Filippo Monteforte
L’Europe
traverse actuellement une période de calme apparent, qui s’explique
d’une part parce que le mois d’août est traditionnellement le mois des vacances, mais aussi parce qu’elle attend le résultat des élections allemandes en septembre, rappelle Mohamed El-Erian,
le CEO de Pacific Company Investment Management (PIMCO) sur le site
Project Syndicate. Pimco est l'un des plus gros fonds d’investissement
obligataires au monde.
Toutefois, il ne faut pas se fier à ce calme apparent, prévient-il. Car en dépit de quelques remontées d’indicateurs (comme
celui de l’indice Markit qui décrit les intentions de commandes des
responsables d’achats des entreprises industrielles et manufacturières,
et qui a dépassé le niveau de 50 et atteint son plus haut niveau sur
les 18 derniers mois à la fin du mois de juillet dernier) et la bonne
tenue des marchés financiers et de la devise euro, les problèmes de fond
demeurent, et cette accalmie ne devrait pas perdurer.
En
effet, elle ne dépend pas des politiques économiques menées par les
dirigeants européens, mais de facteurs temporaires et potentiellement
réversibles. Pour les politiciens, il ne s’agira pas seulement de
reprendre les initiatives économiques qui ont été mises en suspend en
attendant le résultat des élections allemandes, estime El-Erian. Il
pointe 4 problèmes de fond auxquels les dirigeants doivent s’attaquer,
s’ils ne veulent pas mettre fin à cette éclaircie :
✔
Le chômage continue d'augmenter (12% dans la zone euro, 24% des jeunes,
avec un taux de chômage des jeunes qui atteint 59% et 56%
respectivement en Grèce et en Espagne) ;
✔
Les citoyens des pays de la périphérie qui ont été soumis à de sévères
politiques d’austérité sont épuisés et l'agitation sociale qui en
découle crée de plus en plus d’instabilité politique. Ces derniers
temps, les gouvernements portugais et grec ont été directement menacés.
✔
Les citoyens des pays européens les mieux portants sur le plan
économique doutent de plus en plus du bien-fondé des plans de sauvetage,
et l'euroscepticisme se développe.
✔
Le secteur privé reste en danger. L'Europe a réussi à stabiliser ses
marchés d’obligations souveraines, mais les PME souffrent toujours d’une
pénurie de crédit qui pourrait s’aggraver lorsque les banques
commenceront vraiment à se conformer aux nouvelles normes bancaires
(Bâle III).
Tout ceci se combine pour
poser une réelle menace pour l’Europe, et malheureusement,
l'environnement mondial, et notamment le ralentissement de la croissance
en Chine et l’appréciation récente de l’euro, s’ajoutent à ces
problèmes. Les entreprises européennes auront plus de difficultés pour
gagner de nouvelles parts de marché qui pourraient leur permettre de
compenser la défaillance de la demande mondiale.
En
fin de compte, le calme apparent est davantage lié aux mesures prises
par les banques centrales pour compenser la mollesse de la croissance,
les forts niveaux d’endettement des pays, la répugnance des dirigeants à
décider les réformes structurelles douloureuses qui s’imposent pour
rétablir la compétitivité, et pour combler le manque de coordination
politique. Et cette apparente embellie dissimule les fondamentaux
économiques et financiers inquiétants de la zone euro.
« Espérons
que les dirigeants européens nous reviennent bien reposés de leurs
vacances d’août. Ils auront besoin de toute leur énergie et de tout leur
dévouement pour faire pivoter l'Europe d’une normalité forcée à une
stratégie de reprise plus durable », conclut El-Erian.
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