20 septembre, 2010

POINT DE VUE PRESIDENTIELLE 2010 ON VEUT TOUT FAIRE, ET PEUT-ETRE TROP, POUR AUGMENTER LE TAUX DE PARTICIPATION


Il ne fait pas de doute que Blaise Compaoré remportera haut la main son élection présidentielle. Il ne fait pas de doute non plus que sa victoire aura le goût amer des victoires remportées sans panache.

L’opposition, quels que soient les efforts déployés pour lui donner de l’enveloppe, peine à se convaincre elle-même de sa capacité à faire bonne figure. On aurait pensé que l’insistance du pouvoir à tenir coûte que coûte ce scrutin cachait une trouvaille devant lui permettre de sauver l’honneur en rehaussant notablement le taux de participation. C’est ce sentiment qui nous a habité lorsqu’en conseil des ministres du 04 août, il a été examiné et adopté « un rapport est relatif à l’examen et à l’adoption d’un décret portant autorisation et conditions de récupération des données informatiques auprès du ministère des Affaires étrangères et de la coopération régionale et de l’Office national d’identification par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ». Comme il était par ailleurs précisé que « Le présent décret pris en application des dispositions du code électoral vise la mise à jour du fichier
électoral national par la CENI. L’adoption du présent décret permet l’établissement d’un fichier électoral national fiable », des gens ont pensé qu’à la suite de ce conseil, puisqu’il était justement annoncé une rencontre du premier Ministre avec les partis politiques le 09 août, il y aurait des décisions capitales : report du scrutin, décision de finalement faire voter les Burkinabé de l’extérieur pour avoir un fichier plus conséquent, etc. Mais finalement, on n’a rien vu venir en ce sens. Ce qu’on voit plutôt venir et qui provoque déjà des vagues, c’est la mise de côté de fait du croisement entre les données de l’ONI et de la CENI pour permettre, sur instruction et canalisation de l’Administration, autant dire du pouvoir, d’opérer des réajustements.

Le danger, c’est qu’avec l’argent du contribuable, on va tout faire pour distribuer via l’Administration, ces CNIB qui bien sûr, iront prioritairement aux personnes supposées être du bon camp. On n’a pas interpellé les partis dans les meilleures formes pour qu’ils aident à régler la question de ces 50 % de CNIB non distribuées. On a mis entre les mains de l’Administration partisane, un moyen de pression sur les citoyens. Dieu seul sait combien les populations rurales, aujourd’hui encore, sont mal à l’aise et ont même peur de l’Administration. Il n’en manque pas encore aujourd’hui qui tremblent, comme à l’époque du commandant colonial, quand on dit que c’est le Préfet qui les convoque.

Autre danger : il y aura une émulation entre les autorités locales pour faire du chiffre, bonjour les méthodes politiciennes. Sans compter qu’on dira aux villageois que si on leur donne les CNIB, c’et bel et bien pour aller récupérer les cartes d’électeurs car il faut aller voter (et dans un sens bien précis), que c’est un acte patriotique. Le villageois pensera, contrairement à la constitution, que s’il ne vote pas, il fait du tort à la Nation.

En tout cas, les propos de Moussa Michel Tapsoba sur ces CNIB ont de quoi hérisser le poil : « S’il était permis à la CENI de faire une suggestion, nous aurions proposé que tous ceux qui disposent de moyens de par leur position, prennent chacun en charge un certain nombre de CNIB afin de soulager les populations notamment rurales qui sont durement éprouvées par la saison hivernale. Une telle manifestation de solidarité sera, j’en suis convaincu, appréciée à sa juste valeur par les bénéficiaires » (in Sidwaya du 15-09-2010). En invitant les gens riches à faire montre de solidarité, il indique déjà dans quel sens se feront les mobilisations les plus fortes puisque c’est le pouvoir qui a l’argent, qui a les opérateurs économiques qui sont riches… En disant que les bénéficiaires sauront apprécier la mesure, il induit l’achat de vote quand on sait que selon l’adage bien de chez nous, la bouche qui a mangé ne peut parler. On a l’impression qu’on est en train de privatiser un secteur capital de la vie qui n’aurait jamais dû l’être !

Pour finir, un point se révèle des plus importants : c’est celui de connaître clairement le nombre de personnes inscrites avec les documents légaux pour voter et le nombre des personnes inscrites avec des pièces qui ne seront plus de mise en novembre. Le journal San Finna avait justement, lors d’une conférence de presse de la CENI le 24 avril dernier, posé une question sur le nombre de personnes inscrites d’une part, avec la CNIB, passeport et carte militaire, et d’autre part, avec les actes de naissance ou les jugements supplétifs d’acte de naissance. Sans réponse, la CENI estimant pas prête pour le moment, qu’elle attendait le rapatriement des données par les provinces. Ce qui est bizarre, c’est qu’on continue toujours dans le flou : le Sidwaya du 17 septembre, sur le point des CNIB (628.080 cartes établies depuis 2007 dans les Hauts Bassins) a repris les propos du gouverneur Temai Pascal Benon : « les hauts-commissaires desdites provinces ont expliqué, chacun en ce qui le concerne, que bon nombre de cartes ont été déjà distribuées à leurs propriétaires et que d’autres sont en instance de l’être ». Ce qu’on aurait aimé savoir, et qu’on n’a pas su, c’était combien ont été effectivement distribuées et quelle en était la répartition par document d’identification.

Mais dans tout cela, souvenons-nous que le 14 avril dernier, lors du débat sur le recensement électoral à la TNB, Emile Paré du MPS/PF dira (et Mr Diéné du MATD et Moussa Michel Tapsoba de la CENI, ne l’ont pas démenti) que le fichier est un fichier à problème car 90 % des inscrits le sont avec des cartes de famille. Ca ferait donc environ 3.000.000 de citoyens sur les 3.330.000 inscrits ! Après la présidentielle, il y aura vraiment de la matière à refonder !

Bertin Sandwidi

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