Face
à la menace islamiste-sunnite, l'Europe, les Etats-Unis et la Russie
feraient mieux de s'allier, plutôt que d'aider les rebelles à renverser
le régime alaouite d'Assad.
Les
Etats-Unis ont annoncé, au prétexte que le régime de Bachar al-Assad
utiliserait du gaz sarin contre les rebelles, la livraison d’armes aux
milices syriennes sunnites. Crédit Reuters
La Syrie sera-t-elle la prochaine cible
des armées de l’Otan ? Le régime de Bachar al-Assad va-t-il être balayé
par les armées occidentales alliées des pétromonarchies islamistes du
Golfe qui aident les rebelles syriens et exigent, comme jadis contre le
régime laïque de Saddam Hussein, des Occidentaux qu’ils agissent en
mercenaires des puissances sunnites ? On peut se poser la question.
Ainsi,
après un premier pas franchi le 27 mai dernier par l’Union européenne -
sous la pression franco-britannique - qui aboutit à un début de levée
de l'embargo sur les armes à destination des rebelles syriens (en
majorité islamistes), les Etats-Unis ont annoncé à leur tour, au
prétexte que le régime de Bachar al-Assad utiliserait du gaz sarin
contre les rebelles, la livraison d’armes aux milices syriennes
sunnites. Certes, le secrétaire d’Etat John Kerry a réaffirmé qu’il
n’est question pour l’heure que d’"armes légères" et que son pays appuie
toujours une solution politique, via notamment la prochaine conférence
dite de "Genève 2". Mais l'usage d'armes chimiques et l'implication de
plus en plus directe de l’Iran et du Hezbollah (ennemis jurés des
pétromonarchies sunnites du Golfe) dans la guerre civile syrienne, qui a
permis au régime de reprendre l’avantage, risque de rendre "hors de
portée" cette solution politique (Genève 2). Solution voulue par Moscou
et acceptée à contre-cœur très récemment par Washington, qui subit les
pressions contraires tant de ses "alliés" fondamentalistes du Golfe que
des Européens, adeptes d’une "politique d’apaisement" vis-à-vis de
l’islamisme sunnite international, qui menace la France et la
Grande-Bretagne à la fois en raison de l’intervention au Mali et de leur
non-action en Syrie.
Nouvelle Guerre Froide Russie-Occident ? Le calcul suicidaire des pays de l’OTAN
Echaudé
depuis la fin de la Guerre Froide par les différentes interventions
militaires des pays de l’Otan en Irak, en ex-Yougoslavie et en Libye, à
chaque fois au nom de motifs "humanitaires" - mais en réalité surtout
pour supprimer des régimes alliés de la Russie souvent au profit
d’islamistes - Moscou a mis en garde contre l'instauration d'une zone
d’exclusion aérienne sur la Syrie. Cette dernière est envisagée par
Washington et ses alliés franco-britanniques. Le ministre des Affaires
étrangères russe, Sergueï Lavrov, a ainsi accusé les Etats-Unis de
violer le "droit international" en prévoyant de recourir à des chasseurs
F-16 ou à des missiles Patriot (basés en Jordanie) qui serviraient à
imposer une zone d'exclusion aérienne. Voulue par l’Arabie saoudite, le
Qatar et la Turquie d’Erdogan (trois "parrains" de la récupération des
révolutions arabes par les forces islamistes), l’aide militaire aérienne
occidentale réduirait l’avantage de l’armée syrienne et pourrait être
le prélude à un renversement de régime. A l'instar de ce qui s’est
produit en Libye, où le mandat initial d’interposition des forces
aériennes franco-britanniques s’est vite transformé en une guerre pour
renverser le régime de Mouàmmar Kadhafi... Pour les dirigeants russes,
les accusations des pays occidentaux concernant les armes chimiques
relèvent donc du "mensonge" et ne servent qu’à justifier le futur
renversement du régime alaouite de Damas, au détriment de la Russie,
dont tous les alliés stratégiques méditerranéens, caucasiens,
centre-asiatiques et arabes sont soit renversés (anciens dirigeants
pro-russes de Serbie, d’Irak, et de Libye), soit encerclés (Iran, Chine,
