Le
prix du baril de pétrole flirte avec les 80 dollars. Une situation qui
pourrait perturber les économies des pays de l'OPEP, où le pétrole et
les ressources fossiles représentent 90% des exportations. Et dans une
économie globalisée, ces perturbations peuvent potentiellement générer
un écho mondial.
Le prix du baril de pétrole flirte avec les 80 dollars. Crédit Reuters |
Atlantico : Le cours du pétrole n'en finit pas de baisser. Si les consommateurs ne vont pas s'en plaindre, il n'en va pas de même pour les producteurs. Quels sont les pays qui, à cause de leur forte dépendance vis-à-vis de leurs exportations, en pâtissent le plus ?
Jean-Pierre Favennec : Tous
les pays de l'OPEP (Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweït, Emirats Arabes
Unis, Qatar, Venezuela, Equateur, Algérie, Libye, Nigeria, Angola)
dépendent très largement du pétrole (et du gaz pour le Qatar, l'Algérie
et le Nigeria) pour leurs recettes.
Pétrole et gaz représentent plus de 90 % des exportations. Et la situation de la Russie n'est pas très différente.
Un critère clé est le prix du baril
nécessaire à chaque pays pour équilibrer son budget. Il est voisin de,
voire supérieur à $ 100 par baril pour la plupart des pays, sauf dans
les pays avec une faible population (Koweït, Qatar, Emirats). Mais
si la plupart des pays ont désormais besoin d'un prix élevé pour faire
face aux contraintes budgétaires, certains pays comme les Etats du Golfe
ou l'Algérie ont pu accumuler au cours des années 2000 et en
particulier de 2010 à 2013 des réserves financières importantes, qui
pourraient leur permettre de faire face à une baisse des prix de
quelques mois, alors que la situation sera immédiatement plus difficile
pour des pays comme l'Iran ou le Venezuela. La production
Iranienne - et les exportations - ont baissé à cause des sanctions. La
production Vénézuélienne est stagnante du fait du manque
d'investissements. L'argent du pétrole va au budget de l'Etat, pas au
développement de la production.
Quelles sont les raisons de cette contraction, et celle-ci devrait-elle durer ?
La baisse du prix du pétrole est directement
liée d’une part au ralentissement de l’économie mondiale, qui se
traduit par une plus faible augmentation que prévue de la demande de
pétrole, et d’autre part à la très forte augmentation de la production
de pétrole de schistes aux Etats-Unis. Les Etats-Unis sont désormais le
plus important producteur de pétrole dans le monde (plus de 11 millions
de barils par jour contre un peu plus de 10 pour la Russie et entre 9 et
10 pour l’Arabie Saoudite).
Certains considèrent qu’une baisse
des prix en dessous de 60 ou 70 dollars par baril affecterait et
réduirait significativement la production de pétrole de schistes qui est
"chère". Cependant un prix bas n’affectera que marginalement
cette production car si les coûts sont élevés, une bonne part des coûts
consiste en frais fixes qu’il faut payer quelque soit le prix du brut.
En outre les progrès technologiques sont constants et font baisser le
coût de production. L’impact sera limité.
A terme il est cependant clair que cette
baisse des prix va contribuer à geler les projets de développement de
nombre de nouveaux gisements (sables asphaltiques au Canada par
exemple). Assez rapidement le marché va se tendre et les prix remonteront.
A partir de quel seuil les finances de pays producteurs comme la Russie, l'Iran ou l'Arabie saoudite seront-elles particulièrement touchées, et avec quelles conséquences au plan interne ?
Comme déjà indiqué, ces pays ont besoin d’un
prix voisin de $ 100 par baril pour équilibrer leur budget. Mais il est
probable que l’Iran surtout, la Russie sans doute souffrent très vite
d’une baisse des prix alors que l’Arabie Saoudite dispose de réserves
financières qui lui permettent de faire face pendant plusieurs mois à
cette baisse
Cela fait six mois que les prix baissent.
Si la contraction des prix du pétrole persiste pendant plusieurs années, quelles pourraient être les répercussions au niveau géopolitique ? Des régions entières pourraient-elles être déstabilisées, et de quelle manière ?
Il est peu probable que la baisse des prix
dure plusieurs années. Seule une baisse massive de la demande de
pétrole, conséquence par exemple de la mise en place de politiques très
restrictives d’utilisation des énergies fossiles, pourrait créer les
conditions d’une baisse massive et durable. C’est très peu probable.
Cependant une poursuite pendant
plusieurs mois de la baisse actuelle pourrait déstabiliser les pays
producteurs les plus peuplés qui parfois achètent la paix sociale grâce à
l’argent du pétrole
atlantico.fr/
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