26 octobre, 2011

Mauritanie Ville frontalière : ROSSO au rythme de l’informel et de la contrebande

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Située à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, Rosso-Sénégal connaît une intense activité économique propice au développement de l’informel. Mais aussi de la contrebande, du trafic de devises du fait de sa position de ville-carrefour.

Une forte canicule règne sur Rosso Sénégal, à midi, en cette journée de dimanche 16 octobre. Distante de Saint-Louis d’un peu plus de 100 km, cette localité connait une forte animation. Véhicules, motos, charrettes, pousse-pousse et piétons, dans un charivari monstre, se disputent la route dégradée, semblable à un sentier. Hommes, femmes et enfants, dans un empressement sans nom, vaquent à leur occupation.

Le flux humain est impressionnant. La principale artère est animée de jour comme de nuit. Malgré son statut de commune depuis février 2002, Rosso-Sénégal reste toujours un gros village, mais demeure toutefois un véritable pôle économique grâce à sa position de ville frontière avec sa jumelle de l’autre rive du fleuve Sénégal, Rosso-Mauritanie. L’économie urbaine est essentiellement basée sur l’accroissement des activités du secteur informel.

Une intense activité commerciale

Hormis le sucre et la tomate dont le trafic est interdit par la législation en vigueur en la matière, les commerçants sénégalais peuvent acheter à Rosso Mauritanie divers produits comme l’huile, la boisson, le lait en poudre ou concentré, le thé, viande, téléviseurs, magnétophones, des téléphones portables, des tissus, des moquettes et tapis de prière, des crèmes et laits de beauté, des tubes de dépigmentation, des parfums.

En retour, les commerçants de l’autre rive peuvent s’approvisionner en riz, patate douce, tomate fraîche, ciment, fer et gaz butane. Cet échange de marchandises fait aujourd’hui que les deux rives du fleuve sont devenues de véritables centres d’affaires. Et la plupart des habitants de Rosso Sénégal dépendent du commerce avec la Mauritanie. « Le commerce en provenance et à destination de la Mauritanie a créé de nombreux emplois, en particulier chez les jeunes qui étaient au chômage, ce qui est une chose très bénéfique », a indiqué Abdou Diop, dont la boutique est implantée à quelques encablures de l’embarcadère.

Tout au tour et à intervalles réguliers, d’autres commerçants, qui disposent de grandes boutiques riches en marchandises, de cantines, d’autres d’étals ou encore de tables installées en pleine rue, ne se plaignent pas trop. « Ici, il n’y a pas de concurrence, chacun y va de sa chance », soutient A. Ndiaye, une vendeuse de riz. Composés dans l’écrasante majorité de femmes, les commerçants, viennent de Saint- Louis, Louga, Thiès, Dakar, etc. Et régulièrement, ces « bana-bana » viennent à Rosso-Mauritanie s’approvisionner en marchandises diverses.

Khady Ndiaye est de celles-là. La quarantaine révolue, cette bonne dame qui vient de Kébémer, fait la navette trois fois par mois pour achèter des téléphones portables, qu’elle revend à des prix dix fois plus élevés dans sa contrée. D’autres commerçantes achètent des tissus, des tapis de prière, des produits cosmétiques qu’elles transportent jusqu’à Dakar où elles ont une clientèle fidèle. « Les prix des produits sont très bas à Rosso-Mauritanie, parce que ces marchandises arrivent chaque jour d’autres pays comme l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et l’Espagne. Cela rend le commerce plus facile et nous permet de faire beaucoup de bénéfice », soutient-elle.

La loi des contrebandiers

Chaque jour, ce sont des flots de gens et de véhicules qui franchissent la frontière sénégalo-mauritanienne. En l’absence d’un pont, la traversée est assurée par le bac, gratuitement. Ces embarcations, au nombre de deux, fonctionnent à plein régime et se relaient chaque jour pour transporter les nombreux passagers et leurs biens, les camions, les véhicules légers. Malgré le bac, la traversée s’effectue aussi par pirogues. Aujourd’hui, le nombre de ces flottes a considérablement augmenté. D’une dizaine au départ, on dénombre près de 300 pirogues à Rosso. De nombreux jeunes venus d’ailleurs allongent la liste des piroguiers. Ainsi, le transport fluvial est devenu saturé et moins rentable.

« Avec l’augmentation de la flotte, il est difficile d’avoir deux voyages par semaine. Et quand on a une famille et plusieurs bouches à nourrir, il est difficile de s’en sortir avec 7000 francs qui constitue la recette d’une traversée », se désole M. Diallo, qui se plaint également de la concurrence du… bac. Avec cette situation, beaucoup de piroguiers se sont convertis en « thieup-thieup » ou contrebandiers. « Ils sont nombreux ces commerçants qui profitent du crépuscule pour faire entrer des produits frauduleux.Il s’agit du riz et de la tomate qu’on achète sur l’autre rive à moindre coût, et qu’ils vont revendre sur le territoire national », indique S. Diaw. « C’est le risque qu’il y a dans cette activité qui fait que nous sommes très bien payés. Les commerçants savent que nous sommes souvent traqués par les agents de la douane, c’est pourquoi nous leur demandons de fortes sommes pour le prix du risque », poursuit-il.

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