28 octobre, 2010

Sans Kirchner, l'Argentine pourrait changer de ton avec ses créanciers

WASHINGTON — Le décès inattendu de l'ancien président argentin Nestor Kirchner pourrait amener des changements dans l'attitude de Buenos Aires vis-à-vis de ses créanciers, sur lesquels pariaient déjà jeudi les investisseurs en achetant de la dette du pays.

M. Kirchner, terrassé mercredi par une crise cardiaque à 60 ans, restera dans les mémoires des Argentins comme l'homme qui a bouté hors du pays le Fonds monétaire international, qu'ils haïssaient, et fait passer son peuple avant les banquiers étrangers.

Elu en avril 2003, il avait hérité d'un Etat discrédité chez les prêteurs internationaux après un défaut de paiement sur plus de 100 milliards de dollars de dette.

Il allait adopter à leur égard une ligne dure. Son choix fut de rompre avec le FMI, qui servait d'après lui uniquement les intérêts de la finance étrangère: il le remboursa le plus vite possible pour se libérer de ses recommandations, et réussit à signer un accord de renégociation de la dette en 2005. Certains créanciers l'ont signé, d'autres ont refusé.

Depuis, au prix de relations tendues avec eux, Buenos Aires a libéré sa croissance.

"Ils ont eu tort, et Kirchner raison", juge Mark Weisbrot, chercheur au Center for Economy and Policy Research, un cercle de réflexion altermondialiste de Washington. Mais, admet-il, "ces efforts ne l'ont pas de manière générale rendu très populaire à Washington, ni dans les milieux d'affaires internationaux".

Les investisseurs ont pris sa disparition comme une bonne nouvelle.

Jeudi, non seulement la Bourse de Buenos Aires (fermée la veille), mais aussi la valeur des titres de dette publique argentins, étaient en hausse. Celle de contrats d'assurance sur un nouveau défaut de paiement argentin était en baisse.

"Les marchés ont réagi positivement parce que Nestor Kirchner incarnait l'intransigeance (...) Il existe la possibilité d'un changement de politique, plus conciliante avec les marchés", explique à l'AFP Alberto Ramos, analyste de Goldman Sachs spécialiste de l'Amérique latine.

Des élections générales sont prévues en octobre 2011, et les financiers pariaient jusqu'ici sur un retour au pouvoir de M. Kirchner, auquel sa femme Cristina aurait passé la main après quatre ans de présidence. Sans lui, ces élections paraissent beaucoup plus incertaines.

Les créanciers, qui demandent encore le remboursement de la dette argentine contractée avant 2001, posent comme condition que le pays renoue avec le FMI. Cela reste improbable à court terme, malgré la main tendue par le directeur général de l'institution Dominique Strauss-Kahn.

Celui-ci avait profité de la conjonction du début de son mandat et de celui de Cristina Kirchner en 2007 pour se rendre à Buenos Aires. Mais depuis, le gouvernement argentin est resté opposé à la venue d'une mission d'évaluation économique du Fonds, une particularité au sein du G20.

Le ton sarcastique de la classe politique vis-à-vis d'une "institution qui a prouvé son absolue inefficacité", selon les mots du ministre des Affaires étrangères Hector Timerman, flatte une opinion publique encore traumatisée par le chaos économique et social de 2001.

Mais des économistes ont suggéré que l'Argentine pourrait ne pas tourner éternellement le dos au reste du monde. Son inflation (10,6% prévus par le FMI pour 2010, 20 à 25% en réalité selon certains économistes) fait actuellement beaucoup de tort à sa compétitivité.

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