26 mars, 2012

Couvre-feu, fermeture des frontières et petits arrangements aux portes du Mali

A Bamako, devant une station essence au lendemain du putsch contre le président "ATT", le 22 mars 2012.
A Bamako, devant une station essence au lendemain du putsch contre le président "ATT", le 22 mars 2012. | HABIBOU KOUYATE/AFP
C'est la nuit, un couvre-feu a été décrété dimanche 25 mars. Personne ne peut dire avec certitude qui dirigera le Mali demain matin, mais ce ne sont pas là des raisons assez solides pour empêcher la circulation. Bus vrombissants, camions fatigués, véhicules surchargés : l'obscurité du sud du Mali est pleine de voyageurs, dont certains viennent des pays voisins (Burkina, Côte d'Ivoire) et se doivent de passer chez les douaniers.
Dans le poste de douane de Koury, la chaleur semble coller aux murs, tandis que le travail se poursuit sous le néon, sur la base de formulaires à remplir et de subtiles négociations pour leur paiement.
Il y a eu de nouveaux tirs en l'air à Bamako, plus tôt dans la journée, mais, ici, on n'en sait presque rien. Sur la route, les unités de la police, de la gendarmerie et de l'armée se concentrent pour éviter les faux pas. Surtout, ne pas donner l'impression de faire obstacle à la junte, tout en évitant de montrer trop d'enthousiasme pour le nouveau pouvoir. On ne sait jamais.
L'armée de la base, mécontente de ses chefs et du président de la République qui les commandait, aurait renversé le pouvoir pour en finir avec le laisser-aller au nord et cette rébellion touareg qui semble plus gênée par la concurrence d'un groupe se réclamant du salafisme, Ansar Dine, que par les forces régulières.
"LAISSEZ-PASSER TOURISTIQUE"... TROIS FOIS PLUS CHER

Mais peut-être l'une des clés de compréhension du putsch du 22 mars tient-elle aussi dans ce bureau de douane délabré des environs de la frontière avec le Burkina Faso. Les frontières sont fermées depuis qu'a éclaté la mutinerie qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, le 22 mars. Fermées, mais la raison ou les "contributions" permettent de lever bien des barrières.
Dans le poste de douane, il fait chaud. En guise de douaniers, il y a là un groupe de jeunes gens à peine en âge de conduire des mobylettes et de faire rire les filles dans la rue, le soir. Ils sont derrière le comptoir, remplissent les formulaires, expliquent qu'il y a une "surtaxe de week-end" pour obtenir l'indispensable "laissez-passer touristique", au triple du prix.
Un douanier dans la force de l'âge, l'uniforme tendu à craquer au niveau de l'abdomen, passe une tête, grommelle, signe les papiers et empoche l'argent avant de disparaître. Et c'est alors que l'un des jeunes "aides", Daouda, se lance dans une profession de foi, tandis que ses compagnons opinent fébrilement : "Vous allez à Bamako ? Alors dites à Sanogo [le capitaine Amadou Sanogo, leader de la junte] que la jeunesse du Mali le soutient. Que la corruption ici nous empêche de vivre, qu'il faut payer pour les emplois, surtout pour ceux de fonctionnaires. Il y a un prix pour tout, et quand on n'a pas d'argent, on ne peut pas travailler, comme nous. Le putsch, il faut que ce soit un putsch pour nous, sinon ce sera une dictature comme les autres."
Une interrogation transparaît ici : et si la démocratie consensuelle mise en place au cours des dix ou vingt dernières années au Mali n'était qu'un leurre ? Et si le putsch avait la grâce de plaire à la multitude de la jeunesse malienne que le folklore démocratique n'amuse ni ne contente, et ne nourrit certainement pas ? Pour y répondre, il faudrait que des responsables politiques et militaires se décident à donner des indications sur leurs intentions. Or tous restent en attente.
POSITION INCONFORTABLE
Au sein de l'armée, des arrestations ont eu lieu, très peu au total. Mais aucun officier de poids n'est encore sorti de sa réserve pour s'associer aux putschistes, qui se trouvent dans la position inconfortable de devoir faire la preuve de leurs bonnes intentions dans un isolement assez retentissant.
A Bamako, chacun essaie de compter ses troupes. Côté putschistes, un groupe, le Mouvement populaire du 22 mars (MP22), avec comme responsable phare Omar Mariko, ancien leader étudiant qui manifestait dans les rues de Bamako en 1991 pour célébrer le départ de Moussa Traoré, le vieil autocrate. En face, les antiputschistes du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FUDR), unifiant 38 partis politiques et syndicalistes, se sont réunis dimanche pour appeler au "départ de la junte". L'un de leurs leaders, Soumaïla Cissé, avait déjà qualifié le putsch d'"acte réactionnaire le plus bas de toute l'histoire du Mali".
Des appels à la "désobéissance civile" devraient être lancés d'ici à mardi, jour de reprise théorique du travail dans l'ensemble du pays, après la date anniversaire du 26 mars, jour où Moussa Traoré était renversé en 1991.
Selon des informations du Monde, une ébauche de mouvement en faveur de négociations pourrait être en gestation parmi de jeunes capitaines de la junte, qui s'inquiéteraient de leur isolement. Ces derniers seraient favorables à un rétablissement des institutions, à l'organisation de nouvelles élections (le premier tour du scrutin présidentiel aurait dû se tenir le 29 avril), et seraient attachés à se voir garantir une "impunité" pour leurs actes depuis le 22 mars. S'agit-il d'un mouvement véritable ou d'un groupe d'individus isolés ? C'est ce que les jours prochains devraient permettre de voir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire