis à la représentante de la majorité présidentielle deux (2) bidons d’eau minérale.

Selon le bourgmestre, il fait le tour pour constater le déroulement du scrutin et servir de l’eau aux siens. « Je ne veux pas servir les agents des bureaux de vote et les autres, sinon vous (NDLR : les journalistes) direz que c’est de la corruption. Pour les représentants de l’opposition, à eux de se débrouiller. C’est le chat qui fait ses propres dépenses », a-t-il dit avant d’ironiser ainsi : « Est-ce que vous les voyez ici, eux qui veulent le pouvoir ? Ça veut tout dire ».

Le président relevé

Selon des informations à nous données sur place par le maire Simon, le président du bureau de vote n°59, au lycée le Rônier, secteur 30, aurait permis à cinq personnes de voter avec leur acte de naissance et il a été immédiatement relevé de ses fonctions par le président de la CENI, arrivé dare-dare sur les lieux, et remplacé par un de ses collaborateurs.

« Nous avons demandé qu’il soit auditionné pour savoir les mobiles de son acte. Si c’est du sabotage, qu’il réponde de ses actes », a conclu l’édile de la capitale. A entendre les responsables de la CEIA de Boulmiougou, plus de 87 000 inscrits ont été enregistrés dans l’arrondissement pour le vote ; à Bogodogo, ils sont 108 178, mais à l’école Sanyiri, les agents distributaires Maïmouna Basséré, Sandrine Sanon et Rosalie Kiemdé avaient toujours, aux environs de 14h, des tas de CNIB et de cartes d’électeurs.

Elles voulaient se rendre utiles à travers la distribution des cartes et des CNIB dans les bureaux de vote n° 1, 2, 3 et 36 alors que le minimum retiré était 8 et le maximum 16.

Le vote refusé à deux fonctionnaires

Au sein de la commune de Nongr-Maasom, alors que le président du bureau de vote n°8, Jonas B Traoré, nous a dit que les choses se déroulaient bien, sans incident, le représentant de Me Bénéwende Sankara, Rodrigue Dabiré, n’a pas été de cet avis : « Le président de la CEIA a voulu faire voter deux fonctionnaires venus de Koudougou, mais j’ai protesté, et Jonas Traoré a aussi refusé catégoriquement que ces derniers puissent voter », nous a-t-il relaté.

Le président du bureau nous confirma l’incident tout en tentant d’en minimiser la portée. A la CEIA, le président, El Hadj Kontogomdé Baba Sidiki, nous a informés que sa structure avait en charge 68 921 inscrits et 163 bureaux de vote. A propos des reproches qui lui sont faits, il a souligné qu’il ignorait que ces deux (2) fonctionnaires n’avaient pas un certificat de transfert qui leur permettait de voter après leur affectation dans la capitale. Autour de 16h à Sig-Noghin, on s’afférait déjà à remettre les prises en charge des membres du bureau de vote.

En ces lieux, les opérations de vote se déroulaient à une cadence timide. Il y avait une présence remarquable des représentants des candidats, en l’occurrence ceux de Blaise Compaoré, de Boukary Kaboré, dit le Lion, de Bénéwendé Sankara et d’Arba Diallo. L’un d’eux ne cacha pas sa déception : « Il n’y a que les femmes et les personnes âgées qui viennent voter. Où sont les jeunes pour le changement ? » s’interrogea-t-il amer. Son voisin, non loin de lui, était plutôt optimiste : « Allez et préparez-vous au second tour », nous a-t-il lancé.

A la fin de ce périple, on ne peut pas être enthousiaste, il y a beaucoup à faire pour faire bouger les lignes. Qu’à cela ne tienne, les reporters japonais qui nous ont suivis, Maya Michimaru et Takoro Shimizo, accompagnés de notre compatriote vivant en France Soumaïla Ouédraogo, ont suivi une élection présidentielle, chose qui n’existe pas chez eux.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana, Abdou Karim Sawadogo, Issa Bebané

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