10 août, 2011

Dans le sud de l'Ethiopie, la malédiction de la "sécheresse verte"

SHEBEDINO (© 2011 AFP) - Shundure Tekamo est confrontée à un insupportable dilemme: rester avec son nourrisson souffrant de malnutrition dans ce centre de santé du sud de l'Ethiopie ou retourner chez elle pour trouver de quoi nourrir ces cinq autres enfants.
Dans le sud de l'Ethiopie, la malédiction de la "sécheresse verte"

© AFP Jenny Vaughan. Des enfants éthiopiens souffrant de malnutrition, à Shebedino, le 6 août 2011

"Je n'arrive pas à réfléchir; tout ce que je veux c'est sauver mon enfant", explique cette jeune mère, debout aux côtés de son fils Berhanu, alité.

"Mais en même temps, je m'inquiète parce que j'ai laissé mes autres enfants" chez moi, ajoute-t-elle désemparée.

C'est la seconde fois depuis décembre que Berhanu est admis dans ce centre de santé de Shebedino, à 225 km au sud de la capitale Addis Abeba, son état se détériorant en raison du manque chronique de nourriture.

Dans cette "Région des nations, nationalités et peuples du Sud", une des neuf régions administratives du pays, une succession de saisons des pluies irrégulières ou décalées a entraîné de très faibles récoltes ou endommagé les cultures, provoquant de très graves pénuries alimentaires.

Cette région, densément peuplée, fait face à une "sécheresse verte": tandis que le paysage y apparaît vert et luxuriant, les récoltes sont quasi-inexistantes. Une répétition de 2008 dans cette partie du pays.

Plus de 250.000 personnes ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence dans cette partie du sud de l'Ethiopie selon le gouvernement, un nombre sûrement trois fois supérieur selon les organisations humanitaires présentes sur place.

"Les principales causes d'insécurité alimentaire sont la sécheresse récurrente, la pression démographique et la dégradation des sols", explique à l'AFP le coordinateur de la région pour la sécurité alimentaire, Getachew Lemma.

Selon les Nations unies, quelque 4,5 millions d'Ethiopiens nécessitent une assistance humanitaire en raison de cette sécheresse qui affecte environ 12 millions de personnes en Afrique de l'Est.

A Shebedino, leur nombre ne cesse de progresser.

"Le taux de malnutrition augmente", assure Daniel Legisso, qui travaille pour le gouvernement sur la sécurité alimentaire dans le sud de l'Ethiopie. Selon lui, le taux de malnutrition des enfants a progressé de 5% depuis mai.

"La situation actuelle est très tendue par rapport aux années précédentes", ajoute-t-il.

Melcamu Tilahun, modeste agriculteur, ne saurait le contredire: son maïs a séché sur pied en raison de faibles précipitations et trois de ses quatre enfants souffrent de malnutrition.

"Cette année, je n'ai même pas de quoi nourrir ma famille pour trois semaines", déplore-t-il.

Ce père de famille envisage même d'abandonner l'agriculture pour ouvrir un petit commerce.

"Si je peux obtenir un prêt et changer de boulot, je pourrai nourrir ma famille", espère-t-il.

Le gouvernement a lancé un programme pour apprendre aux mères de famille à reconnaître les symptômes de la malnutrition.

De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) est engagé dans une opération de plus longue haleine (cinq ans), où les bénéficiaires reçoivent de l'argent et de la nourriture en échange de leur labeur dans les champs.

Un des responsables de ce programme du PAM Yohannes Desta met toutefois en avant la nécessité d'investir dans des projets d'irrigation et dans un meilleur accès aux engrais pour aider durablement les fermiers locaux.

Mais pour ceux dont la survie est en jeu actuellement, à l'image de Shundure et de son bébé, l'aide humanitaire d'urgence demeure la priorité.

"Je n'ai pas de nourriture pour mes enfants chez moi. Je n'ai même pas de lait à leur offrir", se désole-t-elle.

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