09 août, 2011

KIEV - Les Ukrainiens s'émeuvent pour Timochenko, mais pas prêts à agir

KIEV - Sur Khrechtchatik, la grande avenue de Kiev, les slogans pro et anti-Ioulia Timochenko assourdissent les badauds ukrainiens, mais s'ils sont nombreux à s'émouvoir du sort de l'opposante incarcérée depuis vendredi, rares sont ceux prêts à descendre dans la rue pour elle.

Le procès étant suspendu pour une journée, la mobilisation dans le centre-ville, à proximité du tribunal, a considérablement faibli mardi.

Seuls quelques dizaines de militants des deux camps munis de puissants mégaphones sont encore là, alors qu'ils étaient des centaines la veille.

"C'est de la comédie. Ils dépensent tellement d'argent pour ce spectacle", s'insurge Galina Stepanova, 80 ans qui se promène sur Khrechtchatik.

Mme Stepanova a voté Timochenko à la présidentielle 2010 parce qu'elle aime "son courage et son élégance", mais elle dit aujourd'hui avoir "d'autres chats à fouetter" que de défendre l'opposante incarcérée.

Anna Rogova, une peintre de 27 ans n'a jamais soutenu l'équipe "orange" issue de la Révolution pro-occidentale de 2004 et dont Mme Timochenko était l'égérie, et elle pense que le procès pour abus de pouvoir doit "être mené à son terme".

"Je n'aime pas cette menteuse, ni son comportement agressif au tribunal, mais la placer en détention c'est trop. Elle était Premier ministre du pays, (l'incarcérer) c'est manquer de respect à l'égard de nous-mêmes", souligne-t-elle.

Et selon le retraité Evghen Tarassiouk, "il ne faut pas être juriste pour comprendre que le procès de Timochenko, c'est de la justice sommaire".

"Si elle a commis des crimes pourquoi le procès est-il caché? Montrez-nous de quoi elle est coupable!", s'insurge-t-il en référence à la décision de justice qui a interdit à la mi-juillet la retransmission du procès en direct à la télévision.

La colère de M. Tarassiouk est sincère, lui qui avait participé à la Révolution orange, le soulèvement populaire ayant renversé le régime dont le chef de l'Etat actuel Viktor Ianoukovitch était le candidat à la présidentielle.

Mais aujourd'hui, il ne croit pas à une réédition de ces évènements, tant les Ukrainiens sont désabusés par les interminables imbroglios politiques dans le pays.

"A l'époque l'économie était stable et les manifestations étaient une question idéologique, pour la démocratie, contre les fraudes. Aujourd'hui, c'est la crise, il y a trop d'inégalité dans la société. Si les gens sortent dans la rue, ce ne sera pas pour défendre des hommes politiques, mais ce sera pour une révolte", estime-t-il.

Les membres du parti de Mme Timochenko qui campent devant le tribunal depuis son incarcération font le même constat.

"Les gens sont désenchantés. Ils sont pessimistes, inertes et fatigués des bagarres au sein de l'équipe orange" qui était au pouvoir en 2005-2010, estime Dmitri Tchesnokov, militant du parti Batkivchtchina qui campe dans une des 20 tentes de l'opposition près du tribunal malgré l'interdiction de justice.

"Il faut qu'entre 50.000 et 100.000 Ukrainiens sortent dans la rue pour pouvoir changer quelque chose. C'est très peu probable", dit-il.

Mais ce constat ne correspond pas pour autant à un soutien au chef de l'Etat ukrainien, comme en témoignent certains de ces anciens électeurs.

Volodymyr, un ouvrier de 54 ans, avait voté en 2010 pour le président Ianoukovitch, mais aujourd'hui il ne cache pas sa rancoeur, en premier lieu à cause de la hausse des prix.

"Ceux qui sont au pouvoir sont tous des voleurs. Ianoukovitch augmente les prix du pain, c'est injuste", regrette-t-il.

© 2011 AFP

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