19 novembre, 2010

Politique extérieure de Emile Paré


Le candidat Emile Pargui Paré s’exprime à quelques jours de l’élection présidentielle, sur les liens qu’il aura une fois élu président du Faso. Il marque sa préférence pour la Chine populaire, critique la politique d’immigration française et promet de réviser les accords avec les institutions internationales.

Sidwaya. : Dans votre programme, vous proposez une politique extérieure débarrassée de toute influence extérieure. Que voulez-vous dire ?

Emile Pargui Paré (Paré) : L’indépendance, c’est le fruit d’une longue lutte. Si vous l’avez, vous devez être libre de déterminer votre avenir politique tant au plan intérieur qu’extérieur. Nous proposons une politique extérieure débarrassée de toute influence extérieure, parce que nous constatons souvent que notre chef d’Etat actuel et d’une manière générale, beaucoup de chefs d’Etat africains, semblent agir sous les injonctions du pays colonisateur. Je prends l’organisation du cinquantenaire de l’indépendance de pays africains ; c’est le ministre Toubon qui a fait le tour de l’Afrique pour dire de faire ceci et cela.

Je prends aussi les crises un peu partout en Afrique, notamment la crise ivoirienne et cette guinéenne ; on sent l’influence de la France pour pouvoir donner une orientation au règlement de ces conflits. Pour moi, l’intervention du Burkina sur la scène nationale et internationale doit être dénuée de toute influence occidentale. Cela n’empêche pas les échanges, mais cela doit se faire dans le respect strict des règles internationales.

Sidwaya. : Cela voudrait-il dire que vous pouvez aussi vous passer du soutien extérieur ?

Paré. : Le soutien doit être des rapports d’Etat à Etat. Est-ce que les Occidentaux vont vous soutenir pour vos beaux yeux ? S’ils vous soutiennent, c’est qu’il y a quelque chose. Dans les relations internationales, les intérêts réciproques doivent être respectés. Mais si l’un des intérêts doit être dominant et l’autre dominé, cela ne va pas. Donc, si le soutien de la France est dénué de tout intérêt de domination, de tout objectif de domination, il n’y a pas de problème. Nous aussi, en tant que Burkinabè, nous avons soutenu la France. Notre peuple a lutté à la première guerre mondiale et à la deuxième guerre mondiale aux côtés du peuple français. Donc, le soutien doit être réciproque. Même si au plan financier, on nous soutient, il faut que nous aussi nous puissions les soutenir autrement.

Sidwaya. : Vous n’êtes pas d’accord avec la diplomatie extérieure du Burkina Faso. Que reprochez-vous à la diplomatie de développement de notre pays ?

Paré : Telle qu’elle est pratiquée, ce n’est même pas une diplomatie de développement. Lorsqu’ils (les responsables diplomatiques) ont lancé le principe de diplomatie de développement, ils ont voulu dire que c’était la rupture avec la Grande Chine pour aller avec la Chine/Taïwan, sous prétexte qu’ils ont besoin d’argent frais et qu’ils veulent de l’argent pour développer le pays.

Donc dans leurs relations, ils ne s’embarrassent pas d’avoir des alliances avec n’importe quel pays, pourvu que ce pays leur procure de l’argent frais. Nous sommes contre cette option. La diplomatie doit être d’abord et avant toute politique. Aujourd’hui, la Grande Chine qui siège au Conseil de sécurité, qui a un droit de veto, qui à une puissance économique intéressante ; je ne vois pas comment un pays peut rompre avec elle pour la Chine/Taïwan, parce que ce dernier donne quelques millions.

S. : Le Burkina n’a pas rompu avec la Chine de Pékin, c’est le contraire. Non ?

Paré. : Le Burkina a rompu, puisque dans les relations internationales, c’est bien connu, la Grande chine dit que la Chine/Taïwan est une de ses provinces. Je ne comprends pas pourquoi les grands pays occidentaux collaborent avec la Grande chine et nous, petit pays, nous nous permettons d’aller au travers de cela. C’est pour cela que nous disons que cette diplomatie de développement qui cherche l’argent frais, à n’importe quel prix, même l’argent du sang, l’argent sale, des problèmes sociaux d’autres pays, n’est pas bonne. La preuve est que ça n’a rien rapporté comme développement.

Moi je n’ai rien vu. C’est vrai que la Chine/Taïwan a apporté quelques investissements, mais la Chine populaire aussi peut amener les mêmes investissements. La diplomatie de développement selon moi, est une diplomatie qui met le Burkina Faso dans une situation extrêmement difficile du point de vue international. Pourquoi nous sommes quatre pays africains à travailler avec la Chine Taïwan ?

S. : Les grandes puissances travaillent avec les deux Chine. N’est-ce pas parce que le Burkina est un petit pays que Pékin a rompu les liens ?

