Photo : AFP
Né
en 1949 dans la Haute-Volta (nom que portait le pays durant la
colonisation) dans une famille catholique, il opte pour une carrière
militaire. Il suivra une formation d’officier à l’Ecole militaire
inter-armée (EMIA) de Yaoundé, au Cameroun, puis à l’Académie militaire
d’Antsirabe, à Madagascar. Il devient en 1976 commandant du Centre
national d’entrainement commando (CNEC).
Il
sera nommé secrétaire d’Etat à l’information en septembre 1981, dans le
gouvernement du colonel Saye Zerbo. Mais moins d’un an plus tard, il
démissionnera en déclarant : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! ». Il
deviendra Premier ministre en janvier 1983 dans le gouvernement du
médecin militaire Jean-Baptiste Ouédraogo (arrivé au pouvoir à la suite
d’un putsch). Pourtant, quelques mois plus tard, il est limogé et mis
aux arrêts après une visite dans le pays de Guy Penne, franc-maçon et
conseiller de François Mitterrand pour les affaires africaines. Selon
plusieurs sources, le limogeage et l’arrestation de Sankara n’étaient
pas liés au hasard mais bien l’œuvre d’une intervention française en
raison des idées progressistes de Thomas Sankara qui déplaisaient
beaucoup à l’ancienne métropole coloniale.
Le
4 août 1983, un nouveau coup d’Etat place Thomas Sankara (déjà très
populaire au sein de la population) à la tête du pays. Il forme dès lors
le Conseil national de la Révolution (CNR) et définit son programme
politique dans la lignée anti-impérialiste. Il change le nom du pays qui
devient le Burkina-Faso, signifiant « la patrie des hommes intègres ». Il
devient également l’un des principaux leaders du Mouvement des
non-alignés bien qu’il sympathise ouvertement avec l’URSS (où il se
rendit notamment en 1986). Il dénoncera fermement le colonialisme et le
néo-colonialisme, notamment de la France, ainsi que les régimes
africains servant les intérêts néocoloniaux (« les régimes clients »).
Souhaitant à tout prix redonner le pouvoir au peuple, il créera durant
sa présidence les Comités de défense de la révolution (CDR) qui
permettront la participation de tous les citoyens aux prises de
décision.
Cette
politique de démocratie participative a permis de réduire
considérablement des fléaux tels que la malnutrition, le manque d’eau
(grâce à la construction massive de puits et retenues d’eau). Sa
politique de « vaccinations commandos » a quant à elle permit de
diminuer la propagation des maladies. Sans oublier la lutte contre
l’analphabétisme, dont les résultats ont plus que convaincants
(diminution de près de 20%). Par ailleurs, Thomas Sankara contribuera
grandement à l’émancipation de la femme burkinabé, voulant à tout prix
une place égale pour elle dans la société. Il luttera avec succès contre
le tribalisme féodal et la désertification, combattra très efficacement
la corruption et améliora l’agriculture. Autre fait majeur : il sera le
seul président africain et un des rares au monde à vendre toutes les
luxueuses voitures de fonctions de l’Etat afin de les remplacer par de
modestes et basiques Renault 5. Il réduira les salaires des
fonctionnaires dont le sien (dont une partie importante était destiné
aux projets publics et aux œuvres caritatives). Lors de ses déplacements
à l’étranger, il voyagera toujours avec ses collaborateurs en classe
touriste.
Le
problème est que malgré toutes ses réalisations pour son peuple et
étant un vrai modèle pour les autres nations africaines, Sankara gênait
considérablement les intérêts impérialistes. Il sera assassiné le 15
octobre 1987 lors d’un coup d’Etat organisé par un certain Blaise
Compaoré, que Sankara considérait pourtant comme son propre frère, et
qui prendra le pouvoir pour le monopoliser jusqu’à aujourd’hui, étant
par la même occasion un des meilleurs agents du système mafieux de la
Françafrique et un des acteurs principaux de la crise actuelle en Côte
d’Ivoire.
A
l’image de Patrice Lumumba en République démocratique du Congo, Thomas
Sankara est et restera un martyr africain et un combattant acharné pour
la justice. Autre point qui les rassemble : ils ont été tous deux
assassinés par des pantins locaux sous les ordres et avec la complicité
de forces extérieurs. En effet et selon plusieurs sources, dont le
journaliste d’investigation italien Silvestro Montanaro qui a réalisé un
célèbre film sur l’assassinat de Thomas Sankara (« Ombres africaines »)
et a interviewé plusieurs personnalités influentes de l’époque, dont
les proches de l’ex-président libérien Charles Taylor, qui affirment
avec assurance l’implication de la CIA et des services secrets français
dans cet assassinat. Peu surprenant, à dire vrai. De grands leaders
progressistes inspirant leurs nations et même leurs continents finissent
souvent soit assassinés, soit dans des geôles de ceux qui affirment « défendre la démocratie et les droits de l’homme partout et toujours »…
Une semaine avant son assassinat,Thomas Sankara avait déclaré : « On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées ».C’est
ce que les assassins oublient trop souvent, de même qu’une autre chose :
les héros ne meurent jamais. Surtout dans les cœurs des millions
d’hommes et femmes qui chérissent et continueront de chérir celui qui
s’est toujours battu pour leurs droits. Quant à son combat, d’autres
s’en inspireront et poursuivront certainement la lutte.
« Ceux qui veulent exploiter l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe ! »
« Tuez Sankara, des milliers de Sankara naîtront ! »
« Le système néocolonial tremble quand le peuple devenu maître de sa destinée veut rendre sa justice ! »
Thomas Sankara
/N
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