22 septembre, 2010

Hors-La-Loi : le film vaut-il un procès ?


C'est un fait : le nouveau film de Rachid Bouchareb cause des remous, et ce, depuis sa présentation au dernier Festival de Cannes. Entre accusations de révisionnisme et plagiat, Hors-La-Loi porterait lutot bien son titre…

Alors, oui, Hors-La-Loi est tout sauf un film innocent. Il creuse le sillon entamé par Indigènes et en laboure bien d'autres. Il plaide pour la paix tout en parlant de guerre. Il tente de panser les plaies en ouvrant les cicatrices d'un passé douloureux. Enrobé dans une fiction filmée avec doigté, il s'attache à raconter la grande histoire en en collant de petites bout à bout. Celles de trois frangins. Le plus jeune, sanguin, est un excité rêvant d'argent, de reconnaissance. Le second, travaillant de l'intellect se montre plus réservé, presque froid. Il se révèle prêt à tout pour défendre la cause embrassée, celle du FLN. L'aîné est soldat, parti en Indochine, revenu en se jurant de ne plus jamais tuer.

Le premier monte une boîte à Pigalle, fume le cigare ; l'autre prend la tête de la révolution à Paris, supervise, organise, prépare les actions ; le dernier n'est autre que son bras armé, son sauveur. Le cinéaste suit leurs parcours cabossés, ausculte leurs doutes, leurs choix, leurs engagements divers, leurs faiblesses. Sans jamais perdre de vue que c'est avant tout du cinéma.

Jamel Debbouze fumant, avec les yeux rivés sur sa seule réussite en tant qu'entraîneur de boxe ; Sami Bouajila set inquiétant, dément en grand manitou de la lutte ; Roschdy Zem, dérangeant, chahuté en tueur peu à peu habité par ses remords. Pas un ne fait de l'ombre à l'autre. Tous marchent dans la même direction mus par une force de persuasion sans faille. Comme leur réalisateur, ils ont muri dans tous les sens du terme depuis qu'ils ont libéré la France en 2006. Sans oublier Bernard Blancan, peinture à lui seul d'un pays tiraillé entre l'envie de garder ses possessions par la force et le fait de savoir que l'indépendance est inévitable.

Oui. Rachid Bouchareb se permet certaines pirouettes avec la vérité, ne dit pas tout sur la complexité de cette période. Il est cinéaste, pas historien. L'important est qu'il ne trahisse personne, ne maquille son propos dans aucun manichéisme éhonté. Il nous montre des ghettos aux portes de la capitale, agite sans cesse le spectre des intolérances. Tout en remuant la boue, en déterrant les cadavres, il évite toute envie de prôner la vengeance, la haine. L'aveuglement des deux camps apparait dans toute son horreur, mais aussi dans toute son humanité.

Le cinéma a son mot à dire : il peut contribuer à ouvrir les yeux, en racontant avec ses artifices, ses armes, les aberrations de la politique, du jusqu'au boutisme, de l'acharnement au nom de l'idéologie, de soif de pouvoir. Hors-la-Loi est une très belle réponse aux détracteurs de tous calibres, aux nostalgiques de la prédominance du blanc sur les autres.

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