16 janvier, 2012

Arrestation de Ousmane Guiro : Voici comment les choses se sont passées

Ousmane Guiro a passé la première nuit de l’année 2012 dans les locaux de la gendarmerie nationale. Il a avoué que les 1,9 milliards que les gendarmes ont trouvés chez son cousin lui appartiennent. N’ayant pas pu se justifier sur l’origine de cette importante somme, le procureur a ordonné la mise aux arrêts de l’ex-premier responsable des douanes. C’est la nouvelle vie de ses neveux ces derniers mois qui a permis à la gendarmerie de remonter à lui. Selon plusieurs sources, c’est lors des mutineries des militaires que Ousmane Guiro a voulu mettre sa fortune en sécurité en le confiant à son cousin. Près de 2 milliards de F CFA. Exactement 1 906 000 000F cfa. Voilà une partie du butin du désormais ex directeur général des Douanes saisi par la gendarmerie brigade ville de l’arrondissement de Boulmiougou, dans la nuit du 31 décembre 2011 au 1er janvier 2012.

C’est une descente minutieusement bien préparée et qui a mobilisé tous les agents de la brigade que commande l’adjudant chef major Boukary Drabo qui a permis de mettre la main sur cette forte somme en liquide. Une fois saisies, les cantines qui contenaient les lots de billets ont été transportées à la gendarmerie. Les gendarmes ont mis plusieurs heures pour compter l’argent. C’est un boulot qui a pris pratiquement toute la nuit et qui a mobilisé toute la brigade. Les choses se sont passées discrètement au moment où la population fêtait le réveillon du nouvel an.

Voici comment les choses se sont passées. Depuis plusieurs semaines, des informations sont parvenues au niveau de la gendarmerie concernant un groupe de jeunes du secteur 18 qui entretiennent un niveau de vie très suspect. Ils n’ont pas de sources de revenus bien connues qui pourraient justifier leur extravagance. Ils ne mènent d’activités visibles qui puissent leur procurer beaucoup d’argent. Leurs parents sont connus aussi. Ils ne sont pas les mieux lotis du quartier. Pourtant, depuis quelques mois, ces jeunes mènent une vie que même les enfants des familles aisées n’osent pas faire. Dans le voisinage, tout le monde est surpris de voir les jeunes de la famille Sana et leurs amis changer subitement de niveau de vie. Leur père n’est pourtant pas un riche. Il n’a pas d’histoire particulière connue. Mais ses enfants entretiennent des copains et copines. Ils leur payent des motos, des téléphones portables et autres objets de valeur.

Pour dépenser, Abdoul Wahab Sana, fils de M. Sana Tidjani, n’a pas besoin d’aller en banque. Quand il paye un produit, c’est à la maison qu’il rentre chercher l’argent. Souvent, il se fait accompagner soit par ses amis soit par le propriétaire du produit même. C’est la même chose pour son frère. Les amis et le voisinage et même les délinquants comprennent alors qu’il ya de l’argent dans la famille, mais ils ignorent l’origine de la manne. Les plus malins et certains délinquants commencent à faire du chantage sur les enfants. Il suffit de voir un des fils, de le menacer de dénoncer leur famille pour avoir 500 000 fcfa et même plus ou encore une moto. Cela a duré plusieurs mois. Le groupe boit désormais les vins de grande marque. Ils sont désormais les jeunes les plus visibles dans leur quartier. Certaines personnes ont remarqué que Abdoul Wahab qui n’hésite pas à payer des motos pour ses copines et ses copains veut cacher certaines choses à ses parents.

Il utilisait la moto qu’il a payé il y a juste quelques semaines au cours de la journée. La nuit, c’est un de ses amis qui rentrait toujours avec la moto. Pour ceux qui le connaissent, il ne voulait pas que ses parents sachent la vie qu’il mène dehors. Cet étalage de moyens des enfants finit par donner des idées à certains délinquants. Pour eux, préparer un braquage au domicile de M. Sana et s’emparer de tout le butin est la meilleure solution. Il faut arrêter le chantage et agir directement. Ils sont sûrs désormais que la famille a gardé de fortes sommes d’argent dans la cour. Ils comptent agir avant la fin de l’année, de quoi fêter le 31 décembre. La gendarmerie de Boulmiougou qui a eu vent de toutes ces informations décide de devancer les braqueurs sur les lieux. Ils fouillent la maison et sont surpris de leur découverte.

