23 juin, 2013

Instagram : un succès instantané

Le créateur d'Instagram, Kevin Systrom (Reuters/Phlippe Wojazer)

Comment une appli lancée dans un minuscule bureau californien a révolutionné le business de l’industrie photographique.

“Internet a tué la classe moyenne !”, constatait, alarmiste, l’essayiste et pionnier du web Jaron Lanier dans une interview réalisée au début du mois de mai. Peut-on lui donner tort ? A son apogée, Kodak employait plus de 140 000 personnes dans une quinzaine d’usines partout dans le monde. Depuis le passage au numérique, l’ancien géant de la photographie est en faillite. En 2012, Instagram, qui fait figure de leader sur le marché des applis photo, n’emploie qu’une douzaine de personnes dans un bureau exigu d’un quartier populaire de Californie.
Pour tromper l’ennui, Kevin Systrom crée Instagram…
Aux origines du projet, on trouve un geek qui n’a pas atteint la trentaine : Kevin Systrom. Comme beaucoup d’entrepreneurs à succès, il sort (en 2006) de l’université de Stanford. Après un premier stage chez Odeo, la firme qui donnera naissance à Twitter, il intègre Google où il s’occupe du développement de nouveaux produits comme Gmail et Google Reader. Pour tromper l’ennui durant ses nuits et ses week-ends, Systrom travaille en parallèle sur son propre bébé baptisé Burbn, un réseau social d’échange de photos. Comme le raconte Vanity Fair, c’est via ce réseau qu’il rencontre Mike Krieger, également entrepreneur. Début 2010, ils travaillent ensemble sur une application mobile qui devait, au départ, être une version simplifiée de Burbn avant de devenir le projet d’où naîtra Instagram. Des sociétés de capital décident de parier sur leur travail, permettant au duo de lever 500 000 dollars.
L’application commence à attirer l’attention des géants du web (Twitter, Facebook, Google). En avril 2012, un nouveau tour de table financier avec la participation des fonds Sequoai, Thrive Capital, Greylock et Benchmark lui permet de lever 50 millions de dollars, valorisant l’entreprise à 500 millions. Lancée peu après, la version Android attire un million de nouveaux usagers en une journée. Par texto, Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, tâte le terrain pour le rachat de l’application. Systrom décline l’offre.
…Puis le revend à Mark Zuckerberg pour un milliard de dollars
Le créateur de Facebook, Mark Zuckerberg, décide de procéder autrement pour le convaincre de lâcher son joyau. Sans prévenir son conseil d’administration, il invite le patron d’Instagram chez lui, à Palo Alto. Durant trois jours, Systrom et Zuckerberg mènent des négociations serrées. Ce dernier voit l’opportunité d’un développement mobile, domaine dans lequel pêche Facebook. Selon Vanity Fair, Zuckerberg s’est payé le luxe d’interrompre les discussions pour mater un épisode de Game of Thrones laissant un Kevin Systrom médusé. Quelques jours plus tard, les deux hommes signent un deal pour la somme record d’un milliard de dollars. “Il s’agit d’un jalon important dans l’histoire de Facebook, parce que c’est la première fois que nous acquérons un produit et une entreprise avec tant d’utilisateurs”, commente, solennel, Zuckerberg sur sa page Facebook.
Pour chaque photo prise par le biais d’Instagram, l’application collecte une série de données. “Si Instagram ne vend pas ses informations, Facebook pourra le faire pour des publicités ciblées”, selon Alicia Eler, journaliste à Read Write Web. Ce rachat a d’ailleurs effrayé une partie des utilisateurs d’Instagram, Facebook n’étant pas réputé comme un modèle de transparence en matière de conditions générales d’utilisation. En décembre 2012, une modification des statuts d’Instagram a même suscité une vaste levée de boucliers. Selon le mantra “si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit”, beaucoup craignent qu’Instagram ne vende leurs photos à des marques. Quelques jours plus tard, Kevin Systrom a rétropédalé et présenté ses excuses sur son blog, expliquant que sa firme n’avait pas l’intention de vendre le moindre cliché.
Plus de cent millions d’utilisateurs
Instagram a désormais tranquillement dépassé le cap des 100 millions d’utilisateurs et, depuis son rachat par Facebook, joue des coudes avec les géants Foursquare ou Twitter. Mieux, il pourrait devenir l’un des premiers réseaux sociaux à générer une extension physique. Au premier trimestre 2014, un appareil photo dédié devrait arriver sous le label Polaroid. Baptisé Socialmatic, il permettra de prendre des clichés auxquels on pourra appliquer les fameux filtres pour les partager ensuite sur Facebook, Twitter, par MMS, courriel, et Instagram bien entendu. Tout en cultivant la nostalgie de ceux qui regretteraient ce bon vieux Polaroid puisque, grâce à son imprimante intégrée, le Socialmatic permettrait, tout comme son ancêtre, d’obtenir une version papier instantanément.

lesinrocks.com

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