13 septembre, 2013

Les rebelles syriens en perte de crédit

Des soldats de l'Armée syrienne libre dans la province de Raqqa, dans le nord du pays.
Des soldats de l'Armée syrienne libre dans la province de Raqqa, dans le nord du pays. (Photo Molhem Barakat. Reuters)


RÉCIT

En l’espace de quelques jours, l'opposition armée à Bachar al-Assad a perdu des points importants dans la bataille de l’image.

Exactions, rapport de l’ONU, témoignage d’un otage... En l’espace de quelques jours, la rébellion syrienne a perdu des points importants dans la bataille de l’image. Si l'on peut encore parler de la «rébellion» comme d'une entité, tant l’insurrection armée en Syrie est aujourd'hui confuse et minée par les dissensions, ce dont profite le régime. Différents groupes plus ou moins extrémistes se sont développés à la faveur du chaos qui règne dans le pays après plus de deux ans de guerre civile, et vont jusqu'à s'affronter entre eux.
L’Armée syrienne libre (ASL), bras armé officiel de la rébellion contre le régime de Bachar al-Assad, constituée au départ d’opposants et de déserteurs de l’armée loyaliste, a peu à peu fait front commun avec des combattants étrangers et des islamistes, comme le Front al-Nusra, l’Etat islamique en Irak et au Levant, et une nébuleuse de factions. Mieux armés, entraînés, financés et organisés, ces alliés de circonstance ont pris de plus en plus de place, et s'ils mènent une guerre contre le régime, ils ont développé aussi une guerre confessionnelle sunnites-chiites. Les rares témoignages qui parviennent de Syrie vont tous dans le même sens : impossible depuis quelques mois de savoir qui, au sein de la rébellion, contrôle quoi au nom de qui, et de faire confiance à quiconque.

Prises d'otages

C’est ce qui ressort, notamment, du récit de l’envoyé spécial du quotidien italien la Stampa, Domenico Quirico, enlevé en avril et libéré dimanche 9 septembre. Lui et son compagnon de voyage, le Belge Pierre Piccinin, probabablement trahis par leurs contacts de l'ASL, se sont retrouvés aux mains d'un groupe armé. Le Monde a publié une traduction de son témoignage. Leurs ravisseurs, conduits par un certain Abou Amar, sont des rebelles membres d’Al-Farouq, une faction avec laquelle l’Occident négocie mais que le journaliste compare à des «malfrats», qui «profitent du vernis islamique et du contexte révolutionnaire pour s’emparer de pans entiers du territoire, rançonnant la population, enlever des gens et s’en mettre plein les poches».
A côté, les islamistes du Front al-Nusra, la faction liée à Al-Qaeda qui s’est imposée la première aux côtés de l’ASL, feraient presque figure de gentils : «Durant une semaine, nous avons été confiés à une brigade jihadiste de Jabhat al-Nosra. C’est le seul moment où nous avons été traités comme des êtres humains, et même avec une certaine sympathie : par exemple, ils nous ont nourris de ce qu’ils mangeaient eux-mêmes.»

Crimes de guerre

C’est pourtant ce même Front al-Nusra qui aurait tué sauvagement ces derniers jours des chrétiens à Maaloula, petite ville au positionnement stratégique au nord de Damas. Selon des témoignages recueillis par l’AFP, «ils sont arrivés mercredi à l’aube dans notre ville et ont crié : "Nous sommes le Front al-Nosra, nous sommes venus pour en faire voir aux croisés"». «J’ai vu les gens portant sur leur tête un bandeau d’al-Nosra tirer sur des croix», raconte un autre témoin à l’AFP. «Ils ont mis un pistolet sur la tempe d’un voisin et l’ont obligé à se convertir à l’islam en prononçant : «Il n’y a de dieu que Dieu» puis ils ont rigolé en disant : «Maintenant, c’est un des nôtres».» D’autres voix mettent pourtant en doute cette version. Selon le témoignage d’une nonne, obtenue indirectement par Libération, il n’y a eu ni massacre ni profanation des lieux saints, mais des destructions de sites historiques lors des violents combats qui ont permis à l’insurrection de prendre la ville.
Il est établi depuis longtemps déjà que des groupes de l’opposition se livrent à des crimes de guerre. Meurtres, exécutions, torture, prise d’otages... Ces pratiques n'ont fait que s'intensifier au cours des derniers mois, selon le dernier rapport de la commission d’enquête mandatée par l’ONU sur les crimes contre les droits de l’homme en Syrie, rendu public le 11 septembre.

Vidéos d'exactions

Témoins sinistres de ce pourrissement, les vidéos d'exactions qui circulent en ligne. Celle, par exemple, diffusée par le New York Times la semaine dernière, de l’exécution  de prisonniers loyalistes par des hommes d'une faction non identifiée de la rébellion, menée par un certain Abdoul Samad Issa. Les images auraient été tournées au printemps 2012 dans la région d’Idlib, dans le nord-est du pays. A l’été 2012, une vidéo de l’exécution sommaire par des soldats de l’Armée syrienne libre d’un chef de clan réputé pro-régime avait également suscité l'indignation des ONG internationales. En mai 2013, la vidéo où l’on voit un rebelle faire semblant de croquer un morceau de poumon arraché au cadavre d’un soldat du régime avait plongé le monde dans l’effroi. Interrogé via Skype par le Time, le combattant, identifié comme Khalid al-Hamad, assure avoir agi de la sorte après avoir découvert dans le téléphone portable du soldat tué des vidéos montrant ce dernier en train d'«humilier» une femme nue et ses deux filles, «enfonçant un bâton ici et là».
Cordélia BONAL 
 
liberation.fr

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