27 novembre, 2010

Poisson frais, tomates et élection: scènes de marché à Abidjan

AFP
Des partisanes de Laurent Gbagbo, le 26 novembre 2010 lors d'un meeting à Abidjan
Des partisanes de Laurent Gbagbo, le 26 novembre 2010 lors d'un meeting à Abidjan
Des partisanes de Laurent Gbagbo, le 26 novembre 2010 lors d'un meeting à Abidjan Seyllou AFP

"Gbagbo va passer, y a rien en face!", lance l'une. "Il va passer où?", rétorque une autre. Entre poisson frais et tomates, bonne humeur et coups de sang, le second tour de l'élection présidentielle de dimanche s'invite parmi les commerçantes d'un marché d'Abidjan.

Alors que la campagne électorale s'est achevée vendredi après une semaine de tensions et des violences entre partisans qui ont coûté la vie à un jeune et fait de nombreux blessés, sur le grand marché du quartier historique de Treichville elle se traduit par des joutes verbales animées.

Devant son étal de poisson frais, Odette Oyehouri, 40 ans, chante et exécute quelques pas de danse. "On va installer Gbagbo! On va installer Gbagbo!", clame-t-elle en battant la mesure avec deux baguettes en bambou de Chine.

"Y a rien en face!", tonne cette mère de six enfants, reprenant un slogan fétiche du président-candidat Laurent Gbagbo, sous le regard approbateur de ses voisines.

Mais sa prestation est soudainement interrompue par "maman Gbané", qui traverse la route séparant son étal d'ignames du coin d'Odette.

"C'est lion qui est en face!", réplique-t-elle d'une voix rauque en arrivant sous le hangar d'un pas pesant.

Dans un pays coupé depuis le putsch raté de 2002 en un sud loyaliste et un nord contrôlé par une rébellion, et avant un scrutin entre le sudiste Laurent Gbagbo et le nordiste Alassane Ouattara, on s'essaie à la géopolitique culinaire.

Lundi, au lendemain du vote, "je vais préparer de la sauce +Kôpê+ avec du +kabato+ et venir te donner ça", lance maman Gbané, originaire du nord-est, où ce plat à base de maïs est particulièrement prisé.

Ce sera sa manière de célébrer "la victoire" de son champion, l'ex-Premier ministre Ouattara, explique-t-elle.

Mais Odette lui promet un plat typique de ce sud dont elle est originaire comme son héros: "c'est plutôt moi qui vais préparer de la sauce graine avec du riz pour te les envoyer le lundi!".

Leurs voisines qui suivent la scène éclatent de rire.

Les duettistes se lancent quelques piques amicales, puis affirment ne pas faire "comme les autres", ceux qui s'adonnent aux bagarres.

"On ne fait pas de palabres ici, on chante, on danse ensemble", assure maman Gbané, mère de trois enfants. Odette approuve d'un hochement de tête.

Mais à une centaine de mètres d'elles, en plein coeur de ce vaste marché, l'ambiance est plus électrique.

Assise derrière une table où elle a disposé par petits tas des tomates, des mangues et des papayes, Marthe Tié Lou, 42 ans, reproche à une commerçante d'en face, "une Malienne", de se mêler de politique ivoirienne. Elle l'accuse de les "provoquer", elle et ses amies, depuis le matin.

"La Côte d'Ivoire est devenue une poubelle, n'importe qui met sa +bouche+ dans (se mêle de) notre affaire!", attaque cette mère de six enfants.

"Si demain il y a la guerre, ce ne sont pas les hommes politiques qui seront victimes, c'est encore nous les pauvres", assène-t-elle.

La place des étrangers, en particulier des nombreux ressortissants des pays voisins, est un sujet éminemment sensible en Côte d'Ivoire.

Apparemment choquée par le réquisitoire de Marthe, une cliente, après avoir hésité, reprend son chemin sans faire d'achat.

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