Paré. : Nous ne disons pas de ne pas travailler avec la Chine/Taïwan. Mais, s’il faut choisir entre la Chine de Pékin et la Chine/Taïwan, nous devons choisir la Chine de Pékin, grande puissance de gauche. Blaise Compaoré et le CDP disent qu’ils font de la sociale-démocratie. Les socio-démocrates doivent avoir l’internationalisme socialiste dans leur option. Leur politique doit les amener plus vers la Chine de Mao que la Chine Taïwan. Pourquoi les autres pays africains ne veulent pas de Taïwan ? Le Ghana, le Niger, le Sénégal ont rompu, vous croyez qu’ils ne veulent pas du développement ?

S. : Peut-être que le Burkina ne veut pas simplement imiter ces pays ?

Paré. : Ce n’est pas une imitation. Je pense que quand l’exemple est bon, il faut le prendre. Aujourd’hui, c’est très insensé et incompréhensible que nous ne soyons pas en relation avec la Grande Chine. D’ailleurs au plan économique, la Grande Chine est en train d’envahir petit à petit le Burkina Faso. L’OMC et les règles internationales du commerce sont en train d’imposer de fait la Chine populaire sur le terrain burkinabè. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux régulariser cette situation ?

S. : Ainsi donc, si vous êtes élu, vous vous tournez vers la Chine de Pékin ?

Paré. : C’est très clair. Dès que je suis élu président, l’une de mes premières mesures en matière de relations internationales est que je vais tisser des relations immédiatement avec la Chine populaire. D’abord, du point de vue des principes, c’est cette Chine qui est reconnue par les Nations unies. C’est cette Chine qui est la puissance économique montante aujourd’hui. C’est de la politique. D’un point de vue de mes orientations politiques, je ne m’embarrasserai même pas des difficultés que je peux avoir avec la Chine/Taïwan. Mais si Taïwan veut aider le Burkina, c’est tant mieux. Mais nous allons être clairs et francs, nous allons soutenir la Grande Chine, parce que nous sommes des socialistes, nous sommes de la Gauche.

S. : Que dire des liens avec les autres grandes puissances ?

Paré. : Les relations traditionnelles avec Paris et Washington vont rester. Mais comme je l’ai dit, ça sera des relations réciproques. Qu’est-ce que le peuple français gagne dans des relations avec les Burkinabè ? C’est ça qui nous intéressera.

S. : Quel commentaire faîtes-vous de la politique d’immigration pratiquée en France ?

Paré. : La droite française nous a toujours montré ses insuffisances en la matière. S’il y a des problèmes sociaux en France, il faut qu’on cherche à les résoudre autrement que de vouloir des barrières sous la bannière de « notre pays est en train d’être envahi par des gens ». La France coloniale a créé des situations historiques et elle doit en assumer les conséquences. La politique de Sarkozy dans le domaine de l’immigration, est une mauvaise politique, une politique du chauvinisme nationaliste. Mais il suffira que la France ait des difficultés appel pour qu’elle à l’Afrique.

S. : Cette politique permet tout de même à l’Afrique de garder ses cerveaux et d’apprendre à gérer sa population

Paré. : Cela ne permet de rien régler. Ici, c’est une répression sociale. Ce n’est pas parce qu’ils (les Français) vont corser les conditions d’accès à Paris que les cadres africains vont rester ici. Il ne suffit pas de dire à quelqu’un de ne pas traverser la frontière. En contrepartie, qu’est-ce que la France offre aux pays africains, de façon à ce que leurs cadres restent ici ?

S. : Peut-être, c’est aux pays africains d’offrir quelque chose à leurs cadres

Paré. : Non, il faut laisser la liberté d’aller et de venir ? Je ne vois pas un intellectuel qui n’aime pas son pays. C’est une vision politique qui fait que les gens s’en vont de chez eux. Si je deviens président et que je crée un espace démocratique, un espace économique assez attrayant, vous allez voir que les Burkinabè vont revenir. Il y a beaucoup de burkinabè qui nous téléphonent depuis l’ouverture de la campagne, des Etats-Unis, de la France. Ils nous soutiennent. Les cadres ne vont pas d’eux-mêmes. Ce sont les conditions de travail, les conditions économiques des pays pauvres que la France a créées, qui font qu’il y a ces problèmes.

S. : Quel lien aurez-vous avec les institutions financières qui accompagnent notre développement ?

Dans notre programme, nous avons été clair, nous allons appeler à la révision de tous les accords avec les institutions internationales, notamment avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire.

S. : Quel point précis voudriez-vous réviser ?

E. Paré. : Nous allons réviser tout ce qui a été imposé par les institutions de Brettons Wood. Elles ont imposé des privatisations. Nous avons dit que dans notre programme, l’Etat doit être dominant dans les secteurs sociostratégiques. On voit un processus de privatisation de l’école. Nous ne sommes pas d’accord. Si l’Etat n’est pas très dominant dans ces secteurs, nous n’allons pas atteindre nos objectifs de développement. Du point de vue des ressources, on dit qu’il faut contenir la masse salariale, depuis plus de dix ans. Donc les salaires ne bougent pas. Il n’y a plus de recrutement dans la Fonction publique, alors qu’il y a une masse de fonctionnaires qui vont à la retraite. Nous allons proposer au FMI, une révision de la réforme de la Fonction publique.

.sidwaya

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