25 juin, 2013

Nouvel émir au Qatar: changement de style mais continuité politique assurée

DOHA - Le Qatar fait peau neuve avec l'abdication de l'émir au profit de son fils mais ce changement sans précédent ne devrait pas avoir d'impact sur la politique de l'Emirat et son rôle prépondérant dans la diplomatie internationale.

Ce rajeunissement à la tête de l'Etat qui doit être accompagné d'un remaniement ministériel marqué par le départ attendu du puissant Premier ministre Hamad Ben Jassem Al-Thani tranche avec une classe politique vieillissante dans la plupart des autres monarchies pétrolières du Golfe, Arabie saoudite en tête.

Dix-huit ans après avoir pris le pouvoir en destituant son père, cheikh Hamad, 61 ans, laisse à son fils, cheikh Tamim, un pays stable et en bons termes avec ses voisins du Golfe, notamment l'Arabie saoudite, avec laquelle les rapports du Qatar avaient été tumultueux pendant quelques années, a déclaré à l'AFP l'analyste arabe Abdelwahab Badrakhan, basé à Londres.

Mais il dit ne pas s'attendre à un changement dans la politique du Qatar, ajoutant que cheikh Tamim devrait progressivement trouver sa voie sur les traces de son père dont l'Histoire retiendra une abdication sans précédent.

Le nouvel émir, âgé de 33 ans, devrait assurer la continuité. Dans un premier temps, il ne faut pas s'attendre à des changements spectaculaires dans les orientations du Qatar, renchérit l'analyste Olivier Da Lage, auteur de Qatar, les nouveaux maîtres du jeu.

D'une part, parce qu'elles correspondent à une stratégie à long terme définie depuis plus de quinze ans et qui a plutôt réussi, et ensuite parce que le nouvel émir fera ses premiers pas de monarque sous les yeux de son prédécesseur de père, a-t-il expliqué.

Mais, a-t-il ajouté, avec le temps, bien sûr, la personnalité de cheikh Tamim s'affirmera et il y aura sans doute des ajustements de style, sinon de fond par rapport à la période qui vient de s'achever.

Petit pays d'environ 2 millions d'habitants, dont quelque 250.000 autochtones, le Qatar, qui contrôle les troisièmes réserves mondiales de gaz naturel, s'est imposé sur l'échiquier régional et mondial par ses investissements tous azimuts en Occident et une activité diplomatique qui s'est intensifiée avec le début du Printemps arabe en 2011.

Sa puissance financière lui a ainsi permis notamment d'investir massivement dans les domaines de l'industrie, de l'immobilier, de l'hôtellerie de luxe et du sport.

Il s'est imposé également dans le domaine sportif et doit accueillir le Mondial-2022 de football.

Au plan diplomatique, le Qatar, qui avait gardé au cours des dernières années les ponts ouverts aussi bien avec l'Iran qu'avec Israël, s'est taillé un rôle d'arbitre dans d'épineux conflits régionaux.

Il a ainsi offert ses bons offices, parfois avec succès, au Liban, au Darfour (Soudan) et dans la crise inter-palestinienne, avant de soutenir les soulèvements dans les pays du Printemps arabe.

Sa puissante chaîne de télévision, Al-Jazeera, a joué un rôle de premier plan dans l'appui à ces soulèvements et se prépare à étendre son influence en lançant une chaîne aux Etats-Unis.

Le rôle du Qatar ne se cantonne pas à la région et Doha abrite depuis la semaine dernière un bureau politique des talibans, devant servir de relais à des négociations de paix en Afghanistan, déchiré par 12 ans de conflit armé.

Affichant des ambitions sans limites, le Qatar a postulé en vain, en avril, pour accueillir à Doha le siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), établi depuis des décennies à Montréal.

Désormais, le Qatar a une force de frappe financière qui oblige les voisins et les pays occidentaux à le respecter. Son rôle diplomatique, aidé par sa richesse, est reconnu, et le sens stratégique de cheikh Hamad lui a permis de ne pas être pris de court par le Printemps arabe en soutenant les soulèvements en Libye, en Tunisie en Egypte et en Syrie, note M. Da Lage.

Le directeur du Brookings Doha Center, Salman Shaikh, est catégorique: les fondamentaux de la politique étrangère (du Qatar) ne changeront pas pour le moment, comme sur (le conflit en) Syrie, le soutien à la transition en Egypte et en Tunisie.

Mais avec l'avènement du nouvel émir et la mise en place d'un gouvernement rajeuni, un tel saut de génération va faire des vagues dans la région, même si les Qataris en ont informé les autres pays, a ajouté M. Shaikh.


(©AFP /

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