Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid
Mouallem a déclaré lundi 25 août que Damas était prêt à coordonner la
lutte contre les jihadistes avec la communauté internationale, y compris
les USA et le Royaume-Uni, mais que ces actions devaient être convenues
avec le gouvernement syrien. De son côté, la porte-parole du
département d'Etat Jen Psaki a annoncé qu'en cas de décision d'attaquer
les positions des islamistes sur le territoire syrien, les USA n'avaient
pas l'intention d'attendre l'approbation de Damas. Le président
américain Barack Obama a donné son feu vert à des vols de reconnaissance
en Syrie mais n'a pas encore pris de décision concernant les
bombardements.
Une position difficile
«
Les Etats-Unis se retrouvent dans une situation politique très
difficile. D'une part, ils ont soutenu l'opposition syrienne et ont donc
contribué à l'apparition sur le sol syrien de l'EIIL, qui s'est emparé
aujourd'hui d'une partie du territoire syrien et pratiquement de la
moitié de l'Irak », explique Sergueï Demidenko. D'autre part, les
Américains ne souhaitent pas le renforcement de l'organisation
terroriste et veulent que les « forces saines » de l'opposition
syrienne, sur lesquelles ils ont compté jusqu'ici, prennent le dessus
sur l'EIIL et sur Assad pour mettre en œuvre des réformes bénéfiques
pour les
USA.
« Mais il était évident
dès le départ que l'opposition syrienne ne pouvait +accoucher+ que
d'islamistes. Il est impossible de reposer sur des +forces saines+ en
Syrie par définition : la population des régions de l'Est n'a jamais
soutenu les tendances libérales dont parlent avec ferveur les militants
des droits de l'homme. Les islamistes étaient l'unique force
d'opposition en Syrie, et personne d'autre, pendant toute l'histoire
contemporaine de la Syrie », souligne l'expert.
D'après
Sergueï Demidenko, les Américains sont dans une situation difficile
parce qu'ils doivent combattre l'EIIL tout en ne pouvant pas annoncer
officiellement qu'ils lutteront aux côté d'Assad, qu'ils essaient de
renverser depuis trois ans.
«
Les Américains auront l'air ridicule en annonçant qu'ils combattront
l'EIIL avec Assad. C'est pourquoi ils disent ne pas avoir besoin de
l'autorisation d'Assad, que ce +tyran sanguinaire+ n'est pas leur ami,
frère ou allié et qu'ils combattront seuls. Jusqu'à aujourd'hui, les USA
n'ont pas formulé clairement leur position concernant la coopération
avec Assad ou la lutte contre l'EIIL. Autrement dit, ils ne l'ont pas
élaborée sur tous les aspects – politique, diplomatie et propagande. Sur
la ligne diplomatique, des services de renseignements et militaire, il
faut une couverture médiatique pour que la population américaine ne se
pose pas la question : Comment se fait-il qu'on ait voulu renverser
Assad pendant trois ans et qu'aujourd'hui, il soit notre ami? », estime l'expert.
Les USA bombarderont les islamistes en Syrie
Selon Sergueï Demidenko, les USA commenceront à bombarder les positions des islamistes en Syrie. « La
cohérence politique triomphera en fin de compte, et elle dicte
l'unification des efforts contre l'EIIL. Il y aura très probablement des
bombardements, mais pas d'invasion terrestre parce que les Américains
sont conscients du caractère nuisible de cette démarche – ils ont été en
Irak et ne veulent pas y revenir », déclare Sergueï Demidenko.
D'après l'expert, il est extrêmement difficile de vaincre l'EIIL sans soutien aérien américain. « Cette
organisation a atteint une telle ampleur, un tel nombre de partisans
que tout le monde devra s'unir pour la pacifier : les Kurdes, les
chiites, les alaouites syriens, tous ceux qui veulent absolument
empêcher l'EIIL d'étendre son influence. Car elle menace d'élimination
physique toutes les minorités religieuses et ethniques sur les
territoires qu'elle contrôlera », déclare Sergueï Demidenko.
Il faudra s'entendre avec l'Iran et la Syrie
«
Les USA devront négocier avec les Syriens et les Iraniens – avec tous
ceux qui occupent la première place parmi les ennemis de Washington. Ce
ne serait pas une première pour l'Amérique : en 2006-2007, les
Américains se sont retrouvés en Irak face à la propagation de la menace
islamiste dans les régions sunnites du pays et n'ont pas hésité à entrer
en contact avec les Iraniens pour passer certains accords - et la
situation en Irak s'est apaisée. Autrement dit : le système est rodé. Il
est possible de sortir vers la Syrie via l'Iran, souligne l'expert, qui se dit persuadé que les Syriens accepteront ces contacts. Les Syriens l'accepteront – ils n'ont pas le choix. Des pourparlers sont probablement déjà en cours », estime Sergueï Demidenko.
D'après ce dernier, les bombardements apporteront un soutien significatif aux alaouites, aux chiites et aux Kurdes. « L'armée
de l'air syrienne est très fatiguée, les Kurdes n'ont pas d'aviation,
il est peu probable que l'Iran s'ingère à titre régulier en faisant
entrer ses troupes. Il apportera son aide au même titre que les USA,
c'est-à-dire financièrement, avec des renseignements, des instructeurs
militaires, des armes, etc. », déclare Demidenko. Même si tous les terroristes ne pourront pas être éliminés, bien sûr », ajoute-t-il.
La victoire sur les jihadistes ne sera pas rapide
Les
Américains ne s'empressent pas de lancer les bombardements du
territoire syrien parce qu'ils savent parfaitement qu'il sera impossible
d'éradiquer les terroristes rapidement, alors qu'il est possible de
s'enliser pour longtemps dans la guerre en Syrie, estime Elena
Souponina, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut russe d'études
stratégiques.
« Il
est peu probable que les frappes chirurgicales des Américains permettent
d'éliminer les unités de l'EIIL. Dès qu'ils projetteront leur opération
en Syrie en utilisant d'abord des drones, ils devront se demander si
les soldats américains devront ou non fouler le sol syrien. Cela
représente un grand risque pour les Etats-Unis, parce qu'ils pourraient
rapidement perdre la face. Il sera impossible d'éliminer rapidement les
jihadistes, ils s'enliseront dans cette guerre, et c'est pourquoi ils
n'osent pas lancer une opération militaire en Syrie », pense l'experte.
Si
la décision d'entamer une opération militaire en Syrie était prise sans
l'accord du gouvernement syrien, la question de violation du droit
international se poserait.
«
Les Américains ne demanderont pas l'autorisation du gouvernement syrien
et cela serait considéré comme la violation de la souveraineté de ce
pays, d'après toutes les normes internationales. Cela effondrerait
complètement le système de sécurité internationale déjà mal en point », souligne Elena Souponina.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire