28 juillet, 2013

Imprimante 3D: pourquoi et comment cette technologie peut changer nos vies

TECHNO - Comme le vol et la téléportation, la création de matière est un des vieux rêves de l'homme. Bien sûr, notre technologie est encore loin de pouvoir créer quelque chose à partir du vide. Mais si nous sommes encore loin des synthétiseurs imaginés dans les œuvres de science fiction comme Star Trek ou la Trilogie du Vide de Peter F. Hamilton, une technologie aiguille depuis des mois les rêveurs. Son nom: l'impression 3D.
Vous en avez certainement entendu parler. Articles, sujets au JT de 20h, livres, émissions: ces imprimantes en trois dimensions sont partout. Pour faire simple, l'idée est "d'imprimer" un objet couche par couche. Pas très clair? Cette vidéo devrait vous permettre de comprendre comment faire pour imprimer votre propre buste de Yoda:

Si cette technologie existe depuis des dizaines d'années, celle-ci devient, depuis un peu plus d'un an, de plus en plus accessible au grand public. Ainsi, sur le site de financement participatif (crowdfunding) américain Kickstarter, les projets ayant réuni des centaines, voire des millions de dollars sont légions.
Pourquoi une telle effervescence? En quoi les imprimantes 3D peuvent-elles changer la vie de tous les jours? Le HuffPost s'est posé la question.


COMMENT ÇA MARCHE
Avant de voir les applications qui pourraient changer notre vie, il est nécessaire de comprendre rapidement comment fonctionne une imprimante 3D.
Ce qui rend cette technologie potentiellement révolutionnaire, c'est l'absence de contraintes industrielles pour créer un objet. "Il suffit de récupérer un objet qui a été designé en 3D sur ordinateur", explique au HuffPost Cyril Chapellier, directeur technique de Ckab, une startup spécialisée dans l'internet des objets et l'impression 3D.
Voici un exemple:
imprimante 3d

Pour avoir ce fichier, deux solutions: soit le récupérer sur internet (plusieurs sites proposent déjà des bases de données participatives), soit le faire soi-même grâce à des logiciels de 3D (comme ceux utilisés pour faire les personnages de L'Âge de glace, par exemple). Mais la prise en main de ces logiciels n'est pas si facile que celle d'un logiciel comme Photoshop (même si de nombreux guides existent sur internet). Une fois le résultat satisfaisant, il faut envoyer le fichier dans le programme de l'imprimante 3D.
Pour clarifier le processus, regardez la création d'un de ces objets :
Comme vu avec le buste de Yoda, le principe est ensuite très simple: on imprime couche par couche l'objet en 3D. Certaines imprimantes utilisent à l'inverse une poudre de plastique solidifiée couche par couche par un laser. Les matières les plus courantes sont des plastiques (l'ABS, qui compose les briques de Lego, est le plus classique). Pour autant, il est possible d'utiliser d'autres matériaux, comme la céramique ou les métaux, voire les métaux précieux. On peut aussi travailler de la résine, du bois, du nylon, et même du sucre ou des matières organiques.
Prix abordable
L'intérêt d'un tel système est évident: pour produire un objet, il suffit de le créer virtuellement et de le faire imprimer. Pas besoin de créer de moules, comme dans l'industrie classique. Surtout, les imprimantes 3D tendent à se démocratiser, avec des prix d'achats relativement peu élevés.
A l'origine de cette baisse des prix, une société: Makerbot, qui a réussi à proposer des imprimantes 3D à des prix abordables. Enfin, presque. "On parle d'imprimantes individuelles plutôt que personnelles, car le prix se situe autour des 2000/3500 euros. On touche donc un marché plutôt professionnel, avec des particuliers à la marge", précise Cyril Chapellier, dont la société commercialise ces imprimantes en France. "Surtout, elles sont open-source, donc sans brevet".
Pas vraiment donc accessible aux particuliers pour l'instant. Mais dans un futur proche, on peut l'imaginer. En mai, une société américaine a levé plus d'un million de dollars sur Kickstarter (elle n'en voulait que 100.000 initialement) pour une imprimante 3D qui pourrait être vendue 347 dollars, la Buccaneer. Amazon a ouvert en juin une page spéciale dédiée aux imprimantes 3D (disponible uniquement sur la version américaine du site).
3D en série
Surtout, plusieurs sociétés se sont lancées sur le marché avec une idée simple: permettre aux particuliers de faire imprimer leurs objets numériques par des professionnels. La société allemande Shapeways propose ce genre de service, de même que Sculpteo en France. "Nous sommes un acteur de production. Nous permettons aux clients de profiter de l'impression 3D à distance", précise au HuffPost Clément Moreau, PDG et co-fondateur de la société. Il suffit d'envoyer le fameux fichier créé sur ordinateur et attendre que Sculpteo lui donne vie.
Si la plupart des clients sont des professionnels ou des artistes voulant imprimer des gammes d'objets ou tester le rendu d'un design à moindres coûts, de plus en plus de particuliers utilisent ces entreprises pour imprimer des objets. L'autre intérêt de ces sociétés, c'est d'avoir accès à des imprimantes de qualité professionnelle, permettant notamment d'utiliser des matériaux plus intéressants, comme les métaux précieux.
"A court terme, les créations devraient rester dans l'ordre du ludique. Quand les usages seront plus présents, on pourra imaginer des produits dérivés, personnalisés. La suite dépendra à la fois des matériaux disponibles et de la simplicité d'utilisation", estime Gilles Benois, responsable pédagogique 3D à Bellecour Ecoles, interrogé par Le HuffPost.


