31 août, 2010

L’UMP a-t-elle le droit de payer les dettes de Jacques Chirac ?

Le 30 août, la Ville de Paris diffuse un "document de synthèse" à propos du "dossier des emplois fictifs" et de ce qu’elle appelle "les « affaires » héritées du système RPR". A propos de l’accord envisagé avec Jacques Chirac et l’UMP, la mairie affirme notamment : "exiger de la Ville qu’elle remplisse le rôle du Parquet qui doit agir au nom de la société, c’est commettre une grave confusion, y compris d’un point de vue démocratique". En clair, l’action pénale de la mairie s’arrêtera avec cette transaction. La déclaration bétonne ensuite : "la perspective de voir l’UMP participer à ce remboursement n’a rien de contestable. Sur le fond, il faut rappeler que la chambre de l’instruction de Versailles évoque bien « des financements illicites au profit d’une famille politique » alors que dans son ordonnance de renvoi, Madame Xavière Simeoni (la juge qui a instruit ce dossier) a estimé que les faits devaient « servir ses propres intérêts ou ceux de son propre parti ». Il est donc parfaitement logique que l’ex RPR, devenu UMP en 2002, participe à la réparation des préjudices subis par les Parisiens". La Ville de Paris rappelle aussi que "c’est d’ailleurs ce qui s’est également vérifié dans « l’affaire Juppé », l’UMP remboursant alors 900 000 euros à la collectivité parisienne. A l’époque, au Conseil de Paris, en avril 2005, tous les élus, à commencer par les Verts, avaient approuvé ce principe...". On peut, cependant, penser que l’UMP en tant que parti et personne morale assume avec une grande facilité des responsabilités dont il serait a priori essentiel d’établir dans la transparence celles qui incombent vraiment au parti politique et celles qui sont imputables à des personnes ou à des groupes restreints. Et un parti politique qui assumerait officiellement de telles responsabilités, pourrait-il valablement ne pas être sanctionné par l’Etat ?
Nous ne sommes pas des avocats, mais une question nous vient d’emblée à l’esprit : les instances de l’UMP ou du RPR ont-elles jamais donné le feu vert à une quelconque politique d’emplois fictifs ? Si tel n’est pas le cas, et si les dysfonctionnements éventuels sont le fait de quelques personnes sans aucun mandat susceptible d’être mis en cause à ce titre, où est la responsabilité de l’UMP en tant que parti ?

Et quels sont exactement les liens juridiques entre le RPR et l’UMP, qui apparaissent a priori comme deux entités différentes alors que les faits incriminés datent de la période du RPR ? Pour rappel, Betrand Delanoë a été élu maire de Paris en 2001, alors que la création de l’UMP n’a eu lieu que l’année suivante.

Sur quelle base l’UMP accepte-t-elle de payer ?

Si la responsabilité juridique de l’UMP en tant que personne morale n’apparaît pas de manière claire, l’UMP a-t-elle le droit de s’auto-constituer responsable à hauteur de plus d’un million et demi d’euros ? La Ville de Paris et l’UMP voudront bien nous pardonner, et nous éclairer, si nous restons quelque peu dubitatifs. Sans doute, nous ne sommes pas les seuls.

Pire : devant une telle situation, les "petits citoyens" dont nous sommes peuvent penser que c’est un peu trop facile. Les apparences, qui ne sont pas sans importance y compris sur le plan institutionnel et juridique, risquent de porter à croire que le fait de se savoir soutenu par les coupoles de son parti "si jamais ça tourne mal" ne peut qu’encourager des pratiques contestables. Sauf qu’un parti politique n’est pas "ses coupoles" mais une entité régie par des statuts et avec des instances régulièrement constituées et censées délibérer dans la transparence.

Les instances du RPR ont-elles jamais été régulièrement saisies ou consultées à quelque titre que ce soit, à propos des décisions internes à la Ville de Paris qui ont comporté le soupçon d’une pratique d’emplois fictifs ? En toute logique, tel n’est pas censé avoir été le cas. Il paraît naturel d’estimer qu’il appartenait à la Ville de Paris de contrôler la réalité des prestations professionnelles des personnes rémunérées par la mairie à quelque titre que ce soit.

La question de l’efficacité du contrôle de la gestion de la Ville de Paris par les élus de toutes tendances politiques nous semble pouvoir se poser. Si carence il y a eu dans ce domaine, sauf preuve du contraire les responsabilités ne sauraient être que personnelles car dépassant le mandat des élus. Avons-nous tort ?

Les statuts de l’UMP

Si la responsabilité juridique de l’UMP dans cette affaire n’est pas clairement établie, à quel titre pourrait-elle avoir le droit de payer une partie de la dette ? La déclaration de la Ville de Paris ne cite aucune mise en cause judiciaire explicite de l’UMP en tant que personne morale.

Pour rappel, les missions de l’UMP définies par ses statuts (article 2) sont les suivantes :

http://www.lemouvementpopulaire.fr/Shared/Documents/Les-statuts.pdf

L’Union a pour objet de concourir à l’expression du suffrage universel dans le respect des valeurs de la République, Liberté, Egalité, Fraternité, des principes fondamentaux consacrés par la Constitution, de l’unité de la République et de l’indépendance de la Nation.

Elle entend promouvoir, au service de la France et des Français, la liberté de conscience et la dignité de la personne, la diffusion de la culture et de l’instruction, le développement de la libre entreprise, l’Etat de droit, la justice sociale, le dialogue social, les droits, devoirs et solidarités fondamentales, l’égalité des chances, la sécurité des personnes et des biens, la protection de la nature et de l’environnement, la responsabilité individuelle, l’épanouissement de la famille, l’autorité de l’Etat, la libre administration des collectivités locales.

Elle agit pour le rayonnement de la France dans le monde, pour la pérennité de la nation française, de son identité et de sa culture, pour le développement de la francophonie, pour la construction d’une Europe libre et démocratique et pour le progrès de la démocratie dans le monde.

L’Union rassemble tous les Françaises et les Français qui partagent ces objectifs. Elle garantit la libre expression des sensibilités politiques qui la composent. Elle veille au respect du principe de parité entre les femmes et les hommes dans la vie du parti et l’accès aux responsabilités électives.

(fin de l’article 2 des statuts de l’UMP)
Nous sommes peut-être peu doués, mais nous n’avons trouvé dans cette définition statutaire des missions de l’UMP aucune clause qui habiliterait ce parti à voler au secours de l’un de ses anciens "chefs" dans une affaire d’emplois fictifs. Les considérations électoralistes ou basées sur l’image du parti ne nous apparaissent pas recevables, ou nous n’y comprenons rien.

Conclusion

Nous restons perplexes. Et que penser d’un éventuel retrait total de l’action pénale de la Ville de Paris ? On peut, hélas, craindre qu’elle ne revienne à cautionner la logique "si ça tourne mal, je rembourse". Déjà, l’image internationale du monde politique français n’est pas très brillante...

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