Asie centrale-Caucase-Serbie, etc) par les forces de l’Otan. Comme si
la Guerre Froide n’était pas terminée et comme si la Russie demeurait
l’ennemi suprême devant être "endiguée" par n’importe quel moyen, y
compris l’islamisme radical. Rappelons que pendant la Guerre Froide, les
ancêtres d’Al-Qaïda furent appuyés massivement par les Etats-Unis et
les pays occidentaux pour affaiblir les Russes en Afghanistan…
Hélas,
plutôt que de redéfinir ses intérêts stratégiques et les nouvelles
menaces à l’aune de l’évolution géopolitique mondiale depuis 1989,
marquée par la montée de la haine envers les peuples
européens-judéo-chrétiens, qui devraient plutôt s’allier ("Russie,
Europe et Etats-Unis même combat") face à la menace islamiste-sunnite,
les Occidentaux perpétuent la vieille stratégie "pro-islamiste". Une
stratégie tournée contre la Russie et ses alliés qui découle elle-même
d’une vaste stratégie de "néo-containment" de la Russie et de ses
alliés, jugés hostiles à l’empire anglo-saxon mondial. C’est dans ce
contexte que le chef de la commission des Affaires étrangères à la
Douma, Alexeï Pouchkov, a accusé les Etats-Unis d'avoir "fabriqué" les
accusations d’utilisations d’armes chimiques en Syrie. Comme jadis la
guerre contre l’Irak en 2003 a été justifiée par les accusations
d’utilisation de gaz sarin contre les Kurdes et la détention d’armes de
"destruction massives". L’ex-président G. W. Bush avoua plus tard que
celles-ci servirent à justifier la guerre en Irak.
Certes,
cette fois-ci, l’utilisation de gaz sarin par le régime syrien est
peut-être fondée. Mais il faut rappeler que les rebelles, que nous
allons armer et aider à renverser le régime alaouite d’Assad, ont eux
aussi commis des "crimes de guerre" et utilisé l’arme chimique. Et ils
seront peut-être encore plus totalitaires que leurs prédécesseurs
laïques alaouites qui, au moins, protégeaient les minorités, aujourd’hui
menacées. Ensuite, le moins que l’on puisse dire est que les
Occidentaux ont du culot d’accuser les Russes d’être alliés de l’Iran et
du Hezbollah pro-Assad, alors que les Occidentaux ont aidé Khomeiny à
lâcher jadis le Shah d’Iran, puis, en 2003, aidé Téhéran à contrôler
l’Irak post-Saddam Hussein. Depuis la Guerre Froide, nos démocraties
obligées agissent comme des mercenaires géostratégiques des
pétromonarchies sunnites du Golfe, marraines de l’islamisme
international - Arabie saoudite et Qatar en tête - et grandes
persécutrices de chrétiens, tout comme leur allié pakistanais qui
possède la bombe atomique… Une bombe contre laquelle ils n’ont jamais
pris de mesure, contrairement au projet iranien, alors qu’elle pourrait
tomber dans les mains des Talibans et Al-Qaïda… Depuis les années 1990,
ces parrains moyen-orientaux de "l’Internationale islamiste" ont obtenu
de leurs obligés européens et américains qu’ils les aident à renverser
les derniers régimes musulmans non-encore islamistes. Les Occidentaux
ont en effet aidé Erdogan à démanteler le système laïque-kémaliste
turc ; ils ont aidé directement ou indirectement à renverser l’Irak
laïque de Saddam Hussein, la Tunisie moderne de Ben Ali, l’Egypte de
Moubarak et la Libye de Kadhafi, en guerre avec le salafisme
pro-saoudien. Tous ces régimes en guerre avec Al-Qaida ou les Frères
musulmans ont été remplacés par des "démocrates islamistes" sponsorisés
par le Qatar et le néo-Sultan turc Erdogan. Nos alliés sunnites
obscurantistes du Golfe ont également obtenu de leurs obligés
euro-occidentaux qu’ils acceptent la progression sur leur sol d’un
islamisme radical déterminé à empêcher l’intégration (jugée "impie") des
immigrés musulmans. Si l’Occident détestait ses propres valeurs et
méprisait ses propres intérêts, il n’agirait pas autrement et choisirait
ce genre d’"alliés"...
atlantico.fr
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