Même s’ils s’attendaient à trouver de l’argent dans la cour, ils n’espéraient pas découvrir un tel montant. Des cantines contenant des liasses de billets de banque et des objets de valeur. M. Sana est interpelé. Son fils Abdoul Wahab aussi. Mais un membre de la famille notamment un certain Issouf et d’autres personnes impliquées dans l’utilisation des fonds arrivent à prendre la fuite. Au cours de l’interrogatoire, M. Sana tente de dérouter les gendarmes. Il déclare que l’argent lui appartient. Mais il n’arrive pas à convaincre les pandores sur l’origine de cette grosse fortune. Son activité de commerce ne lui permet pas d’économiser une telle somme. La gendarmerie décide de pousser l’enquête plus loin. Tous les éléments de la brigade sont mobilisés au cours de cette nuit. Sur les différents lots de billets attachés, on y trouve des étiquettes au nom du Directeur général des douanes. Tout de suite, on découvre que M.

Sana Tidjani est en réalité un cousin à Ousmane Guiro. Le procureur est immédiatement saisi. Les choses s’accélèrent très vite. Dès la matinée du 1er janvier 2012, le désormais ex-directeur général des Douanes reçoit la visite des gendarmes. L’intéressé ne met pas du temps pour avouer. Ousmane Guiro reconnait que l’argent lui appartient. Selon nos sources, l’homme a tenté de rester serein dès les premiers moments. Bien qu’il soit informé de ce qui s’est passé au cours de la nuit, chez son cousin, Guiro n’a pas cherché à entrer en contact avec la brigade pour comprendre. Il ne s’imaginait pas les conséquences de cette affaire. Sur instruction du procureur du Faso, Ousmane Guiro est embarqué.

Il ne rentra plus chez lui. Sa famille qui pensait certainement à une petite histoire essaie de cacher l’affaire. Les plus hautes autorités sont très vite informées. Dès les heures qui suivent, l’information s’ébruite et la rumeur commence à courir en ville. Selon nos informations, Ousmane Guiro est toujours détenu à la gendarmerie à Paspanga (au moment où nous bouclions le 4 janvier). Deux autres personnes sont aussi mises aux arrêts dans cette affaire. Il s’agit de M. Sana Tidjani, cousin à Ousmane Guiro qui avait gardé l’argent chez lui et son fils Abdoul Wahab. Selon des sources proches de l’enquête, la manne qui était jusqu’à présent gardée à la gendarmerie de Paspanga a été remise le 3 janvier au Trésor public. C’est avec des mallettes que les responsables du Trésor sont allés récupérer l’argent en attendant que la justice statue sur la suite de l’affaire.

Guiro a eu peur des mutins Selon plusieurs sources, c’est au cours des mutineries militaires du 1er semestre de l’année 2011, que Ousmane Guiro a jugé bon de mettre son argent en sécurité. Les mutins ont rendu visite à plusieurs personnalités dont son voisin de Pissy, l’ex-chef d’état-major général de l’armée, le général Dominique Diendéré. Ils repartaient toujours avec ce qu’ils trouvaient de biens importants au cours de leurs visites. En mars dernier, quand son voisin Diendéré a subi les foudres des jeunes soldats (maison incendiée), sa maison à lui a été épargnée. Ce sont les jeunes du quartier, semble-t-il, qui ont essayé de vandaliser l’alimentation de sa femme, non loin de son domicile de Pissy, mais sans succès. Tout cela l’a instruit.

C’est ainsi que Ousmane Guiro aurait décidé de transporter les quatre cantines chez son cousin qui est un parfait inconnu dans son secteur. Chez les voisins de M. Sana, on n’est pas totalement surpris de ce qui lui arrive. Nombreux sont ceux qui croyaient que quelque chose de peu clair se passait dans la cour à travers les dépenses extravagantes des enfants. Pourtant, la plupart semblent n’avoir pas remarqué un quelconque changement de niveau du papa, même si certains semblent penser avec le recul qu’il pourrait y avoir un lien entre cet argent et le pèlerinage à la Mecque du couple en 2011. Les autorités n’ont pas mis du temps pour sanctionner. Dans un communiqué lu le 2 janvier à la télévision nationale, le président du Faso a pris un décret pour mettre fin aux fonctions de Ousmane Guiro. Il devait être entendu le 4 janvier par le procureur du Faso. Belem Pawanezambo

MUTATIONS N. 5 de janvier 2012, Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (contact : Mutations.bf@gmail.com)

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