21 octobre, 2010

FAIT DIVERS ITALIE - Le pèlerinage de l'horreur

De notre correspondant à Rome, Dominique Dunglas

ITALIE - Le pèlerinage de l'horreur

Sabrina Missari est soupçonnée d'avoir tué sa cousine Sarah Scazzi (à droite)

Le visage angélique de Sarah, la froide détermination de Sabrina, l'énigme de Michele - assassin pédophile ou victime expiatoire d'un gynécée familial ? - sont les ingrédients d'un fait divers qui passionne et divise l'Italie. La péninsule vit son "affaire Grégory". Des milliers de curieux, parfois venus de centaines de kilomètres, défilent chaque jour devant la maison du crime dans un pèlerinage de l'horreur au point de nécessiter l'intervention de la protection civile.

Quinze ans, blonde comme les blés, vivant dans une famille modeste à Avetrana, petit village des Pouilles, Sarah Scazzi disparaît le 26 août dernier alors qu'elle se rend à pied au proche domicile de sa cousine et meilleure amie, Sabrina, âgée de 22 ans. Fugue d'amour ? Enlèvement par un homme rencontré via Internet ? Crime mafieux ? En ce mois d'août un peu creux, la presse se passionne immédiatement pour l'affaire. D'autant plus que toute la famille Scazzi, enivrée par cette soudaine notoriété, participe au déchaînement médiatique autour de la disparition de l'adolescente.


Le 7 octobre, Concetta Scazzi, la mère de Sarah, est sur le plateau de Chi l'ha visto ("Perdu de vue"), une émission de grande audience qui recherche les personnes disparues. Pendant la retransmission en direct, une dépêche d'agence tombe : Michele Misseri, oncle de Sarah et beau-frère de Concetta, a avoué le meurtre de la jeune fille. Il a violé son cadavre avant de le jeter dans un puits. Concetta apprend la mort de sa fille devant les caméras. Cinq millions d'Italiens assistent à la scène. Aucune télé-réalité n'a jamais osé aller aussi loin...

Une perverse relation père-fille


Cinquante-sept ans, un visage frustre buriné par le travail de la terre, des yeux incroyablement bleus, Michele Misseri devient le symbole du mal. On se penche sur son passé de croquemort en Allemagne pour expliquer sa nécrophilie. Sans doute lui même a-t-il été victime d'abus sexuels alors qu'il était enfant.

Mais alors que le dossier semblait bouclé, la police continue l'enquête car plusieurs invraisemblances entachent les aveux de Michele. Et le 15 octobre, l'accusé change de version : c'est sa fille Sabrina qui a conduit Sarah dans le garage où le crime s'est produit. Elle voulait "punir" sa cousine qui avait les faveurs d'Ivan, un garçon du village dont elle était également amoureuse. Sabrina aurait physiquement participé à l'assassinat en immobilisant Sarah. Sabrina est alors le centre de l'attention. On découvre que cette jeune femme, grande fan des reality shows et qui rêvait de devenir esthéticienne, a un caractère tyrannique. Régissant tout dans la maison et occupant trois pièces, elle contraignait son père à dormir sur un lit de camp. Jusqu'où allait cette perverse relation père-fille ? Michele s'est-il accusé d'un crime pour sauver sa fille ?

Incarcérée, Sabrina crie son innocence. Mais de nouveaux éléments changent chaque jour le puzzle de la mort de Sarah. Le viol n'est plus certain et il ne pourra pas être prouvé car le cadavre est resté trop longtemps immergé dans le puits. Cosima, la mère de Sabrina, elle aussi sous l'influence de sa fille, a menti aux enquêteurs. Michele pourrait avoir fait la sieste à l'heure où le crime a été perpétré. Enfin, Sarah n'a peut-être pas été assassinée dans le garage mais dans la villa. La passion autour de ce fait divers n'est pas près de s'éteindre.lepoint

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