Abdoul Basit Haroun s'exila pendant vingt ans en Angleterre pour fuir
le régime de Kadhafi, puis revint en Libye en 2011 pour contribuer à la
chute du dictateur. Aujourd'hui, il est l'un des principaux fournisseurs
d'armes aux insurgés syriens.
Dans sa villa des faubourgs de Benghazi, là où débuta le soulèvement
libyen, il a raconté à Reuters, autour d'un café et d'un gâteau fait
maison, son parcours et les raisons qui l'ont poussé à soutenir
militairement l'opposition syrienne.
En deux décennies passées à Manchester, Abdoul Basit Haroun s'était
imposé dans la promotion immobilière mais, lorsque l'insurrection éclata
en Libye, il n'hésita pas et, à l'approche de la quarantaine, rejoignit
les rangs des rebelles.
Il forma sa propre brigade à Benghazi et, à la fin du conflit, se mit
au service des nouveaux dirigeants libyens pour les aider à tenter de
contrôler une situation rendue explosive par l'afflux d'armes dans le
pays.
Haroun, qui a effectué sa première livraison d'armes aux rebelles
syriens en août dernier, en veut aux pays occidentaux de ne pas avoir
soutenu militairement plus tôt les adversaires de Bachar al Assad.
Une intervention précoce aurait permis d'éviter une régionalisation du conflit, estime-t-il.
"Même si la guerre prend fin en Syrie, il y aura une autre guerre dans
la région, les sunnites contre les chiites. Au début, il s'agissait
seulement de faire tomber Assad. Maintenant, le Hezbollah, l'Iran sont
impliqués", dit-il.
Haroun utilise les voies aérienne et maritime pour ses livraisons, tout
en privilégiant l'avion car le risque d'interception des navires est
réel en Méditerranée orientale.
Les armes de la rue
Avec un associé, qui dispose d'un réseau d'une dizaine de personnes
dans les grandes villes libyennes, il collecte les armes, acquises
souvent à bas prix dans un pays qui en regorge.
Le financement est assuré par quelques hommes d'affaires libyens et la
diaspora syrienne, et les armes achetées directement dans la rue.
"Nous faisons deux choses super. Nous enlevons des armes de la rue
(libyenne) et notre mission est tellement populaire que nous obtenons
jusqu'à 50% de remise", explique Haroun.
A ses côtés, son jeune fils, impliqué dans les transactions, détaille
dans un anglais fortement teinté de l'accent de Manchester : environ 25
dollars pour un fusil mitrailleur C5, près de 120 dollars pour un
lance-roquettes RPG.
"Si nous avions plus d'argent, nous pourrions retirer toutes les armes
de la rue mais pour l'instant il nous faut environ quatre à cinq mois
pour rassembler la somme nécessaire à une livraison", assure Haroun.
Certaines familles libyennes donnent gratuitement leur arsenal,
notamment les armes lourdes qui ne leur sont plus d'aucune utilité
depuis la fin de la guerre civile.
Les armes sont entreposées par des tiers près de Benghazi, dans un lieu
tenu secret, mais qu'un journaliste de Reuters a pu visiter. Dans des
conteneurs prêts à être expédiés en Syrie, on trouve des caisses de
munitions, des RPG et différents types d'armes légères ou de calibre
moyen.
28 tonnes d'armes
"Ils (les propriétaires du dépôt) n'ont rien à voir avec la livraison,
mais nous stockons ici parce que c'est un endroit sûr", explique
l'associé d'Haroun, qui ne veut pas donner son nom parce qu'il est ausi
impliqué dans l'aide humanitaire aux rebelles syriens.
Une fois la cargaison embarquée, les avions spécialement affrétés pour
l'occasion décollent vers la Turquie ou la Jordanie, où les armes sont
ensuite introduites clandestinement en Syrie.
Selon l'associé d'Haroun, environ 28 tonnes d'armes ont ainsi été livrées aux rebelles par les airs depuis août dernier.
Le premier navire a été intercepté au large du Liban. Le second, avec
les armes cachées sous 460 tonnes de matériel humanitaire, a réussi sa
mission en optant pour un parcours plus long, par la Turquie.
Les fournisseurs disent ne traiter qu'avec un seul intermédiaire,
l'Armée syrienne libre (ASL), une affirmation corroborée par un
commandant de l'armée libyenne, Hamed Belkhaïr.
"Les armes ne vont pas aux extrémistes, mais seulement à l'ASL", selon
le militaire, qui précise que certains de ses collègues ont rencontré
des responsables des insurgés syriens et accepté de les aider en livrant
des armes.
zamanfrance.fr
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