Une
journaliste de l’agence Reuters a enquêté sur les parents américains
qui, las, échangeaient leurs enfants adoptés quelques années plus tôt.
Son constat est effarant.
«Quand une Libérienne devient trop encombrante pour ses
parents, ils mettent une publicité d’elle sur Internet et l’abandonne à
un couple qu’ils n’ont jamais vu de leur vie. Quelques jours plus tard,
la jeune adolescente est portée disparue.» C’est sur ce cas consternant
que débute l’enquête de Megan Twohey,
journaliste d’investigation à l'agence Reuters. Pendant 18 mois, elle a
cherché à éclairer les pratiques du «private re-homing», une solution
d’adoption moins onéreuse que l’adoption classique, mais surtout
illégale.
Sur des plateformes telles que Yahoo! ou Facebook, les
parents américains postent de plus en plus de publicités de leurs
enfants, plus autant désirés qu’à leur arrivée dans le foyer d'adoption.
A cause du manque de contrôle du gouvernement, ces enfants sont ensuite
échangés depuis le web. De véritables trafics illégaux se sont ainsi
tissés. De plus en plus, les enfants sont traités comme des biens, des
possessions, par ses parents indignes.
"J’ai honte de dire ça, mais je déteste vraiment ce garçon"
«Nous
avons adopté une petite fille de 8 ans qui vient de Chine, publie un
parent sur une annonce. Malheureusement, cela fait cinq jours maintenant
et nous avons déjà beaucoup de mal avec elle.» Il demande alors de
partager au maximum l’annonce, «avec ceux qui pourraient être
intéressés». Dans une autre annonce datant de juillet 2012, une femme du
Nebraska offre son petit garçon de 11 ans qu’elle a adopté au
Guatemala. «J’ai vraiment honte de dire ça, mais je déteste vraiment ce
garçon!» Nicole Eason et son mari sont des habitués du «private
re-homing», ayant adopté une demi-douzaine d'enfants en une décennie.
«Le sens de "adoption illégale", c'est comme de dire "Hey, je peux
prendre ton bébé?"» explique-t-elle avec légèreté. De l'illégalité, elle
n'en a que faire: «Etre mère me fait sentir importante.» D'après un
rapport de police, la famille Eason a déjà été accusée d'abus sexuels
sur des enfants qu'ils ont eu gardés.
L’agence
de presse a analysé plus de 5.100 annonces publiées sur une période de
cinq ans à partir de la plateforme Yahoo!. En moyenne, un enfant est
proposé une fois par semaine. La plupart d’entre eux ont entre 6 et 14
ans et ne sont pas nés aux Etats-Unis, mais en Russie, en Chine, en
Ethiopie et en Ukraine. Le plus jeune enfant proposé en échange était un
bébé. Il avait 10 mois.
Le calvaire des enfants échangés
Les
investigations de Reuters ont dévoilé le calvaire quotidien que vivent
certains enfants. Une petite Chinoise qui a changé de foyer a raconté
qu’elle avait été forcée de creuser sa propre tombe. Inga Whatcott, une
autre enfant replacée originaire de Russie, a confié comment un garçon,
dans l’une des maisons qu’elle a habitées, lui avait uriné dessus après
avoir eu des rapports sexuels avec lui. Elle avait 13 ans à l’époque, et
a déménagé trois fois en six mois. Certains parents étaient pourtant
bien connus des services d’adoption, à l'image de Nicole Eason. Alors
qu'elle venait d'adopter la petite Quita, elle lui a proposé, pour sa
première nuit dans sa nouvelle famille, de dormir avec elle et son
compagnon, alors que Nicole dort nue. D'autres parents étaient sujets à
des troubles psychiatriques avec des tendances violentes. Pourtant, cela
ne les a pas empêché d’adopter légalement, et de procéder à ce troc
d'enfants ensuite.
Après avoir pris connaissance de cette enquête, Yahoo! a décidé d’agir et a fermé la page «Adopting from Disruption».
Un porte-parole a confirmé que son activité n’était pas conforme à la
charte d’utilisation. La compagnie a également fermé cinq autres pages
de discussion dont Reuters avait dénoncé les pratiques. A la parution de
l’enquête de la journaliste, un forum similaire était toujours
actif sur Facebook, «Way Stations of Love», au motif qu’«Internet est un
reflet de la société, que les gens utilisent pour toutes sortes de
communications et régler toutes sortes de problèmes, y compris le
"private re-homing"». Aujourd’hui, la page n’est plus trouvable, mais il
est fort probable existe toujours ou qu’elle ait été recréée sous un
autre nom.
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