24 novembre, 2010

Burkina Faso : Ces observateurs qui ne voient jamais rien

Le titre vous semble, sinon outrancier, du moins très osé ? Tenez ! Le 21 novembre 2010, sur le coup de 11 heures, une escouade d’observateurs internationaux fait irruption dans les locaux d’un quotidien de la place. Pour y signaler des dysfonctionnements ou irrégularités majeurs déjà constatés au cours du scrutin ? Vous n’y êtes pas.

Nos surveillants électoraux étaient là, déjà là, pour annoncer la tenue, le lendemain, d’une conférence de presse sur le déroulement du vote. Vote déjà qualifié d’exemplaire. « En matière d’élection, votre pays a des leçons à donner à bien d’autres », s’est en effet réjoui le chef d’équipe, badge ostentatoire, costume trois pièces et cravate à l’avenant. Avant de s’éprendre, à coup de dithyrambes, du Burkina qu’il visite chaque fois que l’occasion lui permet. Il n’était que 11 heures. Franchement, dites-nous, n’était-il pas prématuré, donc hasardeux, cinq bonnes heures seulement après l’ouverture du scrutin, de crier à une élection réussie ? Loin de nous l’intention de pisser du vinaigre sur les missions d’observation dont l’importance n’est plus à démontrer. Mais concernant celles qui étaient présentes sur notre sol ce dimanche-là, à les suivre à la télé, à les entendre à la radio, ou à les lire dans les journaux, on se demande si ces touristes électoraux, qui butinent d’un scrutin à l’autre, parlent vraiment de la présidentielle du 21 novembre dernier. Non pas que leurs rapports soient faux, mais parce qu’ils sont tronqués.

Morceaux choisis des déclarations faites lors des conférences de presse organisées par les docteurs ès supervision d’élection : « La mission n’a pas observé d’irrégularités majeures susceptibles d’entacher la liberté, la crédibilité et la transparence de l’élection du 21 novembre 2010 au Burkina Faso », a déclaré le chef de la mission d’observation de la CEDEAO, Koffi Sama, ancien Premier ministre du Togo.

Sur ce point, RAS. Mais lorsque par la suite, l’ancien numéro 1 du gouvernement togolais affirme avoir constaté « une bonne maîtrise des procédures de vote par les agents électoraux et un bon déroulement du vote conformément aux normes en vigueur… », on ne peut qu’écarquiller les yeux de stupeur.

Du côté de la coordination des observateurs internationaux africains (COIA), à quelques nuances près c’est du pareil au même : « La COIA a relevé quelques légères insuffisances n’ayant aucun impact sur le bon déroulement des opérations de vote et qui ne sauraient remettre en cause la crédibilité du scrutin ».

Exceptée la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), qui a émis des réserves sur l’organisation du scrutin, le reste des observateurs a exhibé des deux mains un blanc-seing à l’ensemble des acteurs du processus électoral.

Et pourtant ! De mémoire d’électeurs burkinabé, en termes d’organisation, cette 12e consultation fut la plus calamiteuse de l’histoire politique de la quatrième République.

En amont du processus, il y a eu cette effarante désaffection des citoyens pour un vote qu’ils ont jugé plié d’avance. Un désintérêt qui est aussi symptomatique du dégoût face à une nouvelle génération de politicards, dont l’appétence maladive pour l’intérêt privé a fini par abâtardir la politique en tant qu’art de privilégier l’intérêt général. Résultat de ce premier état de fait, un fichier électoral désespérément squelettique.

A cela s’ajoute le cafouillage constaté dans l’établissement puis dans la distribution, jusqu’au jour du scrutin, de la carte d’électeur. Sans compter les difficultés rencontrées par l’ONI (dont la machine a pourtant tourné à plein régime, il faut le reconnaître) dans sa mission titanesque de délivrance massive de la Carte nationale d’identité burkinabé. Au bout du compte de cette belle pagaille, des milliers d’inscrits privés de leur droit de vote.

Pour un pays qui se targue d’exporter son expertise électorale, pareilles monstruosités organisationnelles procèdent avant tout d’un manque de volonté politique. On ne se donne ni les moyens ni le temps nécessaires à la préparation des élections. Le président de la CENI, Moussa Michel Tapsoba, n’a-t-il pas en effet justifié, au cours de la nuit électorale sur le plateau de la TNB, ses misères par le retard mis par l’Assemblée nationale dans la relecture du code électoral ?

On l’aura tous constaté, pour ce vote, une seule préoccupation a fait bouger, par monts et par vaux, le Tout-Etat : garnir le maximum possible la liste électorale. Tel un objectif de production industrielle. Le reste, c’est « on verra ». Effectivement, on l’a vu. Sauf les observateurs.

Par Alain Saint Robespierre

© L’observateur Paalga

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire