07 décembre, 2011

Les salafistes mauritaniens demandent une "police de la moralité"

Un mouvement traditionnaliste a demandé la mise en place de gardiens de la morale publique en Mauritanie. Pour certains analystes, cette conception relève d'une influence extérieure.
[AFP/Georges Gobet] L'imam de la mosquée al-Saudi, Ahmed Ould Lemrabet, a expliqué que la Mauritanie a besoin d'un comité pour combattre le vice.

[AFP/Georges Gobet] L'imam de la mosquée al-Saudi, Ahmed Ould Lemrabet, a expliqué que la Mauritanie a besoin d'un comité pour combattre le vice.

Un groupe de manifestants s'est rassemblé vendredi dernier dans le centre de Nouakchott pour condamner ce qu'ils appellent "le vice rampant" et "la transgression de la morale des jeunes" dans la société mauritanienne.

Les membres d'un mouvement jusqu'alors inconnu, baptisé "Non à la pornographie", a demandé aux Mauritaniens de participer chaque semaine à une manifestation de cinq minutes après les prières du vendredi, pour inciter la population à respecter les règles de la morale islamique.

"C'est le signe manifeste que nous n'assumons pas notre responsabilité légitime, sociale et morale", ont expliqué les manifestants, qui avaient choisi la mosquée al-Shurafaa comme lieu de rassemblement.

Ils ont appelé à la fermeture "des antres du vice, des maisons de tolérance et des magasins d'alcool" ainsi que l'interdiction des sites web à caractère pornographique. Les membres de ce mouvement ont également plaidé en faveur de "la mise en place d'une police de la moralité". Ils ont demandé aux femmes musulmanes de porter le niqab et la robe islamique traditionnelle en Mauritanie, la melhafa.

Ces traditionnalistes sont inspirés par le discours du moufti public et imam de la mosquée al-Saudi, Ahmed Ould Lemrabet, qui avait appelé en novembre à la mise en place d'un comité chargé de la promotion de la vertu et de la prévention du vice.

Selon al-Meshri Ould al-Rabbani, spécialiste des groupes islamique, Ould Lemrabet est un personnage controversé, qui a été "fortement critiqué par les milieux religieux adeptes de la secte islamique al-Maliki et les ordres soufis pour ses penchants favorables à l'idéologie radicale wahhabite".

Le moufti a condamné la nomination de femmes à de hauts postes et affirmé que "le meilleur travail que puisse faire une femme, c'est de s'occuper de son mari", a ajouté Ould al-Rabbani.

"Ces appels émanent probablement du courant salafiste en Mauritanie, car la mosquée al-Shurafaa est le haut-lieu des salafistes ; c'est là qu'avaient été lancées des prières pour l'ancien chef d'al-Qaida, Oussama ben Laden. Les salafistes disposent bel et bien d'un lieu d'expression", a-t-il déclaré à Magharebia.

Le Dr Mokhtar Ould al-Haj, professeur à l'université et historien-chercheur, a reconnu que "l'appel lancé témoigne de l'apparition du salafisme sous une nouvelle forme".

"Les extrémistes tentent d'utiliser la liberté d'expression pour faire pression sur les autorités", affirme-t-il. "Mais la société mauritanienne conservatrice n'accorde généralement aucun soutien à de telles demandes, qui expriment des tendances étrangères et non des appels nationaux au changement."

De nombreux étudiants et militants ont toutefois semblé s'alarmer de l'émergence d'un tel mouvement.

"Ce mouvement a peut-être pour ambition de nous faire revenir en arrière ; ils peuvent vouloir un nouveau régime taliban, où les femmes devraient porter la burqa et l'abaya, et se déplaceraient avec un mahrim (un parent non mariable)", a déclaré Noura Bent Mohamed Salem, 18 ans, étudiante en anglais à l'université de Nouakchott. "Je crois que ce sera un problème ; la société est déjà suffisamment conservatrice, nous n'avons vraiment pas besoin de pressions supplémentaires." la rédaction de textes juridiques inspirés de la charia islamique, mais la mise en place d'un comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice ne se justifie en rien", explique pour sa part Zaineb Bent al-Hadrami, étudiante de 20 ans portant le voile à l'université de Nouakchott. "Cela reviendrait à importer un système de sécurité essentiellement saoudien qui ne serait absolument pas adapté au tissu social mauritanien."

Bien qu'elle soit opposée à la "corruption morale dans une société islamique", Ben al-Hadrami insiste sur le fait que la mise en oeuvre littérale de la charia est impossible.

"Cet appel témoigne de la croissance de l'idéologie de l'extrémisme", a expliqué Makfula Bint Ibrahim, militante des droits de l'Homme, à Magharebia.

"Comment un groupe peut-il utiliser la liberté de manifester et d'expression pour demander la création d'un comité destiné à réprimer les libertés publiques et contraindre les gens à se plier à certaines règles religieuses, dans la mesure notamment où ce comité pourrait devenir un organe de répression ?", se demande-t-elle.

Ce contenu a été réalisé sous requête de Magharebia.com.

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