12 septembre, 2013

Etats-Unis Echange d'enfants adoptés sur Internet

Echange d'enfants adoptés sur Internet
Nicole Eason, originaire de l'Arizona, a adopté plus d’une demi-douzaine d’enfants étrangers durant ses dix dernières années. © Samantha Sais/Reuters
Le 11 septembre 2013 | Mise à jour le 11 septembre 2013


Une journaliste de l’agence Reuters a enquêté sur les parents américains qui, las, échangeaient leurs enfants adoptés quelques années plus tôt. Son constat est effarant.

«Quand une Libérienne devient trop encombrante pour ses parents, ils mettent une publicité d’elle sur Internet et l’abandonne à un couple qu’ils n’ont jamais vu de leur vie. Quelques jours plus tard, la jeune adolescente est portée disparue.» C’est sur ce cas consternant que débute l’enquête de Megan Twohey, journaliste d’investigation à l'agence Reuters. Pendant 18 mois, elle a cherché à éclairer les pratiques du «private re-homing», une solution d’adoption moins onéreuse que l’adoption classique, mais surtout illégale.
Sur des plateformes telles que Yahoo! ou Facebook, les parents américains postent de plus en plus de publicités de leurs enfants, plus autant désirés qu’à leur arrivée dans le foyer d'adoption. A cause du manque de contrôle du gouvernement, ces enfants sont ensuite échangés depuis le web. De véritables trafics illégaux se sont ainsi tissés. De plus en plus, les enfants sont traités comme des biens, des possessions, par ses parents indignes.

"J’ai honte de dire ça, mais je déteste vraiment ce garçon"

«Nous avons adopté une petite fille de 8 ans qui vient de Chine, publie un parent sur une annonce. Malheureusement, cela fait cinq jours maintenant et nous avons déjà beaucoup de mal avec elle.» Il demande alors de partager au maximum l’annonce, «avec ceux qui pourraient être intéressés». Dans une autre annonce datant de juillet 2012, une femme du Nebraska offre son petit garçon de 11 ans qu’elle a adopté au Guatemala. «J’ai vraiment honte de dire ça, mais je déteste vraiment ce garçon!» Nicole Eason et son mari sont des habitués du «private re-homing», ayant adopté une demi-douzaine d'enfants en une décennie. «Le sens de "adoption illégale", c'est comme de dire "Hey, je peux prendre ton bébé?"» explique-t-elle avec légèreté. De l'illégalité, elle n'en a que faire: «Etre mère me fait sentir importante.» D'après un rapport de police, la famille Eason a déjà été accusée d'abus sexuels sur des enfants qu'ils ont eu gardés.
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La maison de la famille Eason. © REUTERS/Megan Twohey
L’agence de presse a analysé plus de 5.100 annonces publiées sur une période de cinq ans à partir de la plateforme Yahoo!. En moyenne, un enfant est proposé une fois par semaine. La plupart d’entre eux ont entre 6 et 14 ans et ne sont pas nés aux Etats-Unis, mais en Russie, en Chine, en Ethiopie et en Ukraine. Le plus jeune enfant proposé en échange était un bébé. Il avait 10 mois.

Le calvaire des enfants échangés

Les investigations de Reuters ont dévoilé le calvaire quotidien que vivent certains enfants. Une petite Chinoise qui a changé de foyer a raconté qu’elle avait été forcée de creuser sa propre tombe. Inga Whatcott, une autre enfant replacée originaire de Russie, a confié comment un garçon, dans l’une des maisons qu’elle a habitées, lui avait uriné dessus après avoir eu des rapports sexuels avec lui. Elle avait 13 ans à l’époque, et a déménagé trois fois en six mois. Certains parents étaient pourtant bien connus des services d’adoption, à l'image de Nicole Eason. Alors qu'elle venait d'adopter la petite Quita, elle lui a proposé, pour sa première nuit dans sa nouvelle famille, de dormir avec elle et son compagnon, alors que Nicole dort nue. D'autres parents étaient sujets à des troubles psychiatriques avec des tendances violentes. Pourtant, cela ne les a pas empêché d’adopter légalement, et de procéder à ce troc d'enfants ensuite.
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Inga Whatcott, une adoptée russe du Michigan. REUTERS/ Rebecca Cook
Après avoir pris connaissance de cette enquête, Yahoo! a décidé d’agir et a fermé la page «Adopting from Disruption». Un porte-parole a confirmé que son activité n’était pas conforme à la charte d’utilisation. La compagnie a également fermé cinq autres pages de discussion dont Reuters avait dénoncé les pratiques. A la parution de l’enquête de la journaliste, un forum similaire était toujours actif sur Facebook, «Way Stations of Love», au motif qu’«Internet est un reflet de la société, que les gens utilisent pour toutes sortes de communications et régler toutes sortes de problèmes, y compris le "private re-homing"». Aujourd’hui, la page n’est plus trouvable, mais il est fort probable existe toujours ou qu’elle ait été recréée sous un autre nom.

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