13 octobre, 2010

«La mobilisation des lycéens illustre d'abord leur anxiété»


INTERVIEW - Spécialiste de la politisation des jeunes, Anne Muxel estime que l'entrée des lycéens dans la bataille des retraites traduit avant tout leur inquiétude quant à leur avenir.

Comment interpréter l'entrée des lycéens dans la mobilisation contre la réforme des retraites ?

Photo DR.

Il faut d'abord se demander si les jeunes scolarisés entrent dans la mobilisation contre la réforme des retraites, ou s'ils entrent dans un cycle - plus ancien - de mécontentement, et de contestation générale à l'égard du pouvoir. Alors qu'ils sont déjà très inquiets quant à leur entrée sur le marché du travail, ils constatent qu'ils devront aussi le quitter plus tard. Ils se retrouvent en quelque sorte pris en porte-à-faux entre ces deux difficultés majeures, et les retraites peuvent donc constituer ici un point d'inquiétude supplémentaire. Mais cette nouvelle mobilisation des lycéens illustre, plus généralement, leur anxiété pour leur avenir. Avec le Japon, nous sommes l'un des pays où les jeunes sont les plus pessimistes.

Le gouvernement a-t-il raison d'évoquer une manipulation des jeunes par les organisations de gauche ?

Cela me semble exagéré, dans la mesure où l'on voit sur le terrain que les actions lycéennes s'organisent la plupart du temps de manière très spontanée et assez peu organisée. On a toujours dit que les lycéens faisaient grève pour ne pas aller en cours, mais les enfants acquièrent très tôt des repères politiques, notamment dans leur environnement familial. Ils observent souvent les inquiétudes de leurs parents. Pour eux, les manifestations se sont banalisées au rang des outils de contestation, un peu au même titre que l'abstention électorale. Plutôt que de qualifier les jeunes manifestants d'irresponsables et de manipulés, il serait donc peut-être plus habile de dire que l'on entend leurs inquiétudes.

Les jeunes peuvent-ils constituer une clé dans le mouvement social contre la réforme des retraites ?

C'est peut-être, là aussi, exagéré. Mais il est certain que les jeunes constituent une force non-négligeable dans la rue, notamment par leur disponibilité et leur enthousiasme à protester. Il y a une autre certitude, c'est que les jeunes ont toujours fait plus peur que les salariés aux gouvernements, de droite comme de gauche. La majorité n'a donc pas vraiment intérêt à minimiser la mobilisation lycéenne qui est en train de naître.

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