L'INFINI DES POSSIBLES
Le concept est intéressant, reste à savoir ce qu'il peut changer dans la vie de tous les jours.
Avec une imprimante individuelle, utilisant principalement du plastique, le choix est un peu limité: l'objet est en général uni, voire bicolore au mieux. Il faut ensuite le peindre. Il est aussi plutôt petit (28x15x15 cm). Pour autant, cela permet déjà de faire de nombreuses choses. Et surtout, de les personnaliser. Mais pourquoi faire?
L'exemple de l'iPhone 5
L'exemple dont nous a parlé Clément Moreau est révélateur. Lors de la présentation de l'iPhone 5 en septembre dernier, une des nouveautés a fait couler beaucoup d'encre: le changement de connecteur.
Apple a choisi de changer la prise permettant de recharger le smartphone et de le brancher à un ordinateur. Problème: les docks (réveils, enceintes que l'on peut directement connecter à l'iPhone) disponibles n'étaient donc plus adaptés à l'iPhone 5. Et si Apple a prévu un adaptateur, celui-ci n'était pas vraiment pensé pour les docks et le risque de casser l'appareil était important.
"Apple n'a pas traité le problème, mais un designer a eu l'idée de créer un adaptateur pour les docks sous la forme d'une pièce en plastique permettant de soutenir l'iPhone", nous explique Clément Moreau. Après avoir développé le fichier 3D, ce designer a fait imprimer cette pièce chez Sculpteo. "Il en a fait pas mal. Il a ainsi réglé un problème qui concernait de nombreuses personnes, mais qui n'intéressait aucun industriel", analyse le PDG de Sculpteo.
imprimante 3d


L'état des lieux actuel
Il faut pour autant relativiser. Pour l'instant, les réalisations faites à partir d'imprimantes 3D pour le grand public sont plutôt anecdotiques.
On peut bien sûr tout faire, une fois que l'on a pris en compte les contraintes (taille, matière): ustensiles de cuisine, mugs, bijoux, maquettes, armes à feu... certains ont même déjà pensé aux sex toys personnalisés. Et avec les sociétés qui se spécialisent dans l'impression pour particuliers, la possibilité de se faire des bijoux en or massifs avec un design unique est à portée de main.
Combien ça coûte ?
En dehors de l'achat principal (l'imprimante) assez conséquent, le prix de la matière première n'est ensuite pas très important. A titre d'exemple, 1kg de plastique classique coûte une quarantaine de dollars.
Si au contraire vous souhaitez passer par une société spécialisée dans l'impression 3D, voici quelques idées de prix pratiqués par Sculpteo:
  • Poignée de porte : quelques dizaines d'euros
  • Bouton de meuble : 20 euros
  • Coque de smartphone : 25 euros
  • Figurine : à partir de 5 euros
  • Bijou en métaux précieux : environ deux fois le prix du métal au poids, en fonction de la forme
Concernant les délais d'impression, il faut compter plusieurs heures avec une imprimante individuelle, "environ 7 heures pour une petite voiture d'enfant", précise Emily Turrettini, auteur d'un blog spécialisé sur le sujet.
En passant par une société du type Sculpteo, comptez 4 à 5 jours pour une pièce en plastique classique et environ deux semaines pour de la céramique ou des métaux.


LE FUTUR ? DU SAV PARTICIPATIF À LA SANTÉ
Cet exemple d'un adaptateur donne une idée de ce que pourrait être le futur de l'impression 3D. "Avec cette technologie, on va pouvoir facilement faire des pièces détachées pour réparer des objets. Cela peut potentiellement changer le mode de consommation des gens", affirme Cyril Chapellier de Ckab. Une idée logique quand on sait que la démocratisation de l'impression 3D est née du mouvement "Do it yourself" (fais-le toi même) aux Etats-Unis, qui regroupe des personnes voulant créer elles-mêmes des objets.
"Si le bouton de température du lave-vaisselle est cassé, on peut imaginer que la personne ira chez un prestataire pour faire imprimer ce bouton", précise Emily Turrettini. L'impression 3D pourrait ainsi nous permettre de réparer des objets, même si l'entreprise ne commercialise pas les pièces détachées.
Mieux, on pourrait même imaginer que les entreprises mettront elles-mêmes à disposition les plans de ces pièces détachées (gratuitement ou non) afin de les imprimer soi-même. "Le SAV va changer pour de bonnes raisons. Certaines marques s'intéressent déjà au sujet", selon Clément Moreau.
S'il est impensable pour le moment que nous puissions imprimer des voitures, meubles ou maisons (même si un projet a été lancé) en grande quantité, ces productions pourraient bien se retrouver personnalisées. "On aura des parties d'un produit fait sur mesure. L'impression 3D deviendra une technologie de fabrication comme une autre, implantée dans les grands magasins", estime Clément Moreau.
Le voisin bricoleur remplacera-t-il le collègue geek?
Bien sûr, aucun spécialiste n'est dupe. Il est évident que même dans 10 ans, le grand public ne saura pas imprimer (et encore moins créer virtuellement) son propre bouton de machine à laver. Mais il est fort probable que les jeunes générations et les plus motivés sauront utiliser ces nouveaux modes de production. A ce titre, le parallèle de Cyril Chapellier avec l'informatique personnelle est intéressant:
"Il y a des années, l'informatique se résumait à des super calculateurs inconcevables pour le grand public. Avec les PC, tout le monde n'est pas devenu pour autant réparateur ou créateur. Mais de plus en plus de gens ont acquis ces compétences et aident les personnes ne sachant pas comment réparer un ordinateur. Avec l'impression 3D, c'est pareil. Même si la majorité des gens iront toujours dans des grands magasins, de plus en plus de gens sauront réparer la petite pièce qui pose problème."
Des prothèses et des pizzas
Derrière ces possibilités en termes de consommation, l'impression 3D pourrait aussi, dans un futur un peu plus lointain, révolutionner la médecine et l'alimentation.
Science-fiction? Peut-être plus pour longtemps... Alors qu'une société, financée en partie par la Nasa, essaye de créer de la nourriture via une imprimante 3D grâce à des cartouches de nutriments, une autre start-up tente de créer des steaks à partir de cellules souches.
L'impression à partir de cellules pourrait même changer radicalement la médecine. Des chercheurs américains sont sur le point de créer un cœur humain. De quoi résoudre le problème de la donation d'organes.
De manière plus certaine, on peut espérer que les premières prothèses personnalisées verront le jour dans les prochaines années. Mieux: des scientifiques ont réussi à créer une super oreille, capable "d'entendre" des fréquences un million de fois plus importantes que celles captées par une oreille humaine.
Scanner et recopier à l'infini
Le développement de scanners 3D fait lui aussi rêver. Ces machines permettent de scanner un objet en 3D et de le reproduire dans un fichier informatique. "Dans le futur, on peut vraiment imaginer scanner le buste de son enfant et l'envoyer à ses grands parents qui l'imprimeront à des kilomètres de là", estime Gilles Benois.
Mais pour l'instant, la technologie est loin d'être abordable. D'abord, une fois l'objet scanné, il n'est pas prêt à être imprimé. Un traitement assez compliqué est nécessaire pour le convertir dans un format adapté. Surtout, le prix est encore très élevé: comptez 10.000 à 15.000 euros pour une de ces machines. Rendez-vous donc dans quelques